Thursday 20 June 2013
Article de Brigitte Oriol: La colère des enfants
Revue “Non-Violence Actualité”
Janvier/Février 2013
La colère chez l’enfant, signe de bonne santé psychique.
Nous avons tous entendu dire : « T’es pas belle quand tu es en colère – Tu fais des caprices – Puisque tu cries, je te laisse»….
Accabler l’enfant par ces réflexions, c’est comme lui envoyer un « projectile » dans le cerveau qui, en attendant d’exploser à tout moment de sa vie (l’adolescence, l’âge adulte), le détruit à petit feu.
Dès notre naissance, nous sommes dotés d’un système émotionnel très sophistiqué qui nous permet de ressentir la colère, la peur, l’angoisse de séparation et c’est grâce au déclenchement de ces émotions que nous pouvons assurer notre survie en appelant la présence de nos parents pour nous rassurer.
Si les nourrissons sont constamment assaillis par ces émotions, c’est parce que leur cerveau cognitif qui permet d’analyser les situations, de faire des déductions et de se calmer tout seul, n’est pas encore assez développé pour lui permettre de réfléchir. Un bébé ne peut pas, par exemple, « s’imaginer que maman termine la vaisselle ou sa douche avant de répondre à ses pleurs».
Pour des enfants plus grands, vers sept, huit ans, il devient plus facile de patienter ou de comprendre les raisons qui nous empêchent de répondre sur l’instant.
Nous sommes également dotés d’un comportement de sauvegarde semblable à celui des animaux, qui nous permet de prendre la fuite, contourner un obstacle ou se défendre en cas de danger.
Tous ces systèmes peuvent fonctionner naturellement, s’ils n’ont pas été endommagés par des « projectiles » qui nous ont interdit de réagir en situation d’agression pour nous laisser dans l’impuissance.
Pour que l’enfant puisse développer une maturité cérébrale qui lui permettra d’apaiser ces états d’alertes, il est essentiel de répondre avec compréhension à ses pleurs depuis sa naissance, parce que ce sont nos réponses empathiques qui lui permettront de faire des crises d’angoisse ou de colère de moins en moins impressionnantes et de moins en moins fréquentes.
Il a besoin d’être rassuré à tous les instants des premières années de sa vie et ainsi nous devenons sa base de sécurité.
L’immaturité de son cerveau ne lui permet pas d’agir autrement que par des pleurs, des cris, et plus grand, par de véritables tempêtes émotionnelles qui peuvent déclencher des crises jusqu’à se rouler par terre. Cela dure le temps que son cerveau cognitif arrive suffisamment à maturité pour pouvoir raisonner et se calmer tout seul (6-7-8 ans selon les enfants).
Ces crises ne sont donc pas des caprices, mais le reflet de l’immaturité de son cerveau. Il ne fait pas exprès de réclamer vos bras ou d’être furieux, il n’est pas mauvais ou manipulateur, il ne cherche pas non plus à vous faire « tourner en bourrique ».
C’est tout simplement que son petit organisme ne PEUT pas agir différemment pour vous dire qu’il a besoin d’être rassuré par votre présence.
Malheureusement, à ce moment-là, les parents interprètent mal le comportement de l’enfant et ils pensent être manipulés, alors ils vont commencer à le taper, lui crier dessus, l’isoler dans la chambre, le menacer ou l’ignorer dans ses pleurs pour le corriger.
Et c’est là que les blocages émotionnels commencent. L’enfant doit ravaler ses émotions et dans cet interdit, il va apprendre à faire dysfonctionner son système émotionnel qui était magnifique au départ. On retrouvera les conséquences de ces blocages, même des années plus tard, dans un cortège de maladies psychosomatiques, des troubles alimentaires ou encore dans des difficultés relationnelles avec les autres, des addictions à la drogue, l’alcool, dans la délinquance voire dans la soumission…
On a tendance à attribuer ces mal-être au stress, alors qu’en définitive, ce sont généralement les situations d’impuissance que l’on a vécues par le passé, qui se sont accumulées et qui se manifestent, MAIS, comme il y a un délai entre le moment où les évènements traumatiques ont eu lieu et le moment où le symptôme s’exprime, personne ne fait le lien entre les causes et les conséquences.
Le système émotionnel de l’enfant peut très rapidement se bloquer quand on lui interdit de pleurer par exemple, ou quand on lui interdit de se mettre en colère, il se bloque aussi par les violences physiques comme les fessées, MAIS aussi par les violences émotionnelles, comme lui hurler dessus, se moquer de lui, l’humilier, le menacer ou le punir.
Alors que si l’on répond au bébé et au jeune enfant avec compréhension et empathie, on développe chez lui la certitude de la confiance en l’autre en cas de problème, durant toute sa vie. Si j’ai manqué de réponse, je risque plus tard d’être dans l’incertitude, le doute avec les autres et moi-même.
