Je minimise mon histoire
Friday 24 November 2006
Bonjour,
J’ai 44 ans et j’ai beaucoup de difficultés à penser que mon vécu d’enfant n’est pas si terrible que ça, et pourtant.
En lisant les courriers sur votre site, je me dis, oui, cette personne à vécu une enfance encore plus terrible que la tienne, tu ne dois pas te plaindre.
Mon histoire. :
Nous sommes 6 enfants et je suis la 3ème.
Mon père dans ses soirées alcoolisées et de folies, nous faisait mettre en rang d’oignons dans le garage nous braquait le fusil dessus, et disait qu’il allait commencer par tuer ma mère, nous les enfants et lui en dernier.
Je ne sais pas si je pleurais, mais ce que je sais c’est que j’étais terrifiée.
Dans mon esprit d’enfant je souhaitais être la première à être abattue, pour ne pas assister pas à la douleur et la peur de les voir tous mourir avant moi.
Il nous humiliait, humiliait ma mère et nous frappait.
Le lendemain de ses nuits magiques et magnifiques, ma mère nous demandait de garder le silence et de n’en parler à personne, et surtout pas à notre grand-mère maternelle.
Comment se fait-il que je minimise tant mon histoire ?
Je vous remercie d’avance d’une réponse, Delphine.
Réponse de Brigitte:
Votre lapsus dans votre première phrase est éloquent, vous dites avoir des difficultés à penser que votre vécu d’enfant n’est pas si terrible. Vous avez raison de ne pas le penser parce qu’il est effectivement dramatique, votre corps même se refuse de minimiser la cruauté de votre père puisque inconsciemment vous écrivez le contraire de ce que vous vouliez dire.
Les souffrances de cet enfant jadis qui a vécu dans cette terreur permanente se souvient parfaitement qu’il aurait pu mourir à tous les instants, mais il est fort possible, que votre mère minimisait ces situations dangereuses en vous disant: « il est en colère et saoul, mais il ne nous tuera jamais ».
N’importe quelle personne, adulte ou enfant, menacée par un fusil a peur de mourir, y compris cette petite fille que vous étiez, si vous osiez l’écouter vraiment sans faire intervenir la parole de maman qui veut vous convaincre du contraire. Cette façon de comparer votre histoire en vous convaincant de ne pas vous plaindre est certainement la meilleure que vous ayez trouvé pour continuer à protéger votre mère qui vous demande de rester seule avec cette détresse. Non seulement elle vous a imposé la cruauté de votre père en restant dans ce foyer, avec le risque de vous faire tuer réellement, mais en plus elle vous interdit de vous défendre d’aucune façon que ce soit, là est le deuxième crime. En sortant de cette protection, vous donnerez sans doute une vision plus juste à la réalité de votre douloureuse enfance. BO