La haine dans les yeux d’une mère
Friday 13 November 2009
Alice, Brigitte
La mère tient le bébé dans ses bras. Une toute petite fille
Soudain, d’une voix glaciale et grave, la mère dit à la petite fille: « je vais te tuer, je vais te tuer ».
Rien ne se passe durant un bref temps, la petite fille ne comprenant pas le sens des paroles. Puis, la petite fille croise le regard de sa mère et ce qu’elle voit la glace d’épouvante. Elle se met alors à hurler de terreur.
Elle ne le sais pas encore, mais ce qu’elle voit dans les yeux de sa mère est l’expression pure de la haine ; la haine que cette femme projette sur elle, sa petite fille. Elle hurle, hurle, hurle le corps tremblant. Elle voudrait s’échapper de ces bras qui la maintiennent
La mère, après un moment prend, conscience du monde qui l’entoure
Aussi, d’une voix faussement gentille, dit-elle à sa petite fille : « ne pleure pas, ne pleure pas, je suis là ».
Mais la petite fille ne se sent pas rassurée : les bras qui l’enserrent sont si durs, le corps de la mère si froid et son regard sans la moindre expression de douceur ou de joie. La petite fille perçoit toute la violence contenue et la haine tapie derrières ces paroles doucereuses.
Elle pressent un immense danger, le souffle glacial de la mort frôle son petit corps emprisonné dans cette prision duquelle elle ne peut s’échapper. Aucun mot ne peut sortir de sa petite bouche, elle n’a pas encore la possibilité de parler. Tout se joue dans son corps, dans son esprit. Elle a peur, si peur et se sent si seule. Son père est mort, il ne peut rien pour elle. L’aurait il fait d’ailleurs ?
Alors – tout doucement – elle cesse d’exister et se coupe de toute sensation. Elle n’est plus que poupée de chiffon dans les bras de sa mère.
Instinct de survie ? Ou bien attend-elle la mort ?
Et durant toute son enfance la même question emplie de désespoir – qu’elle essaiera d’étouffer de toute ses forces – dansera dans son corps et son esprit : à quoi bon vivre ? Pour qui ? Pour quoi ? Quand une petite fille n’a pas d’importance aux yeux de sa mère, quand celle ci rêve de la voir morte, la vie a t’elle un sens ?
Sans vos livre, Alice, je pense que je n’aurais jamais pu découvrir cette vérité et je n’aurais pas compris pourquoi, parfois, je ne peux pas sortir de chez moi. Pourquoi mon corps de dérobe sous mes pas, pourquoi les foules me font si peur, pourquoi j’ai si peur de mourir, là, brutalement sur le trottoir, pourquoi mon corps – cet inconnu – qui se réveille à la vie, aux sensations, me fait peur.
Cette terreur est encore très présente dans ma vie de tous les jours, je suppose qu’il faut du temps. Je la travaille avec ma thérapeute et je mesure combien il est doux et rassurant d’être tenue dans des bras bienveillants. Je me fais penser à ces gens victimes d’accidents graves qui doivent réapprendre à manger, à marcher, à parler. Moi je réapprends à sentir mon corps et à ne plus avoir peur des « signes » qu’ils m’envoient. Je réchauffe chacun de mes membres petits à petits, membres que j’avais « glacifié » pour ne plus sentir la douleur.
Je voudrais croire aujourd’hui que je peux être heureuse malgré mon enfance et mon incapacité, jusqu’à ce jour, à m’entourer de l’amour d’un homme. Mais c’est dur, parfois je me sens découragée, emplie de désespoir. Je ne sais pas comment on fait…
Merci à vous
Bien chaleureusement,
AM: J’étais très impressionnée par votre image de l’enfant dans les bras de sa mère haïssante. C’est tellement vrai. Le bébé ressent les émotions de sa mère avant même qu’il ne comprenne les mots. Il y a 10 ans j’ai dit à une petite fille de 3 semaines: Tu es très belle. Ella a souri. Alors j’ai répété cette phrase dans une autre langue, la réaction était la même. J’ai répété la même chose dans 4 autres langues et elle a répondu à chaque fois de la même façon.
Ensuite sa mère m’a raconté une histoire désagréable et là, la petite fille s’est mise à pleurer. Cela m’a montré comment l’enfant peut comprendre l’hostilité de sa mère bien avant qu’il ne comprenne les mots. Vous écrivez: « Je réchauffe chacun de mes membres petits à petits, membres que j’avais « glacifié » pour ne plus sentir la douleur ». Je suis sure que c’est la meilleure chose que vous pouvez faire pour aider et aimer la petite fille qui n’était pas aimée par sa mère. Elle vous comprendra!!!
Réponse de Brigitte :
Vous avez si bien décrit l’incompréhension puis la terreur et la confusion de cette enfant qui voit la haine dans les yeux de sa mère et vit l’insécurité dans ses mains devenues menaçantes. Tout à coup elle devient la proie de tous les dangers et plus rien désormais ne peut enlever cette image qu’elle aura enregistrée définitivement dans son cerveau. A tout jamais elle peut se terrer dans l’isolement par la peur de mourir si elle s’expose aux autres, sa vie toute entière peut basculer dans une profonde solitude qu’elle trouvera plus sécurisante qu’être en relation avec le monde.
Cette petite fille a besoin d’être prise par la main avec toutes les précautions et énormément de douceur pour qu’elle puisse récupérer la sécurité que l’on a tuée chez elle, VOUS SEULE pouvez lui donner tout cet amour et cette confiance pour qu’elle puisse enfin VIVRE au grand jour. BO