Le chemin vers l’enfant que nous étions
Tuesday 25 April 2006
Bonjour Alice Miller,
Je lis actuellement votre livre ‘l’enfant sous terreur’ sur les conseils de mon thérapeute…
J’ai commencé cette lecture il y a quelques mois, j’ai avalé une centaine de pages d’un seul coup, lecture qui a été suivi d’angoisses telles que j’ai renoncé à continuer … puis il y a 2 jours, j’ai continué cette lecture me décidant de nouveau à me replonger dans mes souffrances … et je sors d’une nuit d’insomnie. Hier soir, en me replaçant dans mon enfance, et notamment à mon année des 4 ans pour laquelle je ne me souviens de rien, me sont venus des mots terribles exprimant ma situation à cet age, mots dont je ne comprends pas encore le sens … mais qui m’ont poursuivis toute la nuit …
Je suis allée voir un thérapeute il y a quelques mois suite à l’invitation de mon ami d’avoir des enfants ensemble … et aux symptomes d’angoisses qui s’en sont suivi … j’avais une peur incrontrolée de ne pas être capable d’aimer mes enfant, de ne pas être capable d’être mère, je me voyais même les battre …
Mon thérapeute m’aide à retrouver la petite fille en moi, ses angoisses, ses peurs. Je revis ces traumatismes uns par uns me plongeant dans la douleur des angoisses symptomatiques et me libérant dans le même temps.
Et je VEUT retrouver cette petite fille pour porter enfin le deuil de ces tortures psychiques et physiques que je subissais de la part d’une mère incestueuse qui n’a eu de cesse de projeter sa souffrance sur moi, de m’utiliser et de m’imposer un rôle unique de guérisseur de ses souffrances, rôle que je lui offrais en sacrifice pour tenter de préserver son amour envers moi.
Ce travail m’a déja permis de me réconcilier avec mon instinct maternel, mon envie d’enfant est à présent bien la et mes peurs de reproduire inéluctablement ce que j’ai vécu ont totalement disparu. Ce travail m’apporte également, à ma grande surprise, une tolérance accrue aux souffrances des autres.
Mais le travail n’est pas terminé, mes réactions à votre livre me le rappelle, j’ai encore des vérités refoulées à me faire éclater …
Et maintenant, quand je me trompe (ce qui m’arrive fréquemment) sur le titre de votre livre et que je l’appelle ‘l’enfant terreur’, je commence à comprendre …
Merci de me donner des insomnies.
Merci de prendre le temps de me lire.
SD
Réponse de Brigitte.
La vive réaction de votre corps à la lecture du livre montre bien que votre mémoire