Oser parler c’est oser une nouvelle vie

Oser parler c’est oser une nouvelle vie
Wednesday 27 August 2008

Alice,

Je me souviens d’une anecdote (rapportée en partie par ma mère). Elle s’est remariée avec un homme qui avait un enfant de 7 ans. Cet enfant est devenu son bouc émissaire. Elle le frappait avec bcp de violence. Je me souviens qu’il mettait ses mains devant ses yeux pour se protéger. Le visage de ma mère était tordu de haine une fois encore, et elle frappait, frappait, frappait. D’autres fois, cet enfant souffrant d’eunurésie (sa mère était morte d’un cancer 2 ans plus tôt), elle l’obligeait à sortir dehors, son slip mouillé d’urine sur la tête, tandis qu’il l’a suppliait. Comment peut on être aussi sadique et cruelle ? Comment ? Quand il y avait du monde par contre, elle jouait les gentille. Un jour donc où il y avait du monde autour d’elle, elle a voulu prendre ce jeune garçon sur ses genoux : il lui a uriné dessus. Aujourd’hui je pense que c’est de peur. Lui aussi devait être terrorisé par cette femme. Elle, quand elle raconte l’anecdote, elle dit de lui qu’il était sournois, méchant, vicieux. Quant à moi, à 5 ans, je suis tombée d’un bord de fenêtre. Dans une bétonnière. Bien sur, “on” m’avait dit de faire attention, de ne pas jouer ici. Je n’ai pas “voulu” écouter, je suis tombée. Je me souviens alors de la folie de ma mère et combien j’ai eu honte et peur. Elle m’a emmenée dans une salle d’eau (nous étions dans une école maternelle où elle travaillait). Il y avait un garçon d’à peu près mon âge, je ne voulais pas qu’elle me déshabille devant lui. Elle hurlait que c’était bien fait pour moi, que je n’avais qu’à être sage, et m’a déshabillé de force. Elle me faisait mal. Ne pouvant détester ma mère à ce moment là, j’ai détesté ce garçon. J’ai longtemps cru qu’il avait pris du plaisir à me regarder nue. Quelle honte profonde je ressentais du haut de mes 5 ans et que j’ai ressenti pendant très très longtemps. Comme une brûlure au fer rouge. Je pense aujourd’hui qu’il devait être terrorisé par l’attitude de ma mère au point de ne pas pouvoir bouger lui non plus. J’ai encore honte quand je raconte cet épisode de ma vie. Je me sens encore humiliée au plus profond de mon être. Toute ma vie d’enfant est jalonné “d’incidents” de ce genre ; de ma naissance jusque l’âge d’adulte. Et si je la laissais faire, elle trouverait encore le moyen de me faire du mal aujourd’hui, sous couvert de grande générosité.
Merci de m’avoir lu. Ca me fait énormément de bien de pouvoir écrire tout celà. Comme si je crevais un abcès qui me pèse depuis bien longtemps. J’en ai parlé pourtant en thérapie et ma thérapeute m’a dit que ma mère irait en prison si elle faisait ça aujourd’hui. Je crois que je m’oblige à vouloir croire que cette femme a changé et à la fréquenter, sans m’investir affectivement. Mais son venin m’atteind quand même et après l’avoir vu, je me bloque le dos au point de devoir passer plusieurs jours allongée sans pouvoir bouger. En fait, je ravale tellement ma haine et ma colère pour lui offrir un visage “aimable” que je me fais encore du mal. Et il me faut du temps à chaque fois pour me sentir mieux. Je ne peux me sentir sereine que lorsque je la tiens à distance LONGTEMPS. Dès que je reprends contact avec elle, mon corps hurle. Je crois que c’est grave ce que j’ai vécu auprès de cette femme et tant que je continuerai à croire que ce ne sont que des incidents normaux mon corps hurlera. En vous écrivant, je ressens d’ailleurs un début de douleur dans le bas du dos et je ressens même de la peur. Je suis glacée de partout. Je vous remercie encore une fois pour votre écoute. Et je m’excuse de vous envahir ainsi avec mes mails, je me sens un peu gênée, comme si j’abusais de votre gentillesse.

