Douleur d’isolement

Douleur d’isolement
Sunday 29 March 2009

Bonjour Madame Alice Miller
Bonjour Madame Brigitte O.

Cela fait peu de temps que j’ai pris connaissance de l’existence de votre site sur lequel vos lecteurs peuvent écrire. Je connais les travaux de Madame Alice Miller depuis 1991.
Merci madame Brigitte O. pour la conférence sur le site qui m’a donnée beaucoup d’informations.
Je suis un homme de 56 ans né en france issue de l’immigration italienne .
Mes progrès en matière de prise de conscience ont été lents.
J’ai entrepris il y a 9 mois une auto-thérapie. Au début il me semblait que je commençais enfin à ressentir, j’ai pu revivre certaines choses, l’ambiance dans le ventre de ma mère, la peur de papa était là. Il m’a souvent rappelé qu’en venant au monde le premier mai 1953 je lui avait fait manquer les allocations de naissance que le gouvernement versait aux parents avec un nouveau né, hors cet avantage destiné à favoriser le repeuplement de la france avait été abrogé par décret, la date limite d’application était le 30 avril 1953, mon père en était fort en colère . De plus le premier mai étant un jour férier il avait dû aller chercher la sage femme à pieds à cinq kilomètres de là…

Aujourd’hui il me semble que je n’avance plus dans mon auto-thérapie, je me demande ce qui bloque ? J’ai des symptômes d’agitation de confusion. Je ressens combien je me suis isolé dans ma vie, je me demande ce que signifie cet isolement, sans doute l’ai mis en place pour lutter contre la sensation même d’isolement qui m’était insupportable.
Enfant, à l’âge de cinq ans , j’ai fait un séjour de 14 mois en préventorium, il m’arrivait de passer la nuit dans une chambre seul. J’avais peur parfois, j’avais même peur de la veilleuse fichée dans un coin de la pièce, elle me terrifiait, alors pour me rassurer, je me levais et j’allais la toucher , de loin elle me terrrorisait. Je fais peut être pareil avec l’isolement.
Est ce que c’est une façon de nier la réalité ? Je me souviens avoir voulu mourrir au préventorium, je me suis réveillé un matin, le soleil brillait sur le feuillage des arbres, tout était paisible.. mais sans doute j’étais “coupé” tout était à distance..
Aujourd’hui recontacter ma réalité me fait souffrir, souffrir de me rappeler ce que fut hier, souffrir de constater combien j’ai oublié ma vie. Souvent je me suis senti vieux dans ma vie, c’est peut cette sensation qui me rapelle le temps qui passe , mais sans doute parce que j’ai tendance à vouloir l’oublier, parce que je ne sais pas vivre avec la réalité.
J’ai essayé de vous écrire par deux fois avant de vous envoyer ce courrier, mais les envois n’ont pas fonctionnés. Je me suis dit , tant mieux car je ressentais une telle honte en moi même, je me sentais au bord de l’anéantissement. Il a fallu que je pose mes pensées pour me dire que je n’avais rien à redouter de vous écrire, ce que je fais aujourd’hui. Finalement je me révèle très craintif au fond de moi, c’est comme si j’avais vérifié toute ma vie combien cette crainte était laide et contaminante.
Je ressens une colère énorme en moi, une de mes thérapeute m’avait demandée de définir comment je représenterais cette colère, j’avais répondu, ” parfois c’est comme une ville dix mille habitants qui pète comme un bouchon de champagne” ,vous êtes sur que ce n’est pas exagéré m’avait elle répondu, sous entendu ” un bon garçon comme vous, si gentil, inteligent allons monsieur ! ” je me souviens m’être senti me renfoncer dans ma coquille, aussi serré qu’un escargot au fond de la sienne.

Merci de m’avoir lu
Merci pour tout votre travail.

très cordialement

Réponse de Brigitte :

Il est possible que dans votre façon de vous isoler vous montrez que vous avez été douloureusement abandonné à l’âge de cinq ans durant 14 mois, c’est INTERMINABLE et EFFROYABLE à cet âge là. Sans compter la colère de votre père qui vous reproche d’être né un jour trop tard pour les allocations, n’importe quel enfant se serait fait oublier en rentrant dans l’isolement pour éviter d’être abandonné à tout jamais. Seulement aujourd’hui cette peur vous isole de vous-même et des autres et c’est votre COLERE ENORME et tout à fait justifiée qui vous libèrera de cette sombre prison. BO