J’hésite à croire en la trahison de mes parents
Tuesday 27 November 2007
Alice,
Voilà 1 mois que la lecture de votre livre ‘le corps ne ment jamais’ m’a ouvert les portes d’une renaissance. Jamais livre n’aura su m’apporter tant de réconfort.
Bien que n’ayant jamais été battue physiquement, je pense pouvoir affirmer qu’il est des non-dits, des non-mises en action et des violences psychologiques empreintes de réelles meurtrissures.
J’ai vécue une enfance qu’il convient de qualifier d’heureuse. Convient ?; en ce que je n’ai jamais manqué de rien et que j’ai toujours mangé à ma faim. Pourtant je m’affame encore aujourd’hui à 32 ans. Je m’affame depuis l’âge de 12 ans ! Je m’affame comme si quelque chose m’avait laissé sur ma fin.
Mais c’est justement parce que mon père m’a toujours tout acheté que mes souffrances n’ont jamais eu la moindre légitimité. Il n’y avait que mon ingratitude, et mes inaptitudes à régler mes dettes envers la toute puissance de mes parents ! Je n’étais qu’une idiote, un cancre , une femme de surcroît et je n’étais visiblement bonne qu’a rendre mes parents malheureux. Ma souffrance n’était rien et les meurtrissures que j’infligeais à mes parents étaient bien plus douloureuses encore que les miennes. Je m’affame pour me punir de n’avoir jamais été une fille suffisamment bonne pour mes parents, et je crève de la souffrance que je leur inflige !
Certes jamais de mains n’a été levées contre moi, pas la moindre trace de claques. Mais que dire de ces humiliations, de ces accusations et de ces chantages affectifs. Voilà tantôt mon père criant à qui voulait l’entendre qu’il eut préféré me voir handicapée ou atteinte d’une maladie orpheline et que je ne méritais pas autre chose que d’être enfermé avec camisole de force au fond d’un asile. Car sa fille, folle à lier, lui causait tant de malheur qu’il aurait souhaité être sur le champ terrassé par la mort. Menaces de suicide a tout va, comme pour mieux me culpabiliser de ne pas savoir le rendre heureux. Lui qui est si malheureux, si dépressif. Finalement, ma mère m’a tout à la fois appris les faux-semblants pour répondre au mieux aux attentes de mon père, à lui mentir et à excuser ce pauvre bougre qui ne savait plus vraiment ni ce qu’il faisait, ni ce qu’ils disait après avoir ingurgité ces (minimum 2 bouteilles) de vin par dîner. Tout en faisant mine de me protéger, elle m’a imposé une odieuse mascarade ; Mon père avait mal agit par maladresses alcoolisées et ce n’était pas sa faute, mais oui le pauvre bougre souffrait de dépression. Il fallait le comprendre et faire comme si tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Qu’importe qu’ils nous ait insulter la veille lors d’une de ses mémorables rage (après tout la lune était pleine) il fallait l’aimait aujourd’hui et s’excuser par-dessus le marché d’être simplement non conforme à ses souhait.
A cet homme et cette femme qui ont tout sacrifié pour moi je devais reconnaissance éternelle. Je n’étais là que pour leur allégeance et je remplissais fort mal mon rôle. Aussi j’ai passé tout ma vie a courir, et peut-être que je cours encore après cette amour inconditionnel d’un père souvent absent en m’attachant à essayer en vain de satisfaire ses attentes. J’ai même choisi un métier aux antipodes de mes aspirations pour conquérir son estime.
Je meurs de faim de cet amour vain ! Qu’importe que cette course me mène droit dans un mur, encore une fois ma douleur n’est rien et ne dois ni ne peut être !
C’est grâce à vous qu’enfin j’ai compris que j’avais faim de moi et soif de liberté. Je n’ai besoin de nul de toute cette nourriture que je m’applique à rejeter et contrôler depuis mon adolescence au grand damne de mes parents. Mais pour moi c’était certainement le seul et unique moyen de protéger ce qu’il me restait d’élan de vie ! Aussi paradoxale que cela puisse paraître je vois mon anorexie comme une tentative désespérée de reconquête de mon identité ! Mon seul moyen de subsister à mes besoins vitaux.
Aujourd’hui j’ose voir que je suis prisonnière d’un père tyrannique et dépendante d’une mère qui sous un habit de perfection a su m’assujettir à son propre besoin d’amour. Et c’est grâce à votre travail Alice, grâce à votre volonté de briser le mythe des bon parents agissant dans le seul bien de l’enfant.
Finalement le malheur du 4ème commandement vient de qu’il est a sens unique. C’est à l’enfant de respecter ses parents en les respectant et en leur prodiguant cet amour inconditionnel en faisant fi des ‘maltraitances’ dont il est victimes, sans espoir d’être aimé dans son intégrité.
Mais je m’interroge, avoir compris sera-t-il suffisant à ma délivrance. La compréhension et l’acceptation de mes douleurs pourront-ils m’aider à reconquérir mes élans de vie et me rendront-ils la vie de femme que je me suis jusque là refusé ?
Parce qu’une part de moi hésite encore à croire en la trahison de mes parents
AM: Vous écrivez: “Mais je m’interroge, avoir compris sera-t-il suffisant à ma délivrance. La compréhension et l’acceptation de mes douleurs pourront-ils m’aider à reconquérir mes élans de vie et me rendront-ils la vie de femme que je me suis jusque là refusé?” J’aimerai répondre : OUI! OUI! OUI! Mais si je lis la phrase: “Parce qu’une part de moi hésite encore à croire en la trahison de mes parents”, je pense que c’est dans cette hésitation que se trouve votre prison intérieure et la source de toutes vos maladies.
Réponse de Brigitte:
Vos parents vous ont volé votre vie d’une façon des plus grotesque et manipulatoire qu’il soit, en vous affamant de tout sentiments d’amour jusqu’à vous retrouver dans le plus grand désert affectif qu’il existe dans ce monde. En ayant osé ouvrir les yeux sur cet isolement dans lequel ils vous ont enfermé vous avez déjà récupéré suffisament de force pour revenir à la vie que vous espérez depuis si longtemps. Aujourd’hui ce bout de vie est entre vos mains et seulement les votres, si vous acceptez sans détour que vous avez été abominablement trompée par vos deux parents. BO