Sacrifier sa progéniture
Monday 04 May 2009
Bonjour Mme Miller et Mme Oriol,
Oui, VIVRE après plus de 35 années de survie…
Je vous ai déjà écrit dans le passé suite à la lecture de vos ouvrages Mme Miller, ainsi qu’à la lecture des différents écrits de votre site internet que je consulte très fréquemment pour ne pas dire quasi-quotidiennement (je vous le donne en mille, la rubrique courrier des lecteurs notamment).
Je sors enfin, doucement mais sûrement, d’une profonde léthargie qui était proche de l’autisme et qui aurait pu si j’avais continuer à nier l’évidence, me couter la vie.
J’ai mis plus de trente années afin d’admettre ce que je ressentais pourtant depuis tout petit, et que je ne voulais pas admettre: que mes parents ne m’aimaient pas, et qu’ils étaient par conséquent maltraitants.
Car je pense que si un parent ne peut pas exprimer d’amour pour son enfant, il devient alors inévitablement maltraitant, puisqu’un enfant à besoin d’une figure maternelle ou/et paternelle digne de se nom pour se construire et grandir.
Bref, manquant de recul, je ne suis pas tout à fait sûr de ce point (non amour pour son enfant égal forcément maltraitance et la notion de neutralité existe t-elle vraiment pour un parent ?), mais je suis sûr en tous cas d’avoir été maltraité.
Je tenais à témoigner pour vous dire à mon tour qu’il est extrêmement difficile de s’en sortir, et je ne me considère pas comme étant totalement sorti de cet autisme dont je faisais référence un peu plus haut.
Je fais le parallèle avec Don Quichotte et ses moulins, car c’est exactement ce que je ressentais après la prise de conscience de ma maltraitance et du fait d’admettre qui sont réellement mes parents et le rôle qu’ils ont tenus dans ma profonde souffrance.
J’ai dû lutter bien souvent seul, cherchant du soutien, mais peu de gens sont à mêmes de comprendre, peu de gens oui.
J’ai eu la chance de tomber sur vos écrits, Alice Miller, ainsi que d’autres (je pense notamment à Susan Forward et son « Parents toxiques », ou encore M.F. Hirigoyen et son « Harcèlement moral »), ce qui m’a enfin ouvert les yeux définitivement et permis d’arrêter de minimiser ce que j’avais vécu et de pouvoir enfin extérioriser certaines émotions réprimées et donc refoulées depuis toujours j’ai l’impression.
J’ai eu la malchance de naître d’une « mère » perverse narcissique, et d’un « père » qui était et est toujours son valet.
Je pense que ça résume tout ou presque pour ceux qui savent un peu ce qu’est la perversion narcissique, qu’on appelle aussi la psychose blanche, c’est à dire la psychose sans symptôme (j’ai appris cela de ma psy).
En détaillant un peu plus, ces personnes qui se disaient mes parents alors qu’en fait, ce sont justes mes géniteurs, m’interdisaient en me manipulant, le fait d’être moi-même. On me refusait ainsi le simple droit d’exister par moi-même, d’exprimer ce que je ressentais émotionnellement.
Le pire, c’est qu’en apparence, ils semblaient satisfaire tous mes besoins vu de l’extérieur. Mais ce n’était qu’en apparence, car je n’avais aucun amour, aucune considération pour ma personne véritable, je n’étais qu’un pantin désarticulé, je n’étais que leur propre prolongement sans droit à mon individualité, le jouet de mes géniteurs, qui m’ont anéanti sur le plan psychique jour après jour jusqu’à l’âge de mes 25 ans environ, date à laquelle je me suis remis en question vu que je sombrais dans l’alcool et la drogue.
C’est à cet âge que j’ai entrepris une thérapie, et j’ai eu la chance de tomber sur un psy plutôt bien, mais qui n’a pas pu aller au bout du travail avec moi, manquant d’expérience je pense. Puis, j’ai épuisé une deuxième psy, car même si elle m’a énormément apporté, au bout de 5 années, ça tournait un peu en rond, et j’avais l’impression que c’est moi qui savait mieux qu’elle ce qu’il fallait faire pour moi… Donc, pourquoi continuer de payer quelqu’un dont vous faîtes vous-même son travail ?
