Lecture pour les prisonniers

Lecture pour les prisonniers
Friday 02 June 2006

Le nouvel habillage de votre site est très lisible et agréable, merci. J’ai par ailleurs lu avec beaucoup d’intérêt l’article de JF Grief ( 1984) que vous avez retrouvé. Ah, si je l’avais lu à l’époque, quel temps j’aurai gagné, quelles souffrances j’aurais évité ! Mais ce n’est pas ( tout à fait ) vrai, à l’époque, je n’avais peut-être pas encore assez souffert de ma différence, de mes états dépressifs, pour comprendre vraiment la portée de cet article.

Ainsi, à l’époque, j’avais lu  » les enfants d’abord » de Christiane Rochefort, qui avait pigé pas mal de choses, notamment sur Freud, et bien sûr sur l’abus de pouvoir des adultes sur les enfants, mais sans vraiment l’appliquer à moi-même.

Il y a un moment où on devient réceptif, où on cherche, ou on a besoin de comprendre et s’en sortir. Mais aussi, s’il n’y a pas quelque chose qui vous dit : tu as raison de chercher, ce n’est pas normal, on peut rester longtemps dans le brouillard et la dépression.

Pour moi, ça a été un article de Télérama en 1996, avec un encart de quelques lignes sur Alice Miller et l’enfance d’Hitler. Et j’ai pris ce petit fil de rien du tout, une simple curiosité au départ ( mais 10 ans avant, je ne l’aurais pas eu) et j’ai tiré peu à peu, puis de plus en plus vite, et – comme pour tant d’autres – ça a été l’éblouissement, la révélation !

Merci, Madame Miller.

Dans un mail précédent, peut-être mal formulé, je vous demandais votre avis au sujet de l’idée suivante : je voulais envoyer « C’est pour ton bien » à deux personnes bien connues emprisonnées pour violences sur enfants : Marc Dutroux, et Patrick Allègre, 2 personnes qui ont montré au cours de leur procès, leur intelligence et l’opinion critique qu’elles avaient sur leur propre enfance. Connaissez-vous quelqu’un qui l’a fait ? Est-ce une idée idiote ? J’aimerais bien que quelqu’un de votre équipe me réponde à ce sujet.

Cordialement, Martin

AM: Je n’ai pas reçu votre e-mail précédant. Moi aussi, je pense souvent d’envoyer mes livres aux prisons et j’ai reçu déjà quelques réactions encourageantes. Mais elles sont plutôt rares. Parce que la raison du crime est totalement émotionnelle et rarement accessible à l’intellect. Les détenus comme Allegre sont toujours attachés à au moins un de leurs parents qu’ils « aiment » et cet amour bloque leur capacité de comprendre leurs crimes. Comme enfant atrocement battu par son père le garçon n’avait pas d’autres ressources que l’illusion de son amour pour la mère. Or, la haine envers elle était complètement réfoulée. Cependant, c’est exactement cette haine inconsciente qui l’a poussé à massacrer les autres femmes. Il est significatif qu’il a tué surtout les femmes et pas les hommes parce que son haine envers le p’ere était tout à fait consciente, il n’avait pas besoin des bouces émissaires parmi les hommes. Mais il serait intéressant d’essayer d’envoyer le livre quand même et attendre la réaction.