Précision

Précision
Saturday 08 August 2009

Chère Madame Miller,

J’ai lu votre ouvrage “l’enfant sous terreur” en deux jours et j’en suis époustouflée ! Ce n’est pas le seul ouvrage que j’ai lu sur le sujet, mais je dois dire que la clarté et le bon sens, ainsi que l’empathie dont vous faites preuve sont extrêmement rares. Je suis étudiante en logopédie et j’essaie, après lecture de vos livres, de sensibiliser mes amies-étudiantes à l’innocence de l’enfant. Il y a du boulot… Je trouve incroyable qu’aujourd’hui encore, les gens éprouvent des difficultés à agir en toute conscience pour le bien-être d’autrui, surtout pour le bien-être de leurs enfants. En ce qui concerne la fessée, je fais régulièrement l’expérience de demander aux gens de mon entourage s’ils sont pour ou contre. Et vous ne serez pas surprise de constater que la plupart sont bien entendu “pour” et excusent les actes passés de leurs parents en disant : “ma fessée je l’avais bien méritée… j’étais une méchante gamine qui a désobéit à maman”. Sans commentaire.

J’étais comme vous, avant de vous lire, chère Madame Miller. Et je suis heureuse d’avoir trouvé une personne de votre talent qui a su si bien exprimer tout ce que je ressentais à l’intérieur de moi-même. Vous avez été pour moi et pour beaucoup de personnes de mon entourage, un témoin secourable d’une importance capitale. J’ai une explication tout à fait personnelle à propos du développement de l’empathie et de la reconnexion avec son SOI dont je ne vais pas vous faire part ici en détail, mais je suis persuadée que nous avons tous en nous-mêmes une âme qui contient toute l’empathie et l’amour bienveillant qui mène à une personnalité équilibrée si l’éducation ne bloque pas ce flux vital pur. La psychologie, si elle est bien appliquée, nous aide à nous reconnecter avec cette âme par l’intermédiaire de l’intuition qui s’atteint en creusant des tunnels à travers notre inconscient. Vous êtes, pour moi, tout comme le psychothérapeute Thomas d’Amsembourg et la psychanalyste Clarissa Pinkola Estes, ainsi que ma thérapeute personnelle, un exemple remarquable d’intuition et de bon sens.