Aujourd’hui, je n’ai plus besoin de béquille pour vivre, même si j’ai encore un peu de chemin à parcourir avant enfin de m’autoriser à vivre pleinement sans culpabilité inconsciente, car c’est ça qui me « bouffe » encore la vie très souvent.
J’ai tellement été dans la confusion de mes sentiments, on a tellement chercher à me faire croire que tout allait bien, que je ne devais pas me faire confiance, on m’a tellement manipulé que le mal est ancré bien profondément, même si j’ai parfois l’impression, de plus en plus en ce moment, que tout peut basculer vers le bon côté du jour au lendemain.
Mais là, j’ai l’impression d’être un peu dans une impasse. C’est peut-être pourquoi aussi je vous écrits aussi aujourd’hui, cherchant peut-être une piste, un soutien, si minime soit-il, en plus de mon témoignage.
J’ai une petite fille de 3,5 ans, et je ne veux pas la priver de ses grands-parents. Mais, le simple fait d’aller chez mes « parents » me révulse, et je ne me sens pas vraiment en accord avec moi-même, bien au contraire.
J’ai tout dit par courrier à mon père récemment (sans agressivité je précise), je lui ai exprimé tout ce que je ressentais depuis tout petit, les agissement et les menaces de mort de ma « chère mère », sa lâcheté à mon égard, sa perfidie…
Alors que je réclame un dialogue avec lui depuis plus d’un an, il a toujours refusé. J’ai dû le menacer de ne plus voir sa petite-fille afin d’obtenir un semblant de réponse, réponse par mail dans laquelle il niait ce que je lui exprimait, il taisait les agissements que je relatais de sa chère femme, et me demandait au contraire de la respecter car elle était ma mère, et qu’elle m’aimait !!!
J’ai écrit un autre courrier, toujours sans agressivité, en enfonçant le clou et en lui démontrant qu’il se trompait complètement. Résultat, pas de réponse de son côté.
Ca ne m’étonne guère, car j’ai compris il y’a quelques temps déjà qui étaient réellement mes « parents ».
J’ai franchi toutes les étapes je pense du processus qui mène à ma libération, au deuil de mes parents.
J’ai pu exprimer l’année dernière toute ma colère contre eux qui était refoulée, j’ai évacuer aussi la tristesse que j’avais enfoui et accumulé.
Mais là, je ne sais plus trop quoi faire, car je me sens encore prisonnier de quelque chose, et je sens peut-être encore que j’ai de la pitié pour des gens qui n’en ont eu aucune pour moi, me laissant seul face aux 2 dépressions que j’ai eu chez eux, me laissant seul dans l’état dépressif qui dure depuis toujours à leurs contacts j’ai l’impression…
Par contre, matériellement, ils ont toujours été là. Et c’est ça qui m’a grandement freiné dans mon acceptation des choses et ma libération.
Car comment s’autoriser à penser du mal d’une mère qui vous flatte en permanence, qui vous prépare des bons petits plats, qui fait tout à votre place (tout comme mon « père »), comment penser du mal d’un « père » qui vous répare votre voiture, qui vous donne de l’argent, qui vous rénove votre maison…
C’est ça qui fait encore que jusqu’à il n’y a pas si longtemps, je doutais encore de leur maltraitance, mais je n’ai pas inventé les menaces de morts de ma « mère », alors que j’étais encore que bébé (faits brutaux et paroles confirmés par ma soeur ainée), et l’année dernière aussi, alors que j’exprimais seulement le fait qu’elle me faisait du mal encore aujourd’hui (culpabilisation, double langage, infantilisation… bref, manipulation et harcèlement moral qui dure depuis toujours).
Je n’ai pas inventé le vide total des sentiments de mon père à mon égard, les gifles plus jeunes pour me faire taire alors que j’essayais de stopper l’hystérie de ma « mère » qui ne supportait pas que je dise stop à son harcèlement… Je n’ai pas inventé ses brimades et ses moqueries, l’absence de valorisation. Il n’y a que du vide… ou presque.
