Etre lucide à 18 ans
Friday 07 November 2008
Bonsoir,
J’ai il y’a peu de temps reçu une réponse à une lettre que j’avais adressé dans l’espoir d’être entendu et aidé. Merci de m’avoir écouté Brigitte O. Merci aux livres d’Alice Miller, les deux que j’ai lu «le drame de l’enfant doué» et «Notre corps ne ment jamais» qui m’ont beaucoup aidé à baisser certaines de mes défenses pour ressentir fugitivement certaines émotions refoulées.
Comme ma lettre est trop longue pour être publiée dans le site, je vais la resumer. Je suis dans une situation de déchirement. Mon histoire a commencée à l’étranger, dans un pays pauvre. Pour «mon avenir» et celui de la famille, il a été décider que mon frère et moi serions envoyés en France pour y être scolarisés. Le problème de l’immigration et de nos places légitime dans le pays se posant, il a été décidé de nous créer à moi et mon frère une légitimité: nous devînmes les enfants de notre oncle, frère de notre mère. Sa femme devint notre nouvelle mère et lui notre nouveau père. Ces titres, ils se les arrogèrent de force, obligeant mon frère et moi même à les appeler papa, maman. La femme de mon oncle a une fille d’un précédent mariage: elle était venue en France avec nous mais ne subissez pas le même traitement que nous. On dira qu’elle fut gâtée. Elle en vint à appeler mon oncle et sa femme papa, maman sans la moindre contrainte.
Durant six années, mon frère et moi vécument un véritable calvaire. Quatre années durant, nous étions même battus plus de trois fois par semaines pour des bêtises frivoles sur lesquelles notre nouvelle mère surenchérissait pour que l’on nous corrige encore plus. Elle riait de nous voir tabasser. Moi aussi au début je riais lorsque mon frère était tabassé. Nous nous dénoncions mutuellement pour que chacun ait sa correction et nous riions. Nos nouveaux parents nous encourageaient à la dénonciation. J’ai arrêté de rire peu de temps après, lorsque je me suis rendu compte du vice, préférant me cacher pour ne pas recevoir de corrections ou entendre mon frère en recevoir. Je m’enfermais dans ma chambre et je lisais un livre ou écoutais de la musique. Nous vivions, mon frère et moi dans un état de stress constant. Je me rappelle de mon retour de l’école où je comptais jusqu’à cinq avant de sonner pour rentrer à la maison parce que je savais que mon oncle était présent.
Tout était sujet au blâme et à la correction. Jamais de punition type «vous êtes privés de sortie, ou de dessert» mais des baffes, des pleurs et des cris. Lorsque je voyais à la télé des punitions telles «privés de sortie», je riais. Je ne considérais et ne considère toujours pas ces réclusions comme des punitions (si elles s’appliquent à moi s’entend). Pour aggraver mon cas, je faisais pipi au lit. Mon frère arrêta à peu près à l’âge de neuf ans. J’ai arrêté à l’âge de quatorze ans. Ce sujet me valut de nombreuses humiliatins de la part de la femme de mon oncle, et de nombreuses baffes de la part de mon oncle. Malgré cela, je ne me sentais pas coupable, quoique l’on essaya de m’en tenir rigueur et avec forces arguments. Je me sentais souillé, regressé à l’état de petit enfant. C’est de là d’où venaient les humiliations. L’humiliation suprême vint de ma prétendue mère qui m’acheta à l’âge de douze ans des couches et m’humilia tant de ma dépendance, «comme un bébé» disait elle, que j’en ai pleuré. Et loin de me laisser à mes pleurs, elle enfonça le clou et m’humilia bien une heure de plus, mon frère se joignant à elle dans des éclats de rires pitorresques.
