par Alice Miller
A propos de la » résilience »
Monday 01 January 2001
L’image excellente de l’iceberg, introduite par Olivier Maurel, m’a d’un coup ouvert les yeux sur le fait que Boris Cyrulnik et son groupe, qui parlent de la résilience de l’enfant, s’occupent presque uniquement des enfants visiblement maltraités et négligés. A ces enfants la société offre aujourd’hui plusieurs voies pour qu’ils puissent surmonter les effets des graves traumatismes qu’ils ont subis et devenir résilients grâce à la confiance qu’ils ont pu développer. La justice qui prend leur parti, plusieurs témoins éclairés, des personnes empathiques, des thérapeutes aident l’enfant maltraité à devenir un survivant conscient qui, plus tard, saura ne pas répéter avec ses enfants ce qui lui est arrivé.
Mais nous qui nous intéressons aux problèmes de la violence éducative, nous parlons tout à fait d’autre chose. Nous parlons des 90 % de la population mondiale qui ont subi une folie » éducative » sans se rendre compte qu’il s’agissait de traumatismes graves. Les victimes de ce genre de violence ne peuvent pas compter sur l’empathie de la société, parce que toute la société nie leur souffrance, comme elle nie la sienne. Ce traumatisme n’a pas de tribunaux, pas de témoins lucides, pas de compassion, alors pas de résilience non plus. Ce qui se produit habituellement, c’est la répétition transgénérationnelle. Les enfants battus pour des raisons éducatives frapperont presque inévitablement leurs propres enfants demain si nous ne commençons pas à nous intéresser à cette dynamique pour que la société mette enfin un terme à cette pratique par une promulgation d’une loi interdisant les châtiments corporels.
Grâce à la clarification d’Olivier Maurel, j’ai compris que les partisans de la résilience s’occupent du sommet de l’iceberg et non de la partie cachée (qui pourtant alimente sans cesse la partie émergée). Il faut que les médias comprennent cette distinction pour que de graves malentendus puissent être évités dans les discussions courantes sur ce sujet. Il faut savoir que sans témoins lucides, sans l’assistance d’une société consciente et éclairée, les enfants battus » normalement » restent seuls avec leur souffrance réprimée, et c’est pourquoi, toute leur vie, ils seront persuadés qu’ils ont été battus pour leur bien. Ils ne peuvent développer ni la conscience du mal, ni la résilience.
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