Aliéné à la culpabilité

Aliéné à la culpabilité
Thursday 04 February 2010

Bonjour Alice,
Je m’appelle Marie et je suis train de lire votre livre, je pleure à chaque page et cela ne s’arrête pas . J’ai toujours eu peur, j’ai toujours eu mal, mais je ne savais pas de quoi, je croyais que c’était de moi, et je vis avec ça depuis des années. Depuis longtemps mes émotions font mal à mon corps qui est devenu comme une prison, qui lutte sans cesse pour ne rien laisser sortir, intérieurement je vis un drame sourd, contenu, mais depuis quelques mois ça déborde et les douleurs que je ressens au quotidien me persécutent.
Mon père est mort quand j’avais 11 ans, ainsi que ma grand’mère et mon petit frère dans un accident de voiture. Avant cet événement je ne me rappelle de rien sinon que ma soeur et moi vivions dans le silence absolu car ma mère était en dépression et vivait dans sa chambre, après cet événement, je me rappelle que nous étions subitement, ma soeur et moi, devenues des adultes qui devaient ne rien laisser paraître de leur souffrance car seule celle de ma mère avait le droit de s’exprimer, et nous jouions ce rôle à la perfection ; quand j’ai quitté ma mère (ce qui fut et est toujours aujourd’hui un drame pour elle) vers 17 ans pour faire mes études, j’ai sombré dans la dépression et fait une tentative de suicide, ce que j’ai recommencé à faire à d’autres périodes de ma vie, mais je passe car ce serait trop long ; je vis avec depuis …
J’ai toujours idéalisé mon père mais depuis quelques temps je me rappelle qu’il me battait, me traînait par terre, m’humiliait et ma mère a continué de m’humilier verbalement, de m’ignorer, je n’existe pas à ses yeux, et je me souviens que je disait à mon père :” tu n’es pas mon vrai père!” car certainement un vrai père ne bat pas ses enfants ! J’ai appris à sa mort qu’effectivement ce n’était pas mon vrai père et que mon père biologique m’avait abandonné (je passe encore car je l’ai retrouvé et rejeté…).
Toute ma vie, je me suis comportée comme une petite fille qui avait peur des autres, de la vie, j’ai quand même toujours continué car j’ai fait de belles rencontres comme mon mari et j’ai deux filles, mais je ressens parfois une violence en moi envers mes filles que j’ai du mal à contrôler, alors je suis agressive, humiliante, et je ne veux pas être comme ça !
J’ai commencé une formation en art-thérapie (car je suis chorégraphe et j’ai fait des études de philosophie) et cela me mets encore une fois face à toutes ces peurs, ces angoisses, ces symptômes, qui m’empêchent de vivre pleinement, je voudrais être libérée de ce que je trimballe ! Je tremble quand je dois prendre la parole, je n’arrive plus à m’exposer aux regard des autres, j’ai des sueurs, j’ai peur qu’on me rejette, qu’on m’humilie, qu’on me dise que je n’ai pas le droit d’exister, de parler, d’être là, j’ai toujours peur de déranger même mes amis..
J’ai toujours eu une relation aliénante à ma mère, elle m’a toujours fait peur et face à elle je ne dis rien, j’essaie de me faire toute petite, inexistante, mais depuis 15 ans environ, depuis la rencontre avec mon mari, j’ai pu lui dire certaines choses, qu’elle n’a cependant jamais entendues et qu’elle refuse me renvoyant inlassablement à moi, m’accusant de tous ses maux,me culpabilisant, me traitant d’ égoïste… j’en passe ! J’ai tout essayé avec elle, tous les modes de relations, même de ne plus la voir mais je retournais encore et toujours vers elle, finissant toujours par m’excuser d’être ce que je suis. Je n’arrive pas à la voir sereinement ni à ne plus la voir sereinement !
J’avais oublié toutes ces humiliations et je les ai encaissé mais je ne peux plus, je ne veux plus ; je vais voir un psychiatre mais quand je dis tout cela, il me dit de ne pas m’inquiéter et ne voit que la surface des choses, c’est-à-dire ma peur de me montrer sur scène, d’affronter le public, et on ne parle pas de ce qui surgit de mon enfance ! je reste toute seule avec ça et j’ai l’impression de ne pas être entendu ! Je ne sais plus quoi faire, je suis perdue !
Que pourriez-vous me conseiller ? question un peu abrupte mais je ne veux pas m’étaler et vous déranger
Bien à vous

Réponse de Brigitte :

Vous avez appris très tôt à craindre l’espèce humaine, le despotisme de vos parents ne vous a pas donné d’autre choix que de vivre dans la terreur. Il est tout à fait logique qu’aujourd’hui encore vous vous retrouviez en état de stress démesuré face aux autres quand tout au long de votre enfance vous avez vécu dans un immense danger. Votre psychiatre a peur de la réalité de vos parents et il ne peut pas vous aider à sortir de la culpabilité qui vous tient aliénée à votre mère. Quand vous oserez voir que votre douleur de vivre est le résultat du crime de vos parents, vous ne vous sentirez plus coupable de ne pas avoir été une mauvaise fille et pourrez enfin dire que vous n’avez eu que des parents destructeurs. BO