Est ce que je peux mal interpréter mon passé ?

Est ce que je peux mal interpréter mon passé ?
Monday 21 April 2008

Chère madame Miller, Chère Brigitte,

c’est maintenant la troisième fois que je vous écris. Je me doute que
vous devez recevoir beaucoup de lettres et que vous ne vous souviendrez
plus…
Beaucoup de choses ont changé depuis la première fois.
J’ai écrit une longue lettre à ma mère pour lui dire le mal qu’elle
avait fait à moi et à mon frère en ne nous protégeant pas de notre
père, de ses humiliations, de son sadisme. Je lui ai fait part de
souvenirs « dérangeants » pour moi (bains avec mon père, irrigations
vaginales et bains en ma présence…). Je lui ai dit les consequences de
mon enfance: la depressio, l’anorexie, la boulimie, l’incapacité à
croire en moi et en les autres.
Elle a nié tout en bloc, est restée sur sa visoin des choses: elle est
une victime au même titre que nous, elle a essayé une ultime fois de me
culpabiliser, mais aucune remise en question.
Je lui devais de l’argent, que je lui ai rendu.
J’ai jeté les innombrables cadeaux inutiles dont elle m’a couverte
toutes ces années comme pour me faire taire.
Elle a tenté d’utiliser mes enfants pour me faire réagir, en leur
envoyant des presents totalement décalés pour noel ou leurs
anniversaires (1 coloriage de paque à noel pour ma fille de 4 ans, 1
Tshirt d’été au mois de mars pour mon bébé de 1 an…)
Mais j’ai tenu bon à l’envie d’aller la voir et de lui faire mal. Je
savais que c’est ce qu’elle voulait: me faire porter le rôle de la
méchante, comme d’habitude.

Lors de ma première lettre, je vous avais fait part de difficultés à
gérer sereinement un épisode de constipation chez ma fille ainée. Des
angoisses lorsque je devais la changer pendant ses premiers mois…
Je précise que mon « angoisse » de l’encoprésie situation a commencé
apprès une discussion avec ma mère. Jusque là, j’étais sereine. Mais un
jour, j’étais enceinte de ma deuxième fille ma mère m’a dit que ma belle
mère avait longtemps eu des doutes sur les compétences de la nourrice de
ma fille, que celle-ci forçait les enfants à se retenir de faire leurs
besoins. Que ma belle mère lui avait dit à elle mais pas à moi, qu’elle
ne m’avait rien dit pour ne pas m’inquiéter. Et moi, bêtement, je suis
tombée dans le panneau, j’ai commencé à penser que ma fille avait peut
être un souci, on est rentrées dans un conflit là ou il n’y en avait
aucun. Ella a réussi à me faire douter de mon enfant, de ma nourrice, de
ma belle-mère qui s’était tue, de moi, qui avait été suffisemment
inconsciente pour laisser ma fille chez une telle personne… Alors
qu’en fait après enquête auprès des personnes concernées, tout cela
était un mensonge de ma mère seule…

Bref, il se trouve que récemment, j’ai du suivre une supplémentation en
fer car j’étais anémiée. Le traitement a comme effet secondaire la
constipation et comme j’allaite toujours ma petite fille, elle a elle
même souffert de constipation et d’une fissure anale.
Je me suis donc retrouvée à devoir lui mettre hier soir une pommade
cicatrisante.
Et cette nuit j’ai fait un rêve tellement ignoble… J’ai honte de
l’écrire, je me sens a bord de l’évanouissement mais j’ai besoin d’être
sure.

J’étais plus jeune, mais mon age était difficile à déterminer.
Adolescente ou adulte. Mon sexe aussi. Je ne suis pas sure, mais dans
mon rêve, j’étais un homme je crois. Et j’était avec une petite fille
nue, que je connais pas.
J’ai reconnu que le lieu de la scène était la chambre de mes parents. Je
me souviens des tapisseries.
Dans mon rêve, je pratiquais des atouchements sur cette petite fille, et
à un moment, je cachais son corps en disant « attention, ma mère nous
regarde depuis le balcon ».
C’était horrible l’impression que j’ai eue en me reveillant…

