LES RACINES DE LA HAINE ou L’ENFANCE DE HITLER

LES RACINES DE LA HAINE ou L’ENFANCE DE HITLER

La pièce de théâtre « Hitler’s Childhood » (L’enfance de Hitler) a été crée d’après mes recherches publié dans mon livre  » C’est pour ton bien  » par l’auteur suédois Niklas Radström. Ce fut un grand succès au début des années 80 à Stockholm. Plus tard, la pièce fut jouée à New York, Zurich et Paris. Par hasard, j’ai retrouvé le matériel concernant la représentation à Paris que nous publions ici.
— Alice Miller

L’ENFANCE D’UN HOMME PEUT-ELLE EXPLIQUER LE NAZISME ?

Non. Ceux qui voudraient interpréter notre projet comme une tentative d’explication des méfaits du nazisme uniquement par les expériences vécues dans son enfance par Adolf Hitler simplifieraient énormément une problématique complexe.
Cependant il faut bien admettre que la personnalité d’Hitler a laissé une empreinte très forte sur la marche de l’histoire, et que, si l’on veut bien utiliser ce que la psychanalyse nous enseigne sur l’importance des premières années de la vie pour la formation de la personnalité de l’adulte, il nous est apparu important de mettre en lumière cette partie ignorée de la vie d’Adolf Hitler.
Si l’on reconnaît l’importance décisive de l’enfance dans la formation de la personnalité, il devient également très intéressant de rechercher le degré d’identification entre l’éducation d’Hitler et celle de ses futurs sujets.
Nous savons que les préceptes d’éducation de l’époque étaient construits sur l’idée que l’enfant naît mauvais et que donc, pour les parents, il faut par tous les moyens – punitions physiques et psychiques, pièges, mensonges, ruses et préceptes moraux – dompter la méchanceté de l’enfant. Peut-être serions-nous plus vigilants, si nous arrivions enfin à percevoir le « fil rouge » qui relie étroitement le refoulement des humiliations et des souffrances subies dans la petite enfance, à l’acte sauvage d’un tortionnaire ainsi qu’à la violence subite incontrôlable et « inexplicable » de l’assassin.

Je considère que ma tache est de sensibiliser l’opinion publique aux souffrances de la petite enfance, et c’est ce que je tente de faire à deux niveaux différents, m’efforçant à ces deux niveaux d’atteindre, chez le lecteur adulte, l’enfant qu’il a été.
— Alice Miller

DE NIKLAS RADSTRÖM
adapté en français par
ANNE CHARLOTTE BERGER

MISE EN SCENE PAR STEPHANIE LOÏK

AVEC: (par ordre alphabétique)
CHRISTIAN BOUILLETTE
(Alois, le père)
GUY PIERRE COULEAU
(le juif)
ANNE DELANGE
(Klara, la mère)
PAUL MINTHE
(Adolf)
DENISE PERON
(Johanna, la tante)

Voir les esquisses de la pièce.


Hitler, bébé

Lorsque Anne-Charlotte Berger m’a proposé de mettre en scène cette pièce: « Les racines de la haine, ou l’enfance d’Hitler », de Niklas Radström, j’ai d’abord eu un mouvement de recul : « oh la la, parler d’Hitler, de son enfance! Comme c’est dangereux. Et difficile. Et comme cela risque d’être mal interprété ! ».
Alors Anne-Charlotte Berger, obstinée, m’a demandé de lire les travaux de la psychanalyste suisse allemande Alice Miller sur l’enfance, l’éducation et ses ravages, à partir desquels cette pièce a été écrite. Ce que j’ai fait, et alors je me suis dit : « Oui, il y a la quelques problèmes… » J’étais très intéressée. . .Et je me suis mise a lire tout ce que je trouvais sur Hitler, sur l’Allemagne, sur cette guerre-là, sur l’antisémitisme, sur ce cimetière dont cet homme-là fut le protagoniste. . .
Je me retrouvais explorant mon propre passé, notre passé si proche.
Et lorsque je me mis a rechercher, tant bien que mal, les documents historiques concernant l’enfance d’Hitler, (quand j’ai vu pour la première fois une photographie de Hitler bébé, j’ai eu comme un choc. . . c’est vrai qu’il y a tant de gens dont on ne peut imaginer qu’ils ont été enfants…), j’ai été très troublée ; je rencontrais un enfant comme tant d’autres ; une enfance comme tant d’autres ; très difficile aussi, il est vrai, mais comme d’autres. . . et qui pourtant portait en germe un des plus grands cataclysmes criminels de l’histoire des hommes.
Ce trouble, j’éprouve le besoin de le partager.
Non, il ne s’agit en aucune manière d’excuser le crime par l’enfance du criminel. Mais, au contraire, de focaliser sur ces normes de vie familiales, éducatives, sociales, etc. . . , qui, refusant en tous temps de prendre en compte l’extraordinaire intensité de la sensibilité, de l’émotivité, de l’imaginaire de l’enfant, tiennent, consciemment ou non, un rôle-clé dans l’évolution de l’histoire du monde et de l’homme.
Il me parait fondamental que le théâtre parle de cela.
— STEPHANIE LOÏK

POURQUOI TRADUIRE ET VOULOIR PROMOUVOIR UNE PIECE SUR L’ENFANCE D’HITLER ?


