Etre Libre

Etre Libre
Thursday 25 September 2008

Chère Alice Miller,

Je vous écris pour vous remercier infiniment de m’avoir aidée à découvrir le chemin de la liberté, de l’indépendance et du bonheur.
J’ai 41 ans et j’aimerais par mon témoignage encourager les gens à vous lire et à méditer ce que vous expliquez si bien dans vos livres et vos articles.
Mon parcours de vie ressemble à celui de beaucoup de personnes qui témoignent sur votre site.
Mes parents, de par leur histoire, n’ont jamais pu me manifester la moindre tendresse ni compassion. J’ai grandi dans l’indifférence la plus totale pour mes sentiments et dans une ambiance familiale très cynique, ou chaque sentiment éprouvé était raillé et dénigré, dans une très grande solitude.
J’ai été abusée sexuellement par un cousin plus âgé de 5 ans, depuis l’âge de 8 ans à 13 ans. Ma mère, une fois qu’elle l’a appris (après m’avoir accusée à 13 ans de « coucher » avec mon cousin !) m’a comme seule réponse, donné 10 francs pour « aller m’acheter quelque chose ».
A l’âge de 14 ans, j’ai trouvé un peu de tendresse auprès d’un copain de 9 ans de plus que moi, que j’ai connu car il remplaçait un de mes professeurs, sans que mes parents ne réagissent. J’ai mené pour ainsi dire une vie de couple avec lui.
J’ai grandi dans le silence des abus sexuels, jusqu’à mes 22 ans, lorsque j’ai appris que ma sœur cadette, de 4 ans plus jeune que moi, avait subi les mêmes abus. Dans une grande colère, j’ai alors demandé à ma mère de communiquer ces événements à mon père, ainsi qu’à la famille de mon cousin, car je ne souhaitais plus côtoyer ces gens. Je n’ai reçu aucun soutien, si ce n’est de lourds reproches silencieux de mettre les bâtons dans les roues de cette famille qui allait jusque là si bien …
A 20 ans, j’ai rencontré le père de mes filles, avec qui je me suis mariée à 25 ans et ai eu 2 enfants. J’ai mis beaucoup de temps à comprendre que j’étais dans une relation de complète dépendance avec lui, qui me manipulait complètement et était d’un égoïsme incroyable. Je revivais la même situation sans fin, je donnais et donnais encore, mais personne n’écoutait vraiment qui j’étais et ce que je souhaitais.
Je l’ai quitté à 35 ans et ai refait ma vie avec mon compagnon actuel, qui m’a toujours soutenue et avec qui j’ai appris la tendresse et le respect.
Je me suis toujours posé beaucoup de questions sur ma vie, sur le pourquoi de mes souffrances, sur ma façon d’être et de réagir et j’ai lu beaucoup de livres sur l’amour, les relations, les enfants etc. ce qui m’a aidée à progresser.
Mais je sentais que la relation avec mes parents continuait à me faire souffrir, que je n’arrivais pas à me libérer de ce passé si oppressant. Je continuais à essayer d’être une « bonne fille » afin de recevoir un peu d’amour de mes géniteurs. Alors que j’étais de plus en plus heureuse dans ma vie de couple, de plus en plus de choses m’atteignaient dans ma vie de fille et m’enlevait toute mon énergie. Je n’y comprenais plus rien.
J’ai été voir un thérapeute qui travaillait avec l’hypnose ericksonienne et qui m’a beaucoup aidée à prendre confiance en moi, à croire dans mes sentiments et mes sensations avant tout.
Et puis, je suis tombée sur les livres et articles d’Alice Miller.
Cela a été une découverte incroyable pour moi ! Tout ce que je ressentais était expliqué, et justifié par une professionnelle !
Cela m’a donné beaucoup de courage. Progressivement, toute ma colère a pu sortir, cela a été d’une grande violence. J’ai eu des mots très durs avec ma mère. Elle niait tous mes reproches, dans un déni le plus total de la réalité et j’ai coupé les ponts. Cela n’a pas été facile, car il restait encore de la culpabilité, surtout pour mes enfants qui ne voient plus leurs grands-parents.
