Marie et Joseph, des parents à imiter

par Alice Miller

Marie et Joseph, des parents à imiter
Monday 25 December 2000

(Si l’on en croit les Évangiles de saint Matthieu et de saint Luc).
La figure de Jésus s’oppose à tous ces principes de pédagogie empoisonnée encore défendus par l’Eglise, notamment l’usage de la punition pour rendre les enfants obéissants et la cécité émotionnelle que provoque un tel traitement. (Dans son enfance, parce que ses parents le croyaient Fils de Dieu) Jésus a été respecté, admiré, aimé et protégé; ses parents se considéraient comme ses serviteurs et il n’aurait jamais pu leur arriver de lever la main sur lui. Est-ce que cela l’a rendu égoïste, arrogant, envieux, tyrannique ou infatué de sa personne? Bien au contraire.

Jésus est devenu un adulte ardent, instruit, empathique et sage, capable d’éprouver et de supporter des émotions fortes sans être submergé par elles. Il savait voir à travers l’hypocrisie et le mensonge et il a eu le courage de les condamner pour ce qu’ils étaient. Il n’a pas eu besoin de pouvoir sur les autres parce qu’il était entièrement en union avec lui-même.

Pourtant, malgré tout cela, aucune autorité de l’Eglise n’a jamais, à ma connaissance, admis la connexion évidente entre le caractère de Jésus et la manière dont il a été élevé (entièrement à l’opposé des principes de son époque où un grand nombre de proverbes affirmaient qu’il fallait frapper les enfants). Ne serait-il pas éminemment judicieux d’encourager les croyants à suivre l’exemple de Marie et Joseph et à regarder leurs enfants comme les enfants de Dieu (ce qu’ils sont) plutôt que de les traiter comme leur propriété personnelle?

Il est temps d’abandonner des modèles destructeurs et de se méfier du principe d’obéissance. Nous n’avons pas besoin d’enfants obéissants au cerveau lavé par leur éducation pour devenir les victimes idéales d’un verbiage vide de sens et des flatteries d’idéologues terroristes et lunatiques, et prêts à obéir à leurs ordres jusqu’à tuer pour eux. Nous avons besoin d’enfants aux yeux et aux oreilles ouvertes, des enfants capables de protester contre l’injustice, la stupidité et l’ignorance avec des arguments et des actes constructifs. Jésus était capable de cela à l’âge de 12 ans et la scène dans le Temple démontre éloquemment qu’il pouvait refuser l’obéissance demandée par ses parents sans blesser leurs sentiments.

Avec la meilleure volonté du monde, nous ne pouvons pas vraiment suivre l’exemple de Jésus. Pour cela, il nous faudrait une histoire personnelle entièrement différente de la nôtre. Ce que nous pouvons faire, pour autant que nous le voulions vraiment et ne soyons pas téléguidés par une autorité extérieure, c’est de nous instruire à partir du comportement de Marie et Joseph. Ils n’avaient pas besoin de l’obéissance de leur fils et n’avaient aucune tendance à le punir. C’est seulement si nous craignons de nous confronter à notre propre histoire que nous éprouvons le besoin d’avoir du pouvoir sur les autres, et si nous faisons cela, nous en aurons toujours davantage besoin. Les parents veulent l’autorité et des enfants obéissants parce qu’ils se croient trop faibles pour être vrais avec eux-mêmes et leurs propres sentiments, trop faibles pour tolérer les sentiments de leurs enfants. Mais c’est précisément ce genre d’honnêteté avec nos enfants qui les rend forts. Pour dire la vérité, nous n’avons pas besoin d’avoir du pouvoir sur les autres. Le pouvoir est quelque chose dont nous avons besoin pour propager des mensonges, pour débiter quantité de mots vides et prétendre qu’ils disent la vérité. C’est pour cela que nous réclamons une crédulité oublieuse de nos enfants et de tous les peuples. Et comme un tel pouvoir ne peut jamais être un substitut à la force de la vérité, la logique insensée d’un tel développement culmine dans les guerres et dans l’abominable droit de disposer de la vie humaine.

Il est parfaitement réaliste d’imaginer que si la sagesse d’experts (de l’éducation) bien informés (comme Frédéric Leboyer, Michel Odent, Bessem van der Kolk et bien d’autres) pouvait atteindre un grand nombre de parents et si ces parents avaient l’appui des autorités religieuses pour suivre l’exemple de Marie et Joseph, le monde pourrait être davantage un lieu pacifique, honnête et rationnel pour nos enfants que ce qu’il est aujourd’hui.

Muriel Salmona
Alice Miller
Thomas Gruner
Olivier Maurel
Jean Claude Snyders
Robert Maggiori
Eric de Bellefroid
Jacques Trémintin
Zaida M. Hall
J.-F. Grief