Et puis je me suis dit, que voilà, c’est peut être ça le fin mot de
l’histoire. Peut être qu’en plus de tout le reste, quelqu’un a abusé de
moi enfant et que je ne m’en souviens même pas!
Au début ça m’a soulagée, je me sentais très sereine, très sure de moi,
et puis au fil de la journée, les vieux réflexes reviennent… Je me dis
que c’est mon cerveau qui est dérangé, que non ça n’est pas possible, etc…
Pourtant, je ne crois pas aux coincidences.
Il y a trop d’éléments convergents.
Je n’ai pas souvenirs d’attouchements directs. Mais d’avoir pris des
bains avec mon père nu alors que mes parents étaient plutot du genre
« coincé ». D’avoir assisté comme je disais plus haut à des ablutions pour
le moins particulières de la part de ma mère. D’avoir servi de
confidente à ses réflexions totalement déplacées sur sa vie intime ou
celle de gens que je ne connaissais même pas.
J’ai aussi souvenir qu’on m’aie administré jusqu’à tard en age des
suppositoires de glycérine (je me souviens de la grosse boite dans le frigo)
Mon frère, qui est de son coté aussi dans la même dynamique et qui a
entrepris une thérapie depuis cette été, m’a avoué avoir ressenti des
bouffées d’angoisse les premières fois qu’il a vu mes filles nues
(change ou bain, alors qu’elles étaient bébés), il m’ a rappelé que
notre mère avait pendant plusieurs années (alors qu’il était adolescent)
passé toutes les premières parties de nuit dans sa chambre, sur une
banquette, parce que soit disant elle avait peur de notre père…

Bref, je pense qu’il nous est arrivé quelque chose… Au minimum une
ambiance incestueuse…
Je ne me rappelle rien d’autre que cela. Peut être qu’il n’y a rien
d’autre à se rappeler, peut être que c’est suffisant, cette atmosphère
sordide, malsaine, et puis la violence psychologique, les brimades, les
mois sans nous parler.
Alors ma question est la suivante:
Puis-je faire confiance à mes rêves? Je pense que je suis enfant prête à
ouvrir les yeux, mais est-ce suffisant? Récemment, j’ai entendu parler
de pseudo thérapies qui seraient le fait de sectes, visant à faire
croire aux gens qu’ils ont été sexuellement abusés…Est-ce que ce n’est
pas moi qui interprète mal? Je doute, j’ai peur de faire de la
psychologie de comptoir. Peut etre que tout le monde fait des r^ves
malsains? (J’écris cette phrase et je rend compte de son absurdité)

Et puis je m’en veux, car je me dis maintenant que ça fait très
longtemps au fond que je doute sans me l’avouer clairement. Et que si je
doute c’est qu’il y a une raison. Je m’en veux de ne pas avoir su voir
avant, d’avoir eu besoin que mes enfants souffrent pour me faire enfin
ouvrir les yeux.
Je leur ai parlé du mieux que j’ai pu. Surtout à mon ainée, je lui ai
dit que j’avais conscience que mon attitude l’avait faite souffrir à
l’époque, que je savais maintenant pourquoi j’avais agi ainsi et que de
ce fait, je savais que ça n’arriverait plus. Elle a eu l’air de
comprendre, elle m’a fait un calin, mais moi je me sens toujours mal…

Voilà, c’est long, sans doute pas très clair…
Mais je vous remercie de me lire encore une fois.

AM: A ma connaissance, personne n’a de raison d’inventer des histoires macabres sur leur enfance. La plupart ont même tendance à dire qu’ils n’ont pas été maltraités en tant qu’enfant. Je pense alors qu’il vous faudra prendre au sérieux vos rêves, surtout parce que c’est la vérité qui vous aide à guérir tandis que les mensonges nous rendent malades.

Réponse de Brigitte:

Votre mère c’est encore une fois montrée à son accoutumé, dure comme de la pierre et dans cette réalité, vous avez donné à votre corps l’accès aux souvenirs en faisant émerger dans votre rêve la mémoire du passé. Maintenant que vous n’avez plus de doute sur sa cruauté, vous n’aurez plus peur de la voir comme elle est vraiment et surtout combien vous en avez souffert.
La démarche auprès de vos filles était nécessaire, ce qui vous a peut être fait mal après cette conversation c’est que vous avez peut être senti le câlin comme une consolation pour vous-même alors que votre but était de la libérer d’un mensonge qui vous séparait. Vous verrez très vite le résultat de votre honnêteté car il est fort possible que maintenant elles sentent beaucoup de colère contre vous pour réparer ce qui était endommagé. Bravo pour votre courage, BO