Aujourd’hui, je ne les ai plus vus depuis 9 mois et je me sens tellement bien ! Plus de sentiments de tristesse, de découragement. Je vais de l’avant, suis pleine d’énergie et de vie et ne souffre plus de cette affreuse fatigue qui me plombait parfois ! J’ai enfin le sentiment de pouvoir vivre ma vie à ma guise, d’en avoir pris le contrôle, sans devoir rendre des comptes au reste de ma famille de ce bonheur qui leur a échappé et pour lequel ils aimeraient tellement encore pouvoir me rendre coupable !
Ma fille aînée, après m’avoir reproché de lui avoir enlevé sa grand-mère, a digéré tout cela car nous avons pu en parler à cœur ouvert. Aujoud’hui, c’est une ado qui s’épanouit dans plusieurs activités, qui a trouvé l’harmonie avec son entourage et qui s’affirme de belle manière. Je suis tellement fière d’elle alors que pendant longtemps, j’avais le sentiment de devoir la « changer », car sa vitalité me dépassait …
J’ai également beaucoup changé avec ma cadette, qui est très imaginative et curieuse. Je l’accepte comme elle est et ne me dis plus qu’elle devrait être un peu plus terre à terre. Elle aussi est pleine de vie, s’affirme et je l’adore.
Avec mon compagnon, ma relation est également devenue plus vivante. Cela n’a pas toujours été facile, car je me suis moi-même plus affirmée. Nous avons commencé des cours de danse ensemble et le dialogue est toujours plus vivant.
Ma sœur quant à elle, est malheureusement restée dans sa relation de dépendance avec mes parents. Elle a aujourd’hui 37 ans et passe d’un hôpital psychiatrique à un autre depuis ses 18 ans. Elle est anorexique, boulimique, suicidaire, cleptomane, perverse et le schéma s’aggrave d’année en année. J’ai essayé de parler avec elle et avec ses thérapeutes, qui l’obligent à suivre une thérapie familiale (!) toutes les semaines avec mes parents. Mais les thérapeutes s’obstinent dans leur vision des choses (il faut apprendre à pardonner) et ne voient pas toutes les maltraitances psychologiques induites par cette relation de dépendance forcée. Pour eux, c’est moi qui n’ai pas réussi à faire mon travail de deuil des parents parfaits.
Mais moi, ce que j’aimerais dire, c’est qu’une fois qu’on vous dit que vous n’êtes pas obligés de pardonner à vos parents pour ce qu’ils vous ont fait subir, que vous n’êtes pas obligée de les voir, et que toute la colère peut sortir, alors il se produit peu à peu une chose incroyable : la rancœur disparaît. C’est comme si le fait de reconnaître intérieurement tout le mal que l’on a subi domine tous les autres sentiments de haine. En tout cas, c’est comme cela que ça s’est passé pour moi. Je n’ai plus de sentiments de haine pour mes parents, car ils vivent leur vie et moi la mienne. Et comme je l’ai lu, chacun ne peut sauver qu’une vie : la sienne.
En conclusion, je dirais que maintenant, je ris intérieurement lorsque je lis des textes qui disent qu’il faut absolument pardonner à ceux qui nous ont fait du mal. Mais comment peut-on forcer quelqu’un à pardonner !!! Le pardon doit être un sentiment, pas une action. Or on ne peut pas plus forcer à aimer qu’à pardonner … C’est d’une simplicité tellement évidente, et pourtant …
Mille mercis à vous Alice Miller

AM: Dans votre lettre, c’est votre VIE-MEME qui confirme tout ce que j’ai écrit.

Réponse de Brigitte:

Bravo pour votre courage, pour l’écoute si honnête que vous avez offerte à votre corps, à vos enfants et à votre vie.
Vous avez absolument raison c’est quand on est dépendant que l’on entretient la haine, dès lors que l’on ne l’est plus le corps n’a plus de raison de la maintenir. BO