Relations difficiles

Relations difficiles
Tuesday 13 June 2006

Bonjour Madame Miller,

Je suis une personne qui souffre depuis longtemps de sentiments de culpabilité et de l’impression de ne pas être adéquate dans mon travail, dans mes relations, mon identité… Je sens en moi un potentiel agressif énorme qui ressort de façon malencontreuse dans certaines circonstances.

Je suis née prématurément (1 mois de couveuse). Ma mère souffrait d’hypertension artérielle durant sa grossesse sans le savoir.
Elle s’est beaucoup inquiétée pour ma santé. Elle a beaucoup critiqué mon comportement “hyperactif”, mon physique “de jésus-christ”, mes oublis, mes questions bêtes… Mon père n’est pas intervenu et m’a même, à plusieurs reprises, dénigré. L’ambiance familiale était tendue, morose, emprunte de peur des autres et de l’avenir. Mon père battait de temps en temps ma mère, qui, elle-même, était très contrôlante et critique avec lui.

Adulte, il m’arrive quelquefois d’utiliser la violence verbale (le plus souvent) face à des situations qui m’irritent, que ce soit dans mes relations avec des adultes ou avec des enfants. Je sais que cette manière d’être est condamnable et pourtant, dans certaines situations, j’arrive très difficilement à me contrôler.

Mon compagnon est une personne non voyante qui essaie de compenser tant bien que mal son handicap et qui a besoin de beaucoup d’attentions tout en se valorisant très fort (en façade) à la recherche de signes de reconnaissance de la part des autres.

Mon fils aîné (13 ans), garçon très intelligent, souffre d’asthme depuis qu’il est petit, doit porter depuis peu des lunettes. De façon occasionnelle, il manifeste de la violence, soit “sans le faire exprès” (renverser un bol de soupe sur les genoux d’une copine, lancer un caillou dans ma direction…), soit de façon claire lorsque les circonstances le permettent : dénigrement de son petit frère, provocation des adultes… Par ailleurs, c’est quelqu’un qui a peur de demander aux inconnus… peur d’essuyer un refus, que l’on se moque de lui… J’ai l’impression aussi qu’il nie une partie de ses émotions : la peur, la colère quelquefois…

Mon fils cadet (8 ans) est né avec une malformation cardiaque. Il a dû être opéré à deux reprises à 10 semaines et à 16 semaines. Avant cela, son état s’est détérioré sans que l’on ne connaisse la cause, puisque la malformation n’a été détectée qu’à 10 semaines. Entre les deux opérations, il est resté aux soins intensifs avec un traitement lourd et assez invasif.
Maintenant, c’est un enfant plutôt joyeux, qui dessine souvent des monstres qui se bagarrent, qui n’ose pas toujours dire ce qu’il veut (surtout aux inconnus), qui aime assez bien les films violents…

J’ai déjà entrepris des thérapies : psychanalytiques et analyse transactionnelle. J’ai suivi un stage en GBI (Guérison des Blessures Intérieures). Je commence une formation en PCI (Psychothérapie Corporelle Intégrée). J’ai lu un de vos livres “la connaissance interdite” et j’ai parcouru votre site. Votre point de vue, très catégorique, m’interpelle. Il me fait peur car il me condamne en tant que mère (étant donné mon attitude avec mes enfants) et, en même temps, il me semble sain. Et je pense qu’il est préférable de voir la vérité en face plutôt que de la nier.

J’espère vraiment trouver un moyen de changer et d’entrer en relation de manière plus adéquate avec mon entourage et surtout avec mes enfants.

Je suis inquiète pour eux, et je me pose beaucoup de questions.
Quelles sont les conséquences des traumatismes vécus dans l’enfance : telle une malformation cardiaque avec nécessité d’interventions chirurgicales, une prématurité avec passage en couveuse etc.

Comment réparer des violences subies ? Que puis-je faire pour aider mes enfants ? Que leur dire à propos de ce qu’ils ont vécu déjà de négatif ? Que leur dire à propos de ma manière d’être qui n’est pas toujours adéquate ?

La manière dont ils pourront se soigner sera-t-il de me condamner ? de m’en vouloir ? …
Quelle relation est encore possible entre des parents et leurs enfants quand ceux-ci ont souffert de la violence de leurs parents ?.

Dans l’attente de votre réponse et vous remerciant pour ce que vous faites, je vous prie de recevoir, Madame Miller, mes meilleures salutations.
A

Réponse de Brigitte

Pour se libérer des comportements violents avec les autres ou avec soi-même, il n’y a pas d’autres issues que de rentrer dans les blessures de sa propre enfance. En sentant combien il était douloureux pour vous d’être abandonnée pendant un mois dans une couveuse, d’être humiliée, non comprise, terrorisée de voir votre père battre votre mère, alors vous vous approcherez de l’enfant malmenée que vous avez été pour avoir un autre regard sur vos propres enfants.
C’est vrai que cela peut faire peur, car d’une part il n’est absolument pas habituel de regarder la vérité de son enfance, de remettre en cause la compétence de ses parents mais en plus il est douloureux de sentir à quel point on a abusé de notre confiance, de notre intégrité et notre innocence.
Ce n’est qu’à ce prix que vous pourrez récupérer un véritable lien avec vos enfants qui sont encore jeunes, rester dans le déni ne peut que vous maintenir dans des comportements que vous ne souhaitez pas avoir.
Toute la rage accumulée contre vos parents, vous la déposez sur vos enfants et sur vous-même en vous sentant coupable, un bon thérapeute vous accompagnera à dépasser cela.
Je vous invite à lire la réponse d’Alice Miller au témoignage de mars 2006 (rubrique courrier), qui s’intitule “J’ai fait du mal à mes enfants”.
Je vous souhaite une bonne continuation.
BO