Thérapeute scandaleuse

Thérapeute scandaleuse
Thursday 19 February 2009

Bonjour Madame, J’ai lu l’ensemble de votre oeuvre et vous remercie infiniment pour votre travail. Je suis maman d’un petit garçon de deux ans, et grâce à la prise de conscience que votre travail a permis en moi, peut-être ce petit garçon aura une maman qui ne fera pas de lui son bouc émissaire. J’ai été une enfant et une adolescente quotidiennement torturée, physiquement et psychologiquement, par ma mère et plusieurs autres membres de ma famille. J’ai toujours eu très peur de raconter ce que je vivais à des tierces personnes, jusqu’il n’y a pas longtemps , j’étais persuadée que personne ne me croirait, et que si je le racontais à quelqu’un , je le dégoûterais de moi. Il y a quelques années, j’en ai un peu parlé, par bribes, à mon compagnon. Il a été horrifié et m’a dit que ce qu’on m’avait fait, cela s’appellait de la torture. Il m’ a aussi poussé à entreprendre une thérapie, que j’ai commencé à l’âge de 28 ans. Aujourd’hui, je sais que j’ai été torturée, mais je n’arrive toujours pas à en parler, même à ma thérapeute. A ma thérapeute, je lui parle toujours du présent, très rarement du passé, et si je parle du passé, c’est toujours par allusions. Parce que quand je me remémore mon enfance et ce que j’ai subi , j’ai un vertige, comme si j’allais sombrer dans un gouffre sans fin et être anéantie de nouveau. Les rares fois où je parle de mon enfance à mon compagnon ou à ma thérapeute, je suis en dépression les jours qui suivent ; tristesse immense, rien envie d’entreprendre, même pas envie de me lever du lit, et surtout, je pleure du matin au soir comme une fontaine. Mon petit garçon a deux ans déjà, et je sais que de par le passé je lui ai fais du mal, et qu’il m’arrive encore de lui en faire. J’ai identifié les fois où je me suis montrée, et me montre encore avec lui, violente, humilante, incompréhensive, effrayante. J’essaye de mon mieux de refléchir en quoi c’est lié à mon histoire. Je me bats, je ne veux pas faire souffrir mon enfant. Ma thérapeute ne me pose que rarement des questions sur mon enfance. Elle, elle trouve que je lui en parle suffisamment, moi je trouve que c’est plutôt rare. A plusieurs reprises, quand j’étais une jeune mère elle m’a conseillé de laisser pleurer mon bébé (pendant 10 minutes, puis 20, et plus), en disant que ce n’était pas grave, que ce n’est pas parce qu’il pleure qu’il en souffre, que c’est comme ça qu’il faut faire pour lui apprendre à s’endormir seul. Beaucoup d’autres gens me donnaient les mêmes conseils. Je les ai suivis, en allant à l’encontre de mon instinct (qui me disait de dormir avec mon petit, de ne pas le laisser pleurer). Je les ai suivis, les entrailles déchirées par les cris de mon bébé. J’ai forçé mon compagnon à faire pareil, il était déchiré lui aussi, et s’en veut, et m’en veut, toujours aujourd’hui. Aujourd’hui je me rappelle les larmes de mon bébé, ses sanglots, ses cris dans la nuit, son petit visage suffoquant de terreur. Je l’ai laissé pleurer parfois plus d’une heure d’affillée, il étoufffait et suffocait… Aujourd’hui j’ai dit à ma thérapeute que je regrette d’avoir fait ça. Elle m’a regardée étonnée et m’a dit (avec un ton de désapprobation) ; “mais qu’auriez-vous voulu faire d’autre?”, en sous -entendant qu’il n’y a pas d’autre solution pour faire dormir un bébé. J’ai lu ce que vous avez écrit sur “Dire la vérité aux enfants”, et que Madame Brigitte O. explique très bien à la fin de sa conférence (en vidéo sur votre site). J’ai décidé de parler à mon fils, très simplement ; “Maman regrette d’avoir agi comme ça avec toi; voilà ce qu’elle a fait et qu’elle regrette; a l’époque maman était très angoissée, il y a beaucoup de choses qu’elle ne savait pas, et on l’ a mal conseillée. Tu as dû avoir très peur, et avoir mal, tu as essayé de me communiquer ta peur mais je ne la comprends que maintenant. Tu as eu bien raison d’avoir peur, parce que ce n’était pas bien ce qui se passait. Et tu as aussi de très bonnes raisons d’en vouloir à maman de ce qui s’est passé. Tu n’as pas à pardonner à maman pour ça. Plus tard, quand tu seras plus grand je te raconterais encore d’autres choses. En attendant sache que maman est là, près de toi, qu’elle comprend de plus en plus de choses pour pouvoir te protéger. Tu es un très gentil petit garçon, je t’aime”. J’ai dit à ma thérapeute que j’allais parler comme ça à mon fils. Elle s’est montrée choquée, m’a dit “Mais c’est pour faire votre mea culpa”. Elle m’a dit que je ne pensais pas à lui, que je ne faisais ça que pour me déculpabiliser, que de toute façon, un enfant à cet âge, il ne comprend pas quand on lui explique les choses, parce qu’il n’a pas encore un cerveau suffisamment développé, que si je lui parle comme ça, je vais lui faire peur ( mais alors elle se contredit; donc il comprend quand même??), qu’en fait il n’a jamais souffert, que c’est moi qui m’imagine qu’il a souffert. Mais qu’en lui parlant, là je vais le faire souffrir. J’ai tenté de m’expliquer. Je lui ai notamment dit que quand je me remémorre ses cris et son visage, je sais que sa souffrance était réelle. Elle m’a alors dit ; “Mais ce n’était pas une souffrance bien grave”. Pour finir je lui ai répondu ; “Alors, si comme vous dites, il n’a pas souffert, et que ce n’était pas grave de le laisser pleurer, ce n’est pas ce que je lui dis aujourd’hui qui va provoquer d’un seul coup une souffrance subite, tout au plus il trouvera que maman parle de choses bizarres. Et s’il a souffert une première fois, comme je le pense, alors, lui parler, l’informer de ce qui lui est arrivé quand il était bébé ne pourra lui faire que du bien”. Là elle ne savait plus quoi dire. Qu’en pensez-vous? Ai-je eu raison de parler comme ça à mon enfant? Moi je pense que j’ai eu raison. Je crois que lui a compris. Le soir même il a pleuré la nuit (chose qui ne lui était plus arrivé depuis un an), j’ai été le prendre dans mes bras, lui ai dit “maman est là, tout va bien, maman est avec toi mon amour”, en l’embrassant doucement et en le berçant avec tendresse. Il s’est rendormi, et ne s’est plus levé les autres nuits, jusqu’ici. Il m’a donné cette nuit-là l’occasion d’avoir les gestes d’appaisement et les paroles que j’aurais dû avoir quand il était un petit nourrisson. Je ne sais pas quoi faire par rapport à ma thérapeute, j’en ai essayé plusieurs avant , qui étaient toutes horribles, celle-là c’est la meilleure que j’ai pu trouver. Mais maintenant je me dis qu’elle ne peut pas m’offrir ce dont j’ai besoin.Je veux bien en chercher une autre, mais je n’aimerai pas me retrouver sans thérapeute du tout. Ca me fait quand même beaucoup de bien de parler, et d’être même comprise de temps en temps. Je vous remercie encore une fois pour tout votre travail.

