Discerner les compétences du thérapeute
Thursday 02 October 2008
Chère Brigitte,
Vous avez tout à fait raison pour ma mère, bien que j’ai été longtemps persuadé que seules les personnes d’une intelligence supérieure pouvait être perverses ! Allez savoir pourquoi !
Quant à ma thérapeute, j’ai mis du temps à comprendre. Elle m’a quand même beaucoup aidé certes mais n’a pas cette clairvoyance que vous avez vous et Alice.Lorsque mon fils avait 18 mois (il a 8 ans aujourd’hui), j’ai été prise d’un accès de violence envers lui parce qu’il avait renversé une bouteille d’huile que j’avais mal rangé et mal refermé : je lui ai hurlé dessus et j’ai senti une vague de violence qui montait, montait…C’est comme si je perdais tout contrôle de moi-même. Mon visage devait être vraiment terrifiant. Puis j’ai pris conscience du regard épouvanté de mon enfant (je m’en souviens encore) et je me suis sentie très malheureuse : c’était horrible, mon fils avait peur de moi, moi sa mère sensée le protéger et l’aimer ! (je pleure encore en vous le racontant!). Je me suis juré ce jour là de ne jamais recommencer. Je ne voulais pas être cette mère là. Quand j’ai parlé de cet épisode traumatisant pour mon fils (et moi-même puisqu’il racontait aussi mon enfance et la manière dont j’avais été traité) à ma thérapeute, elle s’est empressée de ME rassurer. Ce n’était pas grave disait-elle, ça n’avait pas pu traumatiser mon enfant, fallait que j’arrête d’y repenser, ne pas être « maso » etc… Elle minimisait les faits. Je suis revenue souvent sur le sujet, frustrée, mais j’avais toujours cette même réponse ! Ca partait probablement d’un bon sentiment de sa part, de l’envie de me protéger, mais ça ne m’a pas libérée bien au contraire.
Parce que mon fils ressent depuis une grande peur dès qu’un adulte hausse la voix (notamment ses maitresses) et je suis sûre que c’est lié à ce traumatisme ! Je ne culpabilise pas à outrance non plus, même si je ne suis pas fière de moi ! Mais comment aider mon fils aujourd’hui à surmonter ce traumatisme si je ne suis pas capable d’en mesurer les conséquences, si je préfère dénier la gravité des faits et me raconter que ça n’a pas pu avoir d’incidence pour lui ? Ce matin, j’ai donc suivi le conseil que vous donnez aux parents sur ce site : j’ai parlé à mon fils, je lui ai raconté cette partie de son histoire. Il m’a dit qu’il ne s’en souvenait pas, je lui ai répondu que parfois la tête ne se souvenait pas mais que le corps lui se souvenait très bien. Je pense que petit à petit ça va le libérer et lui permettre de ne plus avoir aussi peur. Je l’espère en tout cas. Nous en avons aussi parlé ensemble avec sa maitresse qui parle fort et dont il a si peur. Je ne peux m’empêcher de me dire que si ma thérapeute n’avait pas cherché à tout prix à protéger le parent que je suis, si elle avait accepté que nous regardions ensemble les possibles conséquences de mon acte au lieu de les balayer d’un revers de la main, j’aurais compris bien plus tôt d’où venaient les peurs de mon enfant ! C’est le même discours qu’on entend partout d’ailleurs : il suffit d’oser dire que les fessées font mal aux enfants pour s’entendre répondre qu’il faut arrêter de culpabiliser les parents ! Et beaucoup de psy de tout poils ne sont pas les derniers à véhiculer ce genre de message.Alors qu’il ne s’agit pas de culpabiliser, mais de « regarder » : ce qui nous est arrivé et ce que nous reproduisons. C’est en tout cas la seule manière pour moi – enfant maltraitée – de construire une bonne relation avec mon enfant. J’en viens parfois même à me dire que la culpabilité est aussi destructrice que les coups quand elle empêche de prendre conscience de ses actes. Merci encore à vous. Je me répète mais j’ai vraiment l’impression d’être enfin sortie d’un cauchemar terrifiant. Je ne crois pas que j’aurais survécu si j’avais du reproduire la maltraitance de ma mère, si je n’avais pu me sortir de toute cette violence que j’avais emmagasinée.
Réponse de Brigitte:
Vous êtes pleine de bon sens, si cette thérapeute banalise la peur de votre petit garçon de 18 mois sous vos cris pour « sauver » votre image de mère, c’est qu’elle IGNORE totalement la douleur et les angoisses que peut endurer un enfant. Comme elle n’a pas compris cela, elle ne peut pas prendre au sérieux vos propres souffrances de petite fille parce qu’en effet elle protège les parents tout comme elle se protège elle-même de ses douleurs d’enfant et des mauvais traitements qu’elle a certainement infligés à ses enfants si elle en a. Continuez-vous de la voir?
Montrez la réalité d’un acte blessant et angoissant, n’est pas dans le but de rendre coupable mais au contraire de SORTIR DE L’IGNORANCE pour établir un lien respectueux et aimant avec son enfant puisque nous n’avons aucun repère de par notre éducation.
Vous avez très bien fait de raconter cette scène à votre fils, cela lui permettra sans doute de voir que ce n’est pas lui qui est « peureux » mais que cette peur a une histoire. Bravo pour votre honnêteté envers lui. BO
Chère Brigitte,
Je me permets de venir vous déranger encore une fois.Hier soir, mon fils m’a dit : » ça m’a fait du bien qu’on parle ensemble. Ma tête elle avait oublié mais mon corps, quand on crie, il a peur qu’on le tue. C’est vrai tu sais. » C’était douloureux à entendre et en même temps je me suis sentie soulagée. J’ai pris son ressenti très au sérieux. Ma thérapeute m’aurait répondu qu’il exagérait, qu’un enfant ne sait pas ce que c’est que la mort, etc… Moi je sais qu’il a raison, parce que je l’ai vécu. Et je me sens soulagée parce que maintenant, je ne serai plus jamais cette mère là et je ne ferai plus jamais peur à mon enfant. Jamais Merci à vous de me lire. Ici je me sens vraiment entendue. Je ne doute plus de mes ressentis ni de ceux de mon fils. Bien cordialement