Mon fils m’a mis à l’écart

Mon fils m’a mis à l’écart
Sunday 01 June 2008

Bonjour.

Après des années de thérapie et de lecture, j’allais beaucoup mieux mais je suis depuis 2 ans confrontée à un problème qui me fait beaucoup souffrir et, pour vous dire la vérité, je ne m’en ressens pas d’aller consulter encore une fois un psy, surtout avec l’approche freudienne qui va délayer ce problème sans rien dire pendant des années. Pouvez-vous m’aider ?

J’ai maintenant 57 ans. J’ai passé une enfance de maltraitance avec des parents complètement «barges» si vous me permettez cette expression populaire, profondément ignobles et sadiques. Mon père a agressé sexuellement ma sœur qui s’est suicidée en 1992. J’ai appris à cette époque qu’il avait fait 18 mois de prison pour détournement de mineur de 15 ans. Mais ce n’est pas pour cela que je vous écris car après des années de thérapie et beaucoup de lectures j’ai pu à peu près m’en sortir. Je vous écris parce qu’en 1984 j’ai eu un enfant naturel, un fils. Son père ne l’a pas reconnu et l’a ignoré. Ravagée par la méchanceté de ma famille, sans repères, j’ai préféré mener une vie de mère célibataire indépendante qui me convenait car elle me permettait de m’apaiser. C’est-à-dire que ma vie personnelle était orientée vers l’éducation de mon fils, la tenue classique de ma maison et mon travail d’assistante de direction, ce qui me convenait. Je n’avais pas de vie sentimentale mais c’était un choix personnel. Tout en moi, toute mon énergie s’est mobilisée à cette époque pour me reconstruire et je n’avais rien de plus à donner. J’ai éduqué mon fils à l’inverse de ce que j’avais vécu, c’est à dire que j’ai mis tout mon amour dans son éducation, veillant à le respecter, à le laisser faire ses choix et mon fils semblait heureux, bien adapté et bien intégré dans son milieu scolaire où il avait de nombreux copains. Je pensais à l’époque que tout allait bien. Bien sûr, quelque part je me posais cette question : est-il sain pour la construction psychique d’un garçon, de vivre seul avec sa mère ? Mais il semblait heureux et bien adapté et donc je ne suis pas allée plus loin.

Malheureusement les choses ont brutalement changé. Mon fils après le bac est parti faire des études supérieures à Lyon. Il s’est installé dans sa vie d’étudiant et en semble encore aujourd’hui satisfait. Mais il m’a mis complètement à l’écart de sa vie. Je ne comprends pas. Le problème n’est pas que je sois une mère possessive, envahissante, au contraire, je suis discrète et très contente de voir qu’il s’intègre dans son milieu. Il aime ce qu’il fait, il a une amie avec qui il commence à faire des projets (qu’il ne m’a pas présentée), et il est entouré de nombreux amis. Ce qui laisse supposer que j’ai réussi son éducation. Mais pourquoi me punir ainsi ? L’ai-je trop aimé ? Au fil des années, j’ai été amenée à lui expliquer mes choix, en particulier la réalité de ma jeunesse et pourquoi j’ai rompu avec ma famille. Mais il ne veut rien savoir et rien entendre. Il est dans le déni total de ce que j’ai vécu et c’est un sujet que j’évite maintenant. Lui ce qu’il veut c’est la normalité, à n’importe quel prix et mes raisons il s’en fiche.

Depuis l’âge de 22 ans il est devenu très agressif avec moi, me reproche d’avoir rompu avec mon père et avec ma mère et d’avoir choisi un mode de vie marginalisé. Mais moi ça me convenait. Je suis certaine que les raisons qui m’ont amenée à rompre avec ma famille étaient tout à fait justifiées. Ce n’est pas parce que je n’ai pas choisi un mode de vie classique, que ma vie n’a pas de valeur. Ecrasée par l’autorité abusive de mes parents, j’ai choisi la liberté. J’avais eu trop de problèmes, de souffrance, j’avais besoin de me reconstruire et je l’ai fait à ma manière, Malheureusement mon fils n’exprime jamais ses sentiments et j’ai été très surprise et perturbée de son attitude car quand il était plus jeune, il ne semblait pas du tout malheureux.

Mon fils me donne un coup de fil rituel ½ h le dimanche matin, jamais pour parler sincèrement mais uniquement pour me faire part des évènements courants et si je veux le voir je dois faire 200 kms pour aller déjeuner avec lui à Lyon où je le vois 2 heures une fois par mois et puis c’est tout (toujours au même endroit, toujours à la même heure, toujours le même rituel). Je n’ai pas le droit d’aller chez lui, ni de téléphoner entre deux. Il n’y a pas vraiment d’échange. Il m’a mise à une certaine place et je dois m’y tenir. L’été dernier, il est venu passer plusieurs semaines chez moi uniquement parce qu’il y a du travail pour les étudiants dans la ville où j’habite. Je l’ai hébergé durant 2 mois, tout en continuant à payer l’appartement à Lyon, mais il a fait comme si je n’étais pas là, vivant dans mon propre appartement en m’ignorant, refusant de partager les repas avec moi et quand, à bout de patience, je lui ai demandé des explications, il est devenu très agressif, méchant, m’a rabaissée, humiliée, attitude qu’il n’avait jamais eu avant. Je n’en croyais pas mes yeux. Comment comprendre ça ? Je peux vous assurer que je suis persuadée d’avoir été une bonne mère, rien dans mon attitude n’a été abusif bien au contraire.

Je n’ai pas mérité cela et j’en souffre terriblement. Pour l’instant je me contente d’un statu-quo. Je ne dis rien. Rien n’a évolué depuis 2 ans et il refuse tout dialogue, devenant immédiatement très agressif. Je ne sais plus quoi penser. Il a 24 ans, je lui ai donné un avenir (il est en dernière année de master finance), il a été aimé, écouté, respecté, c’est-à-dire tout ce que je n’ai pas eu et que j’ai pourtant réussi à lui donner. J’aurais donné dix ans de ma vie pour avoir la même enfance que lui : être aimé, compris, respecté, reconnu. Est-ce que je me suis trompée ? Est-ce le fait d’avoir été mère célibataire ? Je suis un peu mal à l’aise de le dire mais j’ai l’impression qu’il savoure son pouvoir sur moi de me faire souffrir.

Votre aide lucide serait la bienvenue. Merci d’avance.

Cordialement.

Réponse de Brigitte:

Il est très difficile de savoir ce qui se passe réellement si la communication est rompue entre vous. Il a forcément des raisons d’être en colère que visiblement vous ignorez. Il est aussi possible qu’il souffre de l’abandon de son père et que toutes les émotions qu’il a refoulées pour cet homme se retournent contre vous, parce qu’il sait que vous n’êtes pas un danger pour lui contrairement à son père. Vous pouvez rester à sa disposition pour l’écouter s’il le souhaite mais protégez -vous également de sa tyrannie pour ne pas retomber dans le schéma de vos propres parents. Il est libre de ne jamais vous en parler, même si c’est terrible, vous n’avez pas d’autres choix que de respecter cette douloureuse réalité. BO