Mais c’est ça, j’aurais dû être comme jésus peut-être, j’aurais dû tendre l’autre joue alors que les coups (maltraitances psychiques incessantes et parfois physiques) pleuvaient.
Comment vivre comme ça, comment survivre à ça, en étant totalement coupé de soi-même, en essayant de se persuader que ses parents de sont pas si mauvais que ça, et que surtout, on a tellement été plongé dans une forme d’autisme, on a toujours tout fait à votre place, en cherchant à vous démontrer que vous n’êtes capables de rien, qu’on ne peut de toutes façon se débrouiller seul dans la vrai vie… Le piège s’est refermé jour après jour sur moi, depuis ma naissance, et je n’ai dû compter que sur moi-même pour en sortir, à 37 ans… même si j’ai trouvé enfin un peu de soutien avec des amis sur le tard.
Et j’en suis là, à culpabiliser encore par moment de penser à la souffrance de mes « parents » du fait qu’ils voient moins ou éventuellement plus du tout leur petite-fille…
Car pour eux, tout va bien, ils ne comprennent vraiment pas pourquoi je prend du recul, malgré tout ce que j’ai pu tenter de leur expliquer, et tout ce qui s’est passé.
Mon « père » n’est pas dupe je pense, rapport à mes courriers, mais ma « mère » ne peut de toutes façon pas entendre ce que j’ai à lui dire vu sa pathologie.
C’est tellement énorme, que je me demande si je n’ai pas inventé tout ça tellement ils agissent encore aujourd’hui comme si tout était normal…
Mais de les voir me révulse, car ils font comme si de rien était, comme si tout allait bien…
Je n’ai pourtant plus l’impression d’être dans la haine ni la colère vis-à-vis d’eux, juste dans la… révulsion.
Peut-être tout ça est-il encore trop frais dans ma prise de conscience, trop douloureux, mais je crois que j’ai déjà assez perdu de temps non ?
Je voudrais tellement arrêter de culpabiliser et m’autoriser à vivre. Je sais que ça passe par le deuil de mes parents, mais je ne sais pas où j’en suis par moment, si ce deuil est déjà fait, si c’est vraiment l’unique solution…
Pour m’aider, je recherche des témoignages sur les enfants de parents pervers narcissiques, mais je dois dire que c’est assez difficile d’en trouver. Ce que je trouve concerne surtout les rapports entres conjoints.
Enfin bon, en tous cas, je sais aujourd’hui ce qu’est réellement l’Amour, base de tout, c’est le plus beau cadeau que m’a apporté ma fille, et je lui retransmet tout le mien à chaque moment qu’on passe ensemble.
Le schéma destructeur familial qui se transmet très souvent de générations en générations est enfin rompu, car bien que comme tout parent, je fais ou ferais des erreurs, c’est certain, mais je ne la maltraiterai pas. Et pour moi, de reproduire le schéma destructeur, c’est absolument ce que je voulais éviter par dessus tout.
Ma fille à été désirée par Amour, conçue par Amour, et je sais qu’elle ressent très bien l’Amour sincère et véritable de chacun de ses parents.
Sa joie de vivre et son épanouissement en sont la plus belle preuve.
Bien à vous, merci pour tout ce que vous apportez.
Réponse de Brigitte :
Le simple fait d’aller chez vos parents vous révulse et c’est tout à fait compréhensible car ils n’ont JAMAIS pris soin de votre besoin d’amour et que jusqu’à ce jour ils continuent de vous mépriser en niant tout ce que vous leur reprochez sans la moindre compassion pour votre immense souffrance. Malgré cela vous voudriez confier votre petite fille, qui vous est si chère, à ces gens qui n’ont eu de cesse d’endommager votre intégrité, de faire de votre personne un autiste dans une profonde léthargie qui a failli vous couter la vie ??? En faisant cela, c’est comme apporter votre fille sur l’autel du sacrifice pour continuer à protéger vos parents. Vous avez eu la chance de sauver votre âme en regardant la réalité de ceux qui vous ont maltraité, en leur offrant celle de votre fille vous continuez à alimenter leur perversion narcissique. BO