En danger depuis le berceau

En danger depuis le berceau
Thursday 12 July 2007

Moi aussi j’ai été maltraitée atrocement. Je n’avais pas le droit de vivre, d’exprimer ma colère, ma rébellion. Une fois mon père m’a dit que c’est tant mieux pour moi si j’étais rebelle, que ça me servira dans ma vie ! Ce qu’il n’a pas compris c’est que je n’aurai jamais du la ressentir cette rage, j’aurai du être aimée normalement.

Mon développement s’est arrêté vers 16/17 ans. A cause de mon enfance, je suis prisonnière de personnes que je cotoies, comme les gens de ma classe. Ils peuvent me rabaisser mais moi je ne dis jamais rien. Parce que j’ai peur de d’exprimer ma rage et qu’ils réagissent avec plus de violence encore, ou encore que ça ne leur fasse rien et qu’ils se moquent de moi. J’ai peur de ma rage car j’étais tellement mal par le passé quand je la ressentais. En fait je crois que j’ai oublié en partie celle que j’avais pour mon père. En fait une fois que je me suis sauvée de chez lui, j’ai fait comme s’il n’existait plus, j’ai vraiment oublié tout sentiment de haine.

Je me suis dit t’as la chance de vivre enfin ta vie, avance et oublies le passé . Mais ce n’est pas comme ça que ça se passe. En fait, pour que l’épisode avec mon père me paraisse moins douloureux, j’ai presque endossé toute la faute sur moi en me disant qu’il m’aurait moins battu si je m’étais plus rebellée, si j’avais été capable de lui tenir (c’était ce qu’on m’avait dit une fois). Mais je sais que ce n’est pas vrai, en plus se rebeller contre mon père était impossible, car il avait toujours le dernier mot, il était encore plus violent. Je ne pouvais jamais lui échapper, il espionnais tous mes gestes pour mieux me « coincer » comme il disait.

Ce qui était horrible, c’était quand je me rebellais et m’écoutais, je me faisais battre ; si j’agissais comme il l’attendait, je n’avais pas de représailles de sa part mais je me trahissais moi-même et je me perdais un peu plus. Il n’y avait donc aucune solution. J’étais constamment prise entre deux feux.

Et moi je faisais tout pour retrouver mon papa d’avant, de mon enfance qui semblait m’ « aimer ».

J’ai peur de ressentir de la haine pour mon père car cela me mettais dans le passé des états terribles. Je me rendais malade, je ne pensais qu’à mon père.

Mon père me considérais comme son ennemi juré. Il pensait que j’étais venu sur terre pour lui faire du mal.

L’épisode le plus humiliant et abjecte de sa part fut quand il m’a tabassé sur une aire d’autoroute.

Nous étions tous les 4, mes parents, ma sœur cadette et moi, nous étions dans la voiture sur le trajet du retour de vacances. Ma sœur disait que je prenais trop de place sur la banquette, et moi je trouvais que ce n’était pas vrai. Ma sœur a toujours été égoiste avec moi. Là elle m’énervait vraiment et j’étais à bout de nerfs mentalement et physiquement à cause de la relation mortifère avec mon père. Le ton est monté entre nous et mon père m’a dit : « si tu la frappes, je te frappe, tu es la plus grande, tu n’as pas le droit de la frapper. » Oui il aimait bien me dire ça, déjà quand nous étions petite. Elle avait le droit de déchirer mes dessins, de me faire du mal mais je ne devais jamais rien dire, ils prenaient toujours sa défense. Là ça été la goutte d’eau qui a fait débordé le vase et j’ai tapé mon père quand il conduisait, je voulais lui faire mal , j’étais désespérée. Alors il m ‘a dit, tu vas voir, je vais m’arrêter et tu vas en prendre une belle. J’avais 19 ans et demi ! Quand il s’est arrêtée, j’ai eu tellement peur que je me suis urinée dessus. Il m’a jetée hors de la voiture violemment, je suis tombée par terre et il s’est à me donner des coups de poings et des coups de pieds. J’ai eu terriblement peur pour ma vie, j’ai cru que j’allais mourir. Il avait le visage déformé par la haine.

J’avais peur de ce monstre déchaîné de 1m88. Je me suis débattue et je lui ai rendu quelques coups mais cela l’a encore plus énervé et m’a fait davantage mal. A côté comme d’habitude il y avait ma mère qui lui disait d’arrêter mais cela ne servait à rien.

Je me rends compte que c’est lamentable d’avoir besoin de maltraiter ainsi sa fille si fragile pour se sentir fort. C’est abjecte et inhumain.

Le lendemain, chez nous, pendant le repas, je me souviens qu’il m’a dit « tu vois, c’est ce qu’on fait aux sales mauvaises filles ». J’ai alors raconté à ma grand-mère et je lui ai dit qu’il fallait que je parte mais elle ne m’a rien dit d’autre que « te plains pas, moi j’ai connu la guerre ». Ainsi j’était seule contre tous. Il n’y avait personne dans mon entourage pour me comprendre et ils pensaient tous que j’étais une sale gosse.

