Le pardon inconcevable

Le pardon inconcevable
Thursday 25 September 2008

Brigitte,

J’ai écouté avec beaucoup d’intérêt vos interviews (parl biais du site d’Alice Miller), toujours percutants et très justesJ’ai cependant noté lors de l’avant dernier (“comment se libérer d’une enfance douloureuse”) la gêne manifeste de la journaliste lorsque vous avez dit très clairement qu’il était impossible de pardonner à ses parents maltraitants et plus encore lorsque vous avez démontré vos paroles en parlant des prêtes pédophiles. J’ai eu le sentiment très net que cette personne avait peur (sic !). Elle s’est d’ailleurs empressé de rassurer ses auditeurs “chrétiens” et vous a coupé la parole.. Edifiant ! Le pardon “spirituel” dont elle parle est pour moi vide de sens ! En effet, qu’est-ce que peut bien vouloir dire : “pardonnez spirituellement à quelqu’un le mal qu’il vous a fait mais n’oubliez pas” ? En ce qui me concerne je me vois mal pardonner – même “spirituellement” – à une mère qui m’a tant fait du mal et qui aujourd’hui a le culot de me dire : “Je ne regrette rien et je n’ai rien à me faire pardonner. C’est de ta faute tu étais une enfant difficile” Honnêtement c’est une violente colère que je ressens, pas l’envie de pardonner ! Et toutes les fois où, au nom de ce sacré pardon, je suis allée la voir, j’en suis revenue avec une douloureuse lombalgie. Parce que je suis obligée de réprimer mes sentiments de colère, de haine, de dégoût pour lui offrir un visage “aimable”. Et parce que, indépendamment de ma volonté, je revis le scénario de mon enfance : je suis le mauvais objet ! Un comble quand même ! C’est elle qui m’a frappé, insulté, méprisé – j’ai même failli en mourir (dépressions graves) – et c’est moi la méchante fille dans l’histoire ! Quelque soit son histoire, rien ne justifiait qu’elle se venge sur moi ! Alors si je dois vraiment un pardon à quelqu’un c’est uniquement à moi pour avoir cru, toutes ces années, que j’étais si mauvaise et pour avoir cru que je pourrais continuer à fréquenter cette femme si toxique aujourd’hui encore. Je me sens mieux loin d’elle et ma relation avec mon enfant n’en est que meilleure. Comme vous le dites très justement,je ne me leurre pas avec le pardon, je sais que ne peux pas aimer une personne – même ma propre mère – qui m’a fait trop de mal. Je sais que je ne peux pas lui pardonner. Alors je fais très attention avec mon enfant. Je l’aime vraiment et mon amour est fait de douceur, de tendresse, de bienveilllance. Il m’est précieux et quelque soit la douleur de mon enfance, il n’en paiera jamais le prix. Je me suis battue pour ça. Si j’étais restée dans le déni, si j’avais opté pour le “pardon” alors je serai devenue une mère maltraitante. Toutes les prières du monde n’y auraient rien changé ! Heureusement j’ai choisi un autre chemin et si le souvenir de mon enfance est toujours aussi douloureux, ma relation avec mon enfant est une réelle source de bonheur. Et petit à petit, j’apprends à fréquenter des gens qui sont bons pour moi et qui m’apprécient telle que je suis : je me sens exister auprès d’eux et je surtout je n’ai pas à feindre des sentiments que je n’éprouve pas ni réprimer ceux que je ressens vraiment. En tout cas, merci pour vos interviews. Bien cordialement,

Réponse de Brigitte:

Vous avez très bien identifié le malaise qui a été provoqué en parlant du sujet brûlant qu’est le pardon, donc la protection de la sacro-sainte image parentale. Heureusement que vous avez osé, dans votre long et douloureux parcours, rester fidèle à vos sentiments concernant votre mère en vous avouant que vous ne pouviez pas aimer celle qui a fait de votre vie un enfer. Le prix de votre discernement et de la force que vous avez récupérés en sortant du déni vous permettra sans aucun doute de garder une relation saine avec votre fils, vous le méritez vraiment. BO