Les dégâts de l’enfance sur l’âge adulte

Les dégâts de l’enfance sur l’âge adulte
Thursday 15 February 2007

Bonjour Madame Miller,
Il y a plusieurs années, j’ai lu “C’est pour ton bien” avec beaucoup d’intérêt mais sans me rendre compte que j’étais concernée particulièrement par la maltraitance de mon enfance que je minimisais au regard des exemples de votre livre. Puis j’ai “oublié”. A la naissance de mon premier enfant, mon monde que je m’étais construit sur des bases de sable s’est effondré. Par la naissance de cet enfant je me suis retrouvée avec l’horreur de mon enfance en pleine figure. Malheureusement mon enfant a subi mon comportement pathologique. Je me suis imposée un rôle unique de “mère” et si possible “parfaite”. Rien d’autre. Hyper protectrice et maltraitante à la fois, complètement perdue, coupable et violente, laissée à l’abandon par un compagnon indifférent. J’ai tout de suite refait un enfant avec lui pour “rattraper” mes erreurs commises sur mon premier bébé. Je l’ai battu aussi car “il ne fallait pas faire de différence ” avec le premier. Puis j’ai eu une fille sur laquelle je me suis projetée. J’étais très mal dans ma peau, seule, je portais toute la famille. Mon mari me délaissait, ne faisant que travailler et disant que c’était pour nous, afin de justifier son abandon qu’il nous faisait subir. Quand j’ai découvert le comportement incestueux de mon mari avec ma fille alors qu’elle n’avait que 2 ans, j’ai divorcé peu de temps plus tard et j’ai repris des études de travailleur social. J’ai retrouvé un autre compagnon que je protégeais comme un enfant, je payais le loyer, la nourriture, lui lavais son linge etc… Cet homme égoiste me faisait beaucoup souffrir par son indifférence et moi je le gatais, toutjours prête à entendre son mal être au détriment du temps passé avec mes enfants. Nous nous sommes retrouvés dans une secte, pensant régler nos problèmes de couple. Bien sûr le couple a éclaté. Moi je cherchais absolument à “guérir” d’une culpabilité permanente et j’espérais arriver à cela si je “souffrais” assez. C’est pourquoi j’endurais la violence verbale et psychique sans me rebiffer et aussi afin que mes enfants n’aient pas à “hériter” de “mon karma” que je leur transmettais inévitablement par les “mémoires” cellulaires, autrement dit par ma génétique. Après presque 10 ans passé dans ce groupe de “développement personnel” j’ai réussi à voir clair car le gourou(une femme) s’en prenait à mes enfants et cela je ne l’admettais plus. Lorsque j’ai quitté ce groupe ou plutot j’ai fais en sorte que le leader “m’éjecte” en “désobéissant”, j’ai eu l’effet d’être dans une pièce noire dans laquelle j’allumais la lumière. Je peux dire qu’instantanément “j’ai vu” que la vraie réalité n’était pas celle de la vie dans ce groupe où socialement ses membres vivaient une double vie. De nombreux sentiments se sont mêlés : honte, colère, peur… Je me suis rapprochée d’associations de défense de victimes de sectes et j’ai repris la lecture de vos livres après avoir lu quelques livres sur le mécanisme des sectes et repérer le profil des personnes qui y entrent, c’est à dire des personnes vulnérables , à la recherche d’un idéal, d’une famille idéale, d’un désir de réparation, de bonne image de soi car elles ne s’aiment pas. Vos différents livres m’ont aidé énormément à faire le jour sur mon histoire et m’on rendue lucide sur la façon de me leurrer moi-même. Je suis devenue consciente de mon histoire et par la même occasion, consciente de ce que je refuse, c’est à dire tout ce qui est de l’ordre de l’irrespect de la personne par la contrainte, le mensonge, la manipulation, le chantage affectif ou financier (comme dans mon enfance si ce n’est que maintenant je ne suis plus battue), et je n’hésite pas à le dire. Du coup je me sens incomprise, pas en phase avec les autres et souvent seule. Je passe pour quelqu’un d’inintéressant car je ne me rallie pas au groupe mais uniquement à moi-même. Je dérange et on m’évite. J’ai porté plainte contre cette femme qui a détruit beaucoup de familles, séparé des enfants de leurs parents, sali des gens qu’elle ne connaissait pas. J’ai contacté des anciens membres de cette secte mais ceux-ci me dise que c’est mal d’être en colère, qu’il faut pardonner , que la “vengeance” ne sert à rien, que je devais admettre que cette femme a été, malgré ce que je pense, “bénéfique” pour moi etc …Je me suis retrouvée seule à me défencdre alors que ces anciens adeptes ont eu à subir eux aussi des maltraitances seulement ils sont encore dans la peur des parents. D’ailleurs, la plupart ont rallier d’autres groupes différents par leurs formes et identiques sur le fonds.