Alois Schicklgruber,
père de Adolf

Quand Alice Miller dans son livre « C’est pour ton bien » nous donne un matériel nouveau pour comprendre le plus grand assassin de notre temps j’ai eu envie avec Stéphanie Loïk de continuer le travail de Suzanne Osten et de Niklas Radström et de transmettre ces connaissances sous une forme théâtrale.
Quel est donc le propos de cette pièce de Niklas Radström tirée du livre d’Alice Miller ? Il pourrait se résumer ainsi : le criminel par son crime raconte l’histoire de sa propre enfance.
Et cela même lorsqu ‘il est le plus grand assassin de l’histoire comme dans le cas d’Adolf Hitler.
Les actes d’un criminel peuvent nous sembler bien plus horribles que ce qu’il a subi.
Mais nous ignorons avec quel1e intensité un enfant peut ressentir l’enfermement, les mauvais traitements et la peur constante.
Et de plus il ne peut souvent même pas témoigner, parce qu’il n’a pas toujours de souvenir conscient. (Au cas ou nous serions prêts à croire en sa parole.) Tant que nous sommes insensibles au fascisme familial ou institutionnel et à la souffrance de la petite enfance il est inutile de s’offusquer de l’horreur du dernier acte d’un drame dont on ne veut pas voir le commencement.
Le fait de montrer l’enfant que fut Hitler n’est pas fait pour nous apitoyer mais pour nous ouvrir un autre champ de réflexion.
Et pour démystifier ce « héros » du mal. De le rendre inutilisable comme idole. Car le mal et la force fascinent toujours.
ANNE-CHARLOTTE BERGER, Ed. Aubier


Klara Hitler,
mère de Adolf

L’opinion publique est loin d’avoir pris conscience du fait de ce qui arrivait à l’enfant dans les premières années de sa vie se répercutait inévitablement sur l’ensemble de la société, et que la psychose, la drogue et la criminalité étaient des expressions codées des expériences de la petite enfance.

D’innombrables publications sur la vie d’ Adolf Hitler sont parues au cours des trente-cinq dernières années. J’ai incontestablement entendu dire plusieurs fois que Hitler avait été battu par son père, je l’ai même lu il y a quelques années dans la monographie de Helm Stierlin, sans que cette information m’ait touchée particulièrement. Mais depuis que je suis sensibilisée au problème de l’humiliation de l’enfant dans les premières années de sa vie, l’information acquise antérieurement a pris un poids bien plus considérable pour moi. Je me pose la question suivante : comment a pu être l’enfance de cet homme, pour qu’il ait été toute sa vie possédé par la haine, et qu’il ait si aisément réussi a entraîner les autres dans cette haine ? Grâce a la lecture de Schwarze Pädagogik (La pédagogie noire) et des sentiments qui s’éveillèrent en moi à cette occasion, je suis brusquement parvenue à me représenter et à ressentir ce qui avait pu se passer dans la maison de la famille Hitler.
Alice Miller

QUELQUES CONCEPTS DE LA PEDAGOGIE NOIRE

… Dans ce qui va suivre, j’utiliserai à l’occasion la notion de « pédagogie noire » pour désigner cette attitude hautement complexe, le contexte permettant chaque fois de comprendre quel aspect je fais passer au premier plan. Les différents aspects caractéristiques ressortent directement des citations précédentes qui nous enseignent les principes suivants :

  1. que les adultes sont les maîtres (et non pas les serviteurs !) de l’enfant encore dépendant ;
  2. qu’ils tranchent du bien et du mal comme des dieux ;
  3. que leur colère est le produit de leurs propres conflits ;
  4. qu’ils en rendent l’enfant responsable ;
  5. que les parents ont toujours besoin d’être protégés ;
  6. que les sentiments vifs qu’éprouve l’enfant pour son maître constituent un danger ;
  7. qu’il faut le plutôt possible « ôter à l’enfant sa volonté » ;
  8. que tout cela doit se faire très tôt de manière à ce que l’enfant « ne s’aperçoive de rien » et ne puisse pas trahir l’adulte.

Les moyens de l’oppression du vivant sont les suivants : pièges, mensonges, ruses, dissimulation, manipulation, intimidation, privation d’amour, isolement, méfiance, humiliation, mépris, moquerie, honte, utilisation de la violence jusqu’à la torture…

(extrait du livre d’Alice Miller « C’est pour ton bien »)