Un enfant a des tas de raisons pour être agité, en colère, grognon ou angoissé. Les premières années de sa vie sont consacrées à découvrir son environnement, le fonctionnement du monde qui l’entoure et à s’adapter au rythme et aux humeurs de ses parents. Tout cela avec un cerveau immature qui ne lui permet pas d’analyser ce qui se passe, ni de contrôler ses émotions. Il reçoit une quantité importante d’informations à la minute, émotionnelles, comportementales, musculaires, matérielles, ce sont des tâches aussi épuisantes pour lui qu’une journée de travail harassante pour un adulte.
Dans cette avalanche d’informations, il déploie une énergie considérable pour absorber tout ce qui se passe autour de lui.
Cela peut être dans la foule des grands magasins, à la crèche, à l’école, sur le manège, à Eurodisney, mais cela peut être aussi par la fatigue, l’agacement ou l’indisponibilité de ses parents, l’ambiance de la maison….
Cette fatigue émotionnelle n’est pas forcément visible, c’est pourquoi nous pouvons être très surpris, après avoir passé une formidable journée ensemble, de se retrouver face à une crise de colère terrible, parce qu’on lui demande de mettre son pyjama.
Toutes ces émotions activent des substances dans son organisme qui génèrent du stress et c’est par les agitations de son corps, les pleurs et les cris, qu’il tente de se libérer des tensions qu’il a accumulées dans la journée, voire les mois précédents. Un enfant ne peut pas mettre de mots sur ses émotions, c’est pourquoi il pleure ou il crie et en général, on le punit alors qu’il a réellement besoin d’une présence sécurisante justement à ce moment-là.
Les crises de colère sont provoquées par l’impuissance, la frustration, la perte, la déception et le sentiment d’être incompris et elles entrainent une véritable souffrance émotionnelle que nous devons prendre au sérieux.
Après l’avoir assisté pour ses nombreux tours de toboggan, vous devez rentrer. Il s’y oppose par une forte crise, vous pouvez le prendre dans vos bras en vous protégeant des coups, tout en l’amenant vers la voiture et murmurer : « Oui, tu n’es pas content, tu aurais tellement voulu continuer, mais je ne peux vraiment pas rester» avec calme pour qu’il puisse amorcer le processus de deuil, qui va lui permettre d’accepter qu’il faut rentrer.
Si le parent se met en colère à ce moment-là, l’enfant peut arrêter de pleurer, mais uniquement parce que le système responsable de la peur se déclenche, et c’est l’angoisse de séparation qui prend le dessus, à ce moment-là, l’enfant a peur d’être abandonné, c’est pourquoi il arrête de pleurer.
Cette technique qui semble efficace sur le moment, modifie la relation à tout jamais avec vous, par la peur, la crainte et la méfiance.
Dans la détresse, un enfant ne peut ni écouter, ni parler, car les fonctions cognitives qui lui permettent de comprendre et de s’exprimer, sont neutralisées par le bouleversement émotionnel. C’est pourquoi, il est inutile d’essayer de lui parler ou de lui demander d’exprimer ce qu’il ressent, car la seule chose qu’il peut faire au moment d’une crise, c’est d’évacuer ses émotions.
Quand un enfant ne peut pas avoir quelque chose, il va se mettre en colère, c’est une étape nécessaire, naturelle et normale du travail de deuil pour que l’enfant accepte sa frustration et pour qu’il réalise que le monde n’est pas magique.
Quand on interdit à un enfant de se mettre en colère, on l’empêche de réagir de manière appropriée à une blessure, plus tard il craindra ses sentiments au lieu de s’appuyer dessus pour mieux s’orienter dans la vie.
C’est pourquoi une petite fille, par exemple, peut suivre le voisin qui lui a promis des bonbons, même si elle a un peu peur d’y aller.
Si, dès le début de sa vie, elle a appris que ses sentiments n’avaient pas d’importance, que ce n’est pas beau de se mettre en colère et qu’il faut obéir, même si intérieurement elle ressent une résistance, elle va suivre le voisin.
Nous savons tous qu’il est impossible d’être à l’écoute 24h sur 24, disponible et patient, même si nos bébés et nos enfants en ont besoin. Mais le simple fait de connaître la sensibilité du cerveau en développement, nous permet de passer le relais quand on est épuisé, plutôt que de prendre le risque d’envoyer des « projectiles ». ET SURTOUT, quand ON SAIT que nos énervements troublent le psychisme de l’enfant, ON DEVIENT un parent conscient, donc plus vigilant et capable de réparer son erreur en ne lui laissant pas croire que c’est lui qui est mauvais.
Brigitte Oriol
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