Enfance heureuse et adulte, boulimie, dépression, cocaïne.
Thursday 25 August 2005
Bonjour Mme Miller,
J’achève la lecture de votre livre Notre corps ne ment jamais, conseillé par ma thérapeute. J’ai 25 ans, j’ai déjà été boulimique, j’ai touché à plusieurs drogues (notamment à la cocaïne), je suis dépressive, je multiplie les mécanismes de défense tels que le sommeil et la dissociation, je ressens le besoin d’être la meilleure en tout, je me réfugie dans la solitude et la création littéraire, je sens constamment un vide en moi… bref, je me reconnais dans les cas que vous évoquez tout au long de votre ouvrage.
Par contre – et c’est là ma plus grande interrogation – je n’ai pas été une enfant maltraitée (je n’ai jamais même reçu une petite tape sur les doigts), je n’ai jamais subi d’abus sexuel, j’ai été élevée dans un climat d’amour, de tendresse et de communication, j’ai vécu une enfance heureuse, etc. Pourquoi, alors, est-ce que je me sens concernée par votre livre ? Il est vrai que mon père a été plutôt absent (sans cesse préoccupé par son travail) et que ma mère a été, je l’ai découvert en thérapie, instrusive, » trop présente « , » trop aimante « , trop intéressée par ma vie, mes sentiments, mes émotions, etc. mais ce ne sont pas, à mon sens, des formes de violence.
Si vous avez une explications, j’apprécierais une réponse de votre part. Merci à l’avance… et merci pour la vérité que vous avez su mettre en lumière dans votre livre.
Alexandra (pseudonyme)
(Vous pouvez utiliser ma lettre si vous le jugez utile.)
AM: les réponses à vos questions se trouvent dans l’article « notre corps ne ment jamais – un defi. »
Réponse de Brigitte:
Je suis très touchée de votre témoignage et j’ai fortement envie de réagir en entendant le paradoxe entre la souffrance de votre corps (boulimie, dépression, cocaïne) et votre enfance heureuse (climat d’amour, tendresse, communication).
Le corps ne peut crier ainsi quand nous avons été respecté et accepté dans notre enfance, pour ce que nous étions vraiment dans nos agissements, nos sentiments, nos émotions, nos pensées et ce, sans vouloir nous transformer, ni nous utiliser pour combler les besoins ou les manques de nos parents.
Il existe des violences reçues qui s’inscrivent dans notre mémoire corporelle dès la toute petite enfance (négligeance des pleurs du bébé, apprentissage de la propreté dans les jours qui suivent la naissance) et bien d’autres moyens justement dans le but de devenir un enfant sage et obéissant.
Ayant appris à devenir exemplaire dans les premiers jours voire premier mois de sa vie, nous ne sollicitons pas de reproche ou de désagrémént dans les années qui s’ensuivent et par conséquent pouvons bénéficier d’une bonne relation par la suite puisque nous nous sommes conformés prématurément aux exigeances de notre parent.
C’est d’autant plus difficile à déceler qu’il nous reste en mémoire « mentale » que les « bons souvenirs », mais là où votre corps ne vous trahit pas, c’est qu’après la lecture du livre d’Alice Miller vous vous êtes sentie concernée et là vous touchez à votre mémoire émotionnelle, celle que votre corps à enregistré depuis même votre conception. Vous pouvez vous fier à ce que vous sentez, votre corps ne vous trahira pas.
Je suis très étonnée qu’au cours de votre thérapie vous ayez découvert une mère trop présente, trop aimante!!! qu’est ce que cela veut dire? Je n’ai jamais entendu dire que trop d’amour pouvait abîmer une personne comme vous vous décrivez. Pour découvrir la subtilité de certains comportements toxiques d’un parent, la lucidité d’un thérapeute est primordiale, oser voir la vérité sans la minimiser, sans protéger le parent et encore moins le comprendre ou le pardonner.
Sans lucidité nous ne pouvons avoir accés à la vérité de notre histoire d’enfant et nous pouvons être maintenus dans nos illusions. C’est pourquoi il est important de vérifier le cheminement du thérapeute qui vous accompagne pour découvrir ce que votre corps s’emploie tant à vous dire.
Avec toute ma compréhension.
BO