Maladie d’Alzheimer

Maladie d’Alzheimer
Friday 25 April 2008

Bonjour Alice,

J’ai lu votre livre “ta vie sauvée enfin” et je voudrais rebondir moi aussi sur la maladie d’Alzheimer. Je n’ai pas fait de recherche non plus, mais j’ai une anectode significative dans ma famille, tragique, que personne ne veut reconnaître/voir.

J’avais une tante “éloignée”, avec qui j’avais renouée des liens à l’âge adulte. Je la trouvais en bonne santé du haut de ses 80 ans : elle marchait tous les jours, elle conduisait sa voiture, elle cuisinait, elle riait et prenait toujours grand plaisir à voir sa maison remplie de monde. Par contre, elle ne pouvait rester seule, traumatisée par un combriolage raté lorsqu’elle était chez elle quelques années auparavant. Elle avait toujours besoin de quelqu’un à ses cotés : elle louait donc le premier étage de sa maison à de jeunes étudiants. Je m’étais rendu compte qu’elle idéalisait complètement ses enfants adultes : elle en parlait comme s’ils étaient des anges parfaits, des Dieux aimants. Ils l’aimaient profondément, ne voulait que son bien-être, son bonheur… elle en était persuadée et ne cessait de me le dire lorsque j’allais la voir. (je sais qu’elle a une une vie très douloureuse : guerre, mensonge sur son vrai père, violence parentale, mari mort d’une crise cardiaque, un autre devenu “fou”…etc). C’était une artiste qui aimait peindre et écrire.

Un jour j’apprends que ses enfants ont décidé de la mettre dans une maison de retraite et de vendre sa maison qu’ils ont par ailleurs quasiment vidée de ses meubles. Comme des enfants, ils se chipotaient le moindre torchon !

Je reçois quelques temps après un appel téléphonique m’annonçant qu’elle commence à “perdre la tête”. Je vais la voir aussitôt avec mon mari et mon fils. Elle quitte provisoirement la maison de retraite pour nous accueillir chez elle, dans SA maison. Je m’aperçois qu’elle n’avait pas l’intention de quitter sa maison puisqu’elle y avait fait des travaux (installer une douche à la place de la baignoire). Elle semble heureuse de nous voir, et surtout d’être chez elle. Elle n’a pas du tout l’allure de quelqu’un qui a “perdu la tête”. Elle marche, elle rit, elle nous cuisine ses petits plats, elle nous raconte son enfance (idéalisée elle aussi)…par contre, elle semble ne pas remarquer qu’il n’y a plus ses tableaux accrochés au murs, que les armoires sont vides, qu’elle doit dormir sur le canapé pour nous laisser le lit, le seul qu’il reste, que le jardin est à l’abandon….ses yeux pétillent et moi, je ne sais pas pourquoi à ce moment là, je ressens une immense tristesse, j’ai envie de pleurer et de partir en courant.

Nous rentrons.

Quelques semaines après (4 je crois !! ) j’apprends qu’elle est atteinte de la maladie d’Alzheimer : elle ne reconnait plus personne,” il n’y a plus rien à faire” me dit on. Elle est agressive, violente, “méchante” pour reprendre les termes exacts. Je pense qu’il faut la laisser rentrer chez elle, lui trouver une infirmière sans oser le dire trop fort (j’étais dans l’incapacité de prendre soin de moi à l’époque, alors quelqu’un d’autre encore moins)

Peu de temps après j’apprends sa mort, étouffée par un “os” de poulet. “Très courant chez les personnes âgées” m’a t’on dit.
J’ai eu envie de hurler. Comment peut on dire une chose pareille ?

Tout ceci s’est passé en moins de 2 ans !!!!

Cete femme est morte parce qu’elle a cru qu’elle ne pourrait jamais regarder sa vie telle qu’elle était vraiment. Cette femme est morte parce que son déni ne pouvait plus la protéger et parce que personne dans le monde médical n’a su l’accompagner sur le chemin de la vérité.

Je ne sais pas pourquoi certaines personnes, pourtant dans un profond déni, arrivent à “échapper” à la maladie : Moins sensible émotionnellement ? Ils réussissent à faire porter à l’autre tout ce qu’ils ne veulent pas voir/accepter d’eux-même (“je suis l’éternelle victime, ce sont les autres sont des méchants”) ?

Par ailleurs, concernant ce médicament visant à supprimer les traumatismes, je me pose moi aussi des questions. Si une personne n’a jamais été respectée, aimée, câlinée. Si une personne n’a jamais appris à reconnaître, exprimer, répondre à ses besoins. Comment va t’elle faire, même avec le traumatisme des mauvais “traitements” effacé ? Ca me paraît être encore une belle illusion, stupide, nocive et…tragique ! Encore une fois, c’est une manière d’éviter de se poser les bonnes questions, celles que vous, vous osez poser madame Miller.

Merci pour ce livre une fois encore passionnant et écrit de telle manière qu’il m’a été facile à comprendre.

Et merci aussi à votre équipe, notamment Brigitte, pour son écoute constante et bienveillante.

AM: Je vous remercie pour votre histoire si éclairante. Elle montre entre autres choses qu’il peut être trop tard et même dangereux de démander aux vieux parents de se souvenir de leur enfance s’ils n’ont jamais travaillé sur leur passé et vivaient toujours dans le deni. Mais chaque cas est différent bien sûr.