Réponse de Brigitte :

Quand je vois votre sincérité et votre courage à vouloir comprendre et connaître les besoins d’un petit enfant, je me dis que c’est votre thérapeute qui devrait vous payer pour la sortir de son ignorance STUPEFIANTE. Aujourd’hui vous savez bien plus qu’elle ne sait, apparemment vous le sentez très bien puisque vous ne pouvez pas parler de votre enfance avec elle. Une thérapeute qui ne veut rien savoir de votre enfance ferait mieux de faire autre chose que de la thérapie. Ses conseils sont SCANDALEUX et TRES DANGEREUX, plus personne, qui VEUT SAVOIR ne peut ignorer que le besoin primaire d’un bébé est l’attachement qui fait partie des fondations de sa vie et de sa personnalité. Ses cris, ses pleurs sont des appels qui nécessitent d’être pris au sérieux par les bras d’une mère rassurante, douce, compréhensive et aimante afin que le lien de confiance et de sécurité puisse s’installer pour le bon développement du bébé, de l’enfant et du futur adulte qu’il deviendra.

Vous avez eu raison de parler ainsi à votre petit garçon, soyez vigilante de lui parler à la première personne et non à la troisième qui montre la distance et affaiblit votre discours parce qu’il nomme une « autre personne » que vous.

Je vous encourage à continuer à lire les courriers pour vous soutenir dans votre démarche de donner le meilleur à votre fils. Vous pouvez lire également le dernier livre d’Olivier Maurel « Oui la nature humaine est bonne », votre thérapeute ferait bien de se le procurer aussi. BO