Il n’y a pas un seul passage de votre oeuvre “l’enfant sous terreur” qui ne sonnerait faux dans mon coeur. Sauf un pour lequel je souhaiterais vous demander quelques précisions, car il m’a profondément choquée. En page 145 du livre traduit en français, vous dites au point 4 : “Il est tout à fait naturel que l’enfant suscite des désirs sexuels chez l’adulte : il est beau, tendre, caressant et il admire l’adulte plus que ne le fait aucune autre personne de son entourage. Lorsque l’adulte mène une vie sexuelle satisfaisante avec son partenaire adulte, il peut renoncer à satisfaire les désirs qui se manifestent en lui au contact de l’enfant sans devoir s’en défendre”. Je dois vous avouer qu’avec votre empathie et votre façon de défendre, d’habitude, le “bien” ou l’attitude saine, j’ai le sentiment, que dans le cas présent, il y a une incohérence. Personnellement, je suis en contact perpétuel avec les enfants et je n’ai jamais de ma vie été attirée par un enfant, alors que ma vie sexuelle est, l’on peut dire, très insatisfaisante. Pourquoi pensez-vous qu’il est naturel que l’adulte non-satisfait reporte ses désirs sur un ENFANT? Il devrait, s’il a une personnalité équilibrée, tout au moins reporter ses désirs sur une autre personne ADULTE, mais en tout cas pas un ENFANT… Il me semble que les personnes qui éprouvent de l’attirance pour les enfants ont besoin de soins psychiques importants, qu’ils passent à l’acte avec eux ou non. C’est le fait même qu’ils soient attirés par des enfants qui est déjà révélateur d’un disharmonie dans leur personnalité. Il m’est arrivé qu’un de mes professeurs du collègue me parle de son attirance pour sa fille… j’en fus profondément dégoûtée. D’ailleurs, si j’avais vu mon père ou ma mère me regarder une jour avec une envie sexuelle, je pense que j’en aurais été dégoûtée et fortement destabilisée et certainement traumatisée. Beaucoup de personnes de mon entourage à qui j’ai posé la question le ressentent de la même façon. Si je peux me permettre, ne serait-il pas plus adéquat de dire “Il est tout à fait ANORMAL que l’enfant suscite des désirs sexuels chez l’adulte. Et s’il en suscite, c’est que quelque chose au niveau de la structure psychologique de cet individu a besoin de soins profonds” ?. Personnellement, s’il m’arrivait un jour d’éprouver de l’attirance pour un enfant, j’irais voir d’urgence une thérapeute. L’attirance d’une adulte pour un enfant devrait, selon moi, être ressentie comme quelque chose de totalement contre-intuitif, s’opposant à notre coeur et à notre profond bon sens. Et vous dites, à raison, que les rapports sexuels entre enfants et adultes sont vécus comme des abus/traumatismes par les enfants. Est-ce que l’attirance qu’un enfant lit dans les yeux des adultes n’est pas également un traumatisme parce qu’il ne DEVRAIT PAS EN ETRE AINSI. L’enfant a intuitivement le savoir de ce qui devrait être ou ne pas être. Puisqu’il naît innocent. Personnellement, j’en suis persuadée. En conséquence, ce n’est pas le fait de mener une vie sexuelle satisfaisante ou non en tant qu’adulte avec tel ou tel partenaire qui détermine notre attirance ou notre non-attirance pour un enfant. Je pense que les deux choses n’ont rien à voir. Il y a des personnes qui passent une vie entière dans l’abstinence totale et qui ne développent pas, à cause de cela, une attirance pour l’enfant. Ce qui détermine notre attirance envers un enfant, je pense, c’est une ombre non-consciente, pas encore découverte qui nous a nous-même jadis traumatisés et qui agit à notre insu dans les limites de ce que j’appellerai, une sorte de perversion. Cette perversion devrait disparaitre, j’ose l’espérer, après une thérapie, à condition qu’elle ne soit pas prise en charge par un psychanalyste, ce qui donnerait des résultats catastrophiques à mon sens. Mais ce n’est en tout cas pas une insatisfaction avec un partenaire adulte qui est la cause directe d’une attirance envers l’enfant.

Je souhaiterais pouvoir, un jour, chère Madame Miller, avoir votre avis sur la question, si le temps vous en donne la possibilité.

Ce message et votre réponse peuvent apparaître sur votre site, si vous pensez que cela peut être utile aux lecteurs.

Amicalement,

Réponse de Brigitte :

Je comprends tout à fait votre réaction si vous vous arrêtez à cet endroit dans la phrase, toute la nuance de ce qui est dit est justement dans la suite de ce même paragraphe. « En revanche, s’il se sent humilié dans sa relation avec son partenaire, s’il n’a pas le sentiment d’être pris au sérieux, SI SES PROPRES BESOINS N’ONT JAMAIS PU S’EPANOUIR ni parvenir à maturité ET SURTOUT S’IL A ETE LUI-MEME UN ENFANT ABUSE, il aura une très forte tendance à reporter ses besoins sexuels sur son enfant ».

Vous avez raison, il faut que l’adulte soit perturbé par son passé et continue d’en souffrir pour satisfaire ses besoins sur l’innocence d’un enfant. Ce n’est pas la tendresse, la beauté et l’admiration qu’il porte à son parent qui déclenche chez ce dernier un désir sexuel. Par contre ce désir sexuel peut être réveillé chez le parent, par les attitudes naturelles de l’enfant, s’il continue à nier les manques et les abus de sa propre enfance. BO