Par contre tout n’est pas résolu dans mon histoire car je me suis rappelée brutalement il y a 4 ou 5 ans environ, alors que je me relaxais, que lorsque je devais avoir 3 ans, j’étais dans la chambre avec mon frère de 5 ans et que je m’étais cachée sous le lit pour jouer pendant que lui jouait avec ses voitures. Quelqu’un a alors surgi dans la chambre et l’a violé. Je suis restée caché sans bouger, paralysée par la peur, me rappelant uniquement des grosses mains sur mon frère mais sans voir le visage de l’agresseur. Je sais que mon coeur d’enfant s’est brisé à ce moment là et que j’aurai donné ma vie pour le sauver. J’ai compris récemment que depuis ce jour, je “me sacrifie” en permanence en attirant sur moi l’attention de personnes négatives (employeur, collègues, connaissances, commerçants …) afin d’en “sauver” d’autres. Cela se fait bien sûr à mon insu, de manière complètement inconsciente et j’endosse ce rôle malgré moi. Je ne garde pas un emploi plus de 2 ans et je m’arrange toujours pour que les choses tournent mal, afin de me donner l’excuse de partir. J’attirais également l’attention de mon père lorsqu’il voulait frapper ma mère, afin que ce soit moi qui prenne. Avec moi, ma mère se comportait comme une petite fille victime en me demandant implicitement de la protéger et en se confiant à moi, y compris sur son intimité.J’ai tenté de parler de ce souvenir du viol de mon frère à un psychiâtre mais celui-ci m’a dit qu’il pourrait bien s’agir d’un fantasme. Depuis je ne vais plus le voir. J’ai pensé en parler à mon frère concerné mais je n’ose pas. Il y a 8 jours je suis partie dans ma famille (qui habite à 800 km de moi car j’avais déménagé pour la secte) et pour revoir mes parents que je n’avais plu vu depuis 3 ans et notamment mon père gravement malade. Mon frère qui habite non loin de chez eux et qui ne savait pas que je venais, s’est blessé le jour de ma venue. Quand je l’ai vu le lendemain je n’ai pas pu aborder ce sujet car je me suis dit que peut-être il ne s’était finalement rien passé et que je confondais les faits qui se sont déroulés depuis maintenant 43 ans ou peut -être que c’était moi qui avais subi ce viol.Je ne savais plus. Cependant et bien que ma santé se soit améliorée grâce à la lecture de vos livres, je souffre de nodules sur ma thyroide que je fais surveiller et il m’arrive encore de ne plus avoir de pensées lorsque je suis paralysée par la peur et du coup à ne pas pouvoir m’exprimer. Je cherche toujours ce thérapeute empathique qui pourra m’aider à expulser la tragédie de ma vie car mon enfance a été très dure et j’en porte encore les stigmates. Je rends néanmoins hommage à une voisine âgée qui partageait la même maison que nous pendant un court laps de temps puis qui a déménagé à la mort de son mari au rez de chaussée d’un immeuble. Chaque fois que je passais près de sa nouvelle habitation, celle-ci m’appelait et me tendait du chocolat par la fenêtre en me regardant avec gentillesse. J’y pense encore aujourd’hui en me disant que peut être que mon témoin secourable c’était elle.Voilà, je souhaitais m’exprimer afin que ce geste me permette de parler d’une certaine façon. Merci pour votre courage et votre lucidité.

Réponse de Brigitte:
Vous avez eu le courage, en plus du “lavage” de cerveau de la secte, d’ouvrir les yeux sur cette enfance qui vous a entraîné dans les méandres de votre vie. Tous les enfants maltraités continuent leur vie de la même façon avec eux-même et leur enfant, tant qu’ils n’ont pas discerné que ce qu’ils ont vécu enfant était maltraitant et inconcevable. C’est dans ce magma de confusion et l’aveuglement qu’ils vont poursuivre leur vie en étant persuadés qu’ils sont justes et bons.
Il est nécessaire que vous trouviez un thérapeute qui n’a pas peur de voir la vérité en se cachant derrière des théories de fantasmes quand vous racontez la tragédie de ce passé tout à fait réel parce qu’aucune personne qui a reçu des bons traitements dans son enfance ne se confronte à l’âge adulte à battre ses enfants, à se marier avec un abuseur d’enfant, puis un violent et dans une secte.
Au moment où vous rendez visite à votre père malade vous doutez de ce que votre frère a subit et certainement par ce même homme, son âge et son état de santé vous entraînent sans doute vers des sentiments de culpabilité qui vous empêchent encore de vous croire vraiment. BO