J’ai grandi seul et renfermé, protégé de ma grande taille physique par rapport aux autres enfants. Je suis passé par plusieurs états émotifs que je ne reconnais pas comme faisant partie de moi. Je les appelle des fragments, ou les autres moi. De ma naissance jusqu’à l’âge de huit ans, la période la plus obscure de mon histoire: je ne me souviens presque de rien de cette époque. A huit ans, ma venue en France. Entre huit et dix ans où il n’y eut que pleurs et peurs. Entre dix et onze, où je cessais de pleurer, prenant conscience de mon immense solitude et appréhendant mon monde de sensations et de sens comme une agression constante. C’est véritablement là où j’ai cessé d’être moi, où j’ai adopté une image de moi plus à même de répondre aux besoins externes. Mes facultés intellectuelles et physiques diminuèrent en même temps que le refoulement de mes émotions. Je devins myope, tant par jalousie face à ma nouvelle soeur qui portait des lunettes, mais également par souci de parfaire un masque par le port des lunettes. Ce masque je le porte encore aujourd’hui et tous ceux qui me connaissent et me voient sans lunettes sont d’accord pour dire que je n’ai pas du tout l’air de la même personne (par l’expression dure et amère de mon visage sans lunettes). C’est également à cette époque où j’eus des paranoïa: les humains et surtout mes parents de substitution se transformèrent en extra-terrestres formatant contre moi des complots pour me faire souffrir. Le monde autour de moi devint également moins tangible, je doutais parfois de son existence. Cette période fut la plus angoissante, la plus solitaire et la plus sombre de mon enfance. Je ne sais pas comment j’ai fait pour ne pas devenir fou. Entre douze et quatorze ans où j’ai travesti mes sentiments, ma solitude et mes doutes en rires sur tout et sur tout le monde, en cherchant accès dans les refuges familiaux plus accueillants, en m’absentant le plus possible de la maison… Et puis de quatorze ans jusqu’à maintenant. Après mon séjour dans mon pays d’origine où j’ai cessé de faire pipi au lit (alors que mes frères restés là bas ont encore ce problème et que j’ai également eu ce problème là bas), cessé de désirer la mort (même s’il ne m’ait jamais venu sérieusement à l’idée d’attenter moi même à mes jours) et essayer de m’ouvrir à moi même, de me libérer de mes névroses. J’ai sans doute avancé dans mon bien être depuis mais il m’apparaît clairement, en ce moment, que j’ai besoin d’un témoin lucide avec lequel je puisse m’épanouir sentimentalement pour que je cesse de douter (être fixé sur l’amour de mes véritables parents par exemple, tout en sachant que ma mère est hypersensible, que mon père est très porter sur la religion et la foi, que je ne crois plus en dieu et que je ne me souviens presque pas de mon plus long vécu avec eux, c’est à dire l’enfance de la naissance jusqu’à huit ans), de déprimer (dépressions chroniques) et surtout, faire face avec lui à mon histoire, celle que je vous ai «contée» qui est la partie émergée de l’iceberg. Je n’ai pas pu le faire manque d’argent auparavant et surtout, manque de confiance envers les spécialistes du métier, ou de tout être humain d’ailleurs. C’est parce que j’ai reconnu la sensibilité, l’intelligence émotionnelle des oeuvres d’Alice Miller (et donc de la personne même) et de ceux qui l’entourent que j’ai osé poster ce courrier.
Merci à vous Brigitte O. de m’avoir répondu. Je suis loin d’être guéri de mes maux et je souffre encore beaucoup mais «enfin» je souffre, enfin j’ai eu un aperçu de qui je suis vraiment, enfin des perspectives se laissent voir même si elles ne s’ouvrent pas(encore?). Merci!
Réponse de Brigitte:
Votre histoire est bouleversante par l’enfermement criminel dans lequel vous vivez et par votre discernement qui témoigne de votre grande intelligence. Vous n’êtes pas fou, vous êtes une personne qui est totalement lucide de vivre dans une famille complètement malade et despotique et certainement depuis votre naissance, même s’il vous est très difficile encore de voir cette vérité pour vos parents biologiques (les vrais). Le seule chose qui peut vous sauver de cet enfer c’est de garder le courage de garder les yeux ouverts sur la terrible réalité que vous vivez. Quand vous pourrez sortir de leur dépendance « financière » vous serez LIBRE de vivre alors toutes vos émotions que vous êtes obligé de supprimer aujourd’hui et d’en finir avec eux et tous leurs dogmes qui vous maintiennent dans leur prison. Le meilleur de votre vie est dans votre future autonomie, avec l’aide d’un bon thérapeute pour vous aider à vous redresser des coups et de toutes les maltraitances que votre dos supporte douloureusement. BO