Bonjour Alice,

Oui, je me rends compte que j’ai longtemps vécu dans la terreur. J’avais une peur panique, même adulte, que ma mère ne me tue si je ne me comportais pas comme elle le désirais. Même quand je ne la voyais pas, cette peur me poursuivais. Peur et culpabilité.Cette peur s’étendait aux autres adultes : malheur à moi si j’osais dire l’injustice. Mieux valait me faire toute petite. Je risquais la mort. J’en étais réellement convaincue. Et personne ne me prenait au sérieux. Parce que bien sur, les autres savaient que je ne risquais rien, mais moi j’étais enfermée dans ma terreur. Mon corps n’avait pas oublié les coups, les cris, le visage tordu de haine et de violence de ma mère. En vous écrivant, je revois son visage et son expression si terrible. Moi j’avais besoin de tendresse, de douceur, d’amour. Or je tremblais de peur devant cette femme. J’ai même fait un rêve l’année dernière. Dans mon rêve j’étais en grave danger de mort : il ne fallait pas que je m’endorme, ne pas ouvrir la bouche, surtout ne pas ouvrir la bouche, j’allais mourir. J’ai ressenti une grande terreur cette nuit là. Et une immense tristesse en me réveillant. Et ça, c’est relié à quelque chose que j’ai vécu dans mon enfance. Je ne sais pas réllemement quoi. Je sais par contre que le matin j’avais le sentiment que ma mère avait essayé de m’étouffer lorsque j’étais bébé, mais je ne sais pas si c’est vrai ou si je fantasme. C’est difficile de savoir. Mon père est mort brutalement (accident de voiture) lorsque j’avais 11 mois. Est-ce lié aussi à ma terreur? C’est si flou dans mon esprit. J’ai eu le coeur qui battait lorsque j’ai envoyé mon message à ce site (sans réponse pour le moment, la personne est en vacances) : j’ai réussi à me raisonner. Non personne ne viendra me tuer d’un coup de couteau durant mon sommeil pour avoir seulement dit qu’il faut dire aux enfants que leurs parents n’ont pas le droit de les tuer.. (Mon dieu, je voulais écrire “frapper”, et voyez vous, en me relisant je constate avec surprise que j’ai écris “tuer”) Vos livres ont été une providence sur mon chemin. Ils m’ont permis de mettre à jour mon histoire et, petit à petit, me défaire de ma terreur. Reste encore un peu de culpabilité, quand ma mère m’appelle pour me parler de son enfance à elle… mais ça aussi, je compte bien y remédier ! Merci à vous vraiment. Et à votre équipe. Vous êtes des lumières dans ma vie PS : voici ce que j’ai écrit un jour. Je suis désolée, c’est assez violent, mais je crois que ça reflète mon vécu :

L’araignée

Il était une fois une toute jeune araignée, maman d’une autre petite araignée. Elle vivait dans une grande forêt emplit d’une dense végétation. Les jours se déroulaient dans la douceur et le jeu.

Quant un jour, l’araignée mère, énorme, ventrue, poilue, laide fit trembler de sa voix aigre tous les fils de soie de la forêt :

– « Viens me voir ma fille, viens me voir moi ta maman, si vieille et si fragile. Viens me voir »

La jeune araignée, échaudée par toutes ses années passées auprès de la reine mère hésitait fortement. La reine mère s’était toujours montrée violente, méchante, dure à son égard. Il lui avait fallu partir à l’autre bout de la forêt pour pouvoir enfin vivre et construire un foyer chaleureux auprès de sa petite araignée. Tant d’années à se battre pour pouvoir enfin exister.

Mais la voix continuait :

– « Viens me voir ma fille, viens me voir. Je t’aime si fort ma petite fille. Viens voir ta vieille maman »

Le fils de soie semblait danser violemment au son de ses pourtant douces paroles.

La jeune araignée résista, puis finalement décida d’aller voir sa vieille maman araignée. Elle prit soin cependant de laisser son fils dans son cocon. Elle avança prudemment sur le fil de soie et traversa toute la forêt au son de la voix de sa vieille mère :

– « Viens ma fille, je suis là, viens me voir moi ta vieille mère… »
– « Je suis là maman, je suis là »
– « Approche ma petite, approches. Tu n’as pas amené petite araignée avec toi ? »
– « Non maman, je ne te fais pas confiance »
– « Tu as tort ma fille, tu as tort… »

La jeune araignée s’approcha de la reine mère laquelle, dans un rire sardonique, s’empressa d’essayer d’étouffer sa fille.

– « Tu croyais que tu allais t’en tirer comme ça ma fille ? Tu m’as abandonné à mon sort, tu mourra pour ça ! »

La jeune araignée se sentit paralysée de peur. Un grondement se fit entendre, des pics d’aciers semblaient tomber du ciel. La fin arrivait, si proche… Quand soudain elle entendit courir sur le fil de soie la voix de sa petite araignée qui l’attendait , blotti dans le nid

– « maman, maman, où es tu maman chérie ? ».

Aussitôt, elle retrouva toute ses forces. Elle se leva en hurlant, et dans un ultime combat mortel, pris une épine du rosier et troua le coeur de la reine mère

– « Ainsi tu ne me feras plus jamais souffrir ! »

Réponse de Brigitte:

Vous étiez vraiment en danger de mort avec une mère pareille, votre rêve est tellement réel, il ne s’agit pas d’un fantasme. Cette femme vous a fait grandir dans un enfer de cruauté sans limite. Combien il doit être insupportable pour vous d’entendre ses jérémiades sur son enfance malheureuse et il est vraiment compréhensible que vous ne puissiez pas avoir de la compassion pour elle alors qu’elle vous a fait vivre toutes ces années dans la terreur. Heureusement que votre corps s’y refuse par vos terribles maux de dos.
Votre récit est une histoire d’amour pour vous-même avec ce merveilleux message de la jeune araignée qui décide de sauver sa vie pour vivre enfin libre de cette immense souffrance. Bravo. BO