J’ai cru pendant des années que c’était la vérité, j’ai du m’adapter à ce stress, pour correspondre à ce qu’il attendait de moi et éviter toute violence de sa part. A cause de lui j’étais une ado timide et complètement introvertie, je n’avais aucun ami. Les filles de ma classe m’humiliaient, me traitaient de mongole sans que je me défende. J’étais tellement démunie.

Je pensais que le monde était dangereux et surtout j’ai perdu toute confiance en moi, j’avais peur de tout le monde. D’ailleurs dans uns de vos livres vous dites qu’en se confrontant à notre histoire, on se rend compte que le monde extérieur n’était pas menaçant mais seulement celui de notre famille qui l’était. J’ai du mal à comprendre cette phrase car pour moi, à cette époque, le monde extérieur était très hostile et agressif pour moi.

A chaque fois que je faisais une bêtise (je n’allais pas en cours, ou quand je me mettais à fumer et à faire n’importe quoi) cela déclenchait la haine et la fureur de mon père. Et moi j’avais besoin qu’il me dise ce que je devais faire pour que je me sente mieux face à mes camarades et pour avoir de meilleures notes. Car j’avais des résultats mauvais à cette époque alors qu’à l’école primaire et au collège j’étais une bonne élève. Je me souviens que je me rebellais face à mon père, qu’il y avait une voix en moi qui me disait de lui résister, qu’il n’avait pas raison (quand il me punissait dans ma chambre par exemple). C’est là que j’avais le droit à son courroux décuplé. Moi je ne comprenais pas ce qui se passais, avant mon père « m’aimait » et j’avais des amis, des bons résultats à l’école. Puis quelques années après, ce fut le cauchemar par la faute de mon père, j’avais des mauvais résultats (et des profs sadiques car mon père voulait que j’ailles dans un lycée qui avait une bonne réputation et qui était sévère pour me « remettre dans le droit chemin »). J’avais une telle rage contenue en moi. Il négligeait vraiment tous mes besoins.

En fait j’ai l’impression qu’il m’aimait davantage quand j’étais petite, mais ce que je crois que ce qu’il aimait bien en moi c’était que je lui serve de psychothérapeute car il me confiait ses problèmes. Par exemple, il m’a raconté à 6 ans le fait qu’il pleurait dans son lit jusque 13/14 ans le soir dans son lit. (il a été abandonné par ses parents) . Il attendait de moi que je le réconforte, que je lui apporte de la joie, que je comble ses souffrances. En plus il vivait à travers moi ce qu’il n’a pu faire enfant. Il m’a poussé à l’école car lui était mauvais élève parce que personne ne l’avait aidé. Il voulait que je ressente de la pitié pour lui, pour cet homme si « gentil » qui n’avait pas eu de chance dans la vie. Il était jaloux de moi car moi j’avais une mère ce que lui n’a jamais connu. Et il était jaloux de ça. A l’adolescence il me disait : « mais de quoi tu te plains, toi au moins tu as des parents, tu ne te rends par compte de la chance que tu as » . Peut être mais je crois qu’il vaut mieux ne pas avoir ses parents naturels plutôt que des parents qui nous maltraitent.

J’aurai tout donné pour partir de la maison à cette époque.

Il voulait croire à tout prix que c’était moi la méchante fille et lui le bon père qui avait raison de me battre et de m’humilier. Il m’a utilisée comme bouc émissaire à ses problèmes.

Etant toute petite déjà, je pleurais quand ma mère partait travailler car je restais seule avec mon père. Quand j’était un bébé il me laissait pleurer des heures dans ma chambre.

Vers 4/5 ans, il me donnait une raclée (comme il disait) quand je n’aimais pas ce qu’il y avait dans mon assiette et que je ne mangeais pas assez vite. Non seulement je devais me forcer à manger ce que je n’aimais pas mais en plus je devais me dépêcher. Mais le pire c’est qu’après qu’il m’ai donné la raclée, il me laissait pleurer des heures dans ma chambre. Et il disait fièrement aux autres que comme il m’a « rossée » étant petite , je mangeais de tout.
Alors que c’est faux que à cause de ça je suis plutôt difficile à l’heure actuelle et je mange peu.

Merci de m’avoir lue

Réponse Brigitte:

Depuis votre naissance vous avez été atrocement torturée par votre père et abandonnée de votre mère qui laisse cet homme s’acharner sur vous dès que vous ne représentez plus la “mère” idéale pour lui, celle qu’il n’a jamais eu. Aucun enfant n’aurait pu ressentir de la haine pour un individu aussi dangereux, cela aurait été mortel pour vous tellement vous étiez à la merci de cet homme. En restant tout près de cet enfant battu et si maltraité, vous vous rendrez compte qu’il n’y a aucun danger aujourd’hui à sentir la rage et la haine pour ce monstre. En ayant vécu dans un milieu familial aussi menaçant que le votre où on vous a appris la soumission à l’obéissance, il n’est pas étonnant que le monde extérieur vous paraissait aussi cruel, car tant qu’il y a des victimes, les persécuteurs sont bien nourris, et vous avez dû en rencontrer plus d’un. N’importe quel enfant respecté et protégé, n’est en danger en dehors de chez lui car il a les moyens de se défendre en comptant sur l’aide de ses parents. Bonne continuation. BO