Lettre à une mère
Sunday 16 March 2008
Ah, vous dirais-je, Maman,
Combien j’ai pu vous haïr? Combien j’ai pu serrer mes poings d’enfant quand du fond de ma chambre je vous entendais rentrer, pester encore sur ma présence, mon existence, quand vous découvriez que j’avais laissé mon linge sale trainer… Mes chaussures mal rangées.
Ah vous dirais-je, Maman, que du haut de mes 10 ans j’avais tant d’autres soucis en tête que ces affaires sales?
Ah, vous dirais-je, Maman,
Combien j’ai pu pleurer, quand vous trouviez ces marques de griffes sur les mains de votre fils, et que vous me gifliez pour avoir osé le marquer, quand c’était pour me défendre de ses coups? Lui, frappait ma tête ou mon dos, et il savait que je n’allais pas me dévêtir… Les mêmes gifles à la moindre mauvaise note, pourtant elles étaient rares, j’y prenais bien garde… Les mêmes gifles quand je vous avais “encore fait honte”, par ma maladresse en public…
Ah, vous dirais-je, Maman,
Combien j’ai pu me mépriser, quand vous m’avez dit que je n’étais pas désirée, ni ma naissance, ni ma conception, que cet homme que vous haïssiez -pourtant votre mari et mon père- était une ordure? Quand vous me disiez à quel point je lui ressemblais? Combien j’ai pu me haïr Maman, quand j’ai réalisé ce que ces paroles, prononcées à mes 12 ans, signifiaient… “J’aurais voulu avorter mais il a insisté”, Maman… Je le savais déjà.
Ah, vous dirais-je, Maman,
Combien j’ai pu être écoeurée, quand votre fils a changé de stade de violence, me laissant les marques de ses mains sur mon cou, et que vous avez détourné la tête… Quand je vous ai rappelé que deux jeunes garçons avaient voulu “m’attraper dans un coin”, et que vous disiez que j’exagérais et qu’ils voulaient jouer…
Ah, vous dirais-je, Maman,
Combien j’ai pu vouloir mourir, quand j’ai osé me confier sur ce qu’il se passait dans le lit de votre fils -Non, ce n’est plus mon frère- et que vous avez dit que la faute était mienne… Vous avez tourné la tête encore une fois.
Ah, vous dirais-je, Maman…
Que vous n’êtes plus une mère?
Réponse de Brigitte:
Votre lettre est très touchante d’émotions et tellement juste, votre vouvoiement envers elle montre bien l’énorme distance qu’elle a instaurée depuis toujours dans un régime totalitaire avec vous. Bravo pour votre courage et pour la force de vos propos qui sont à la hauteur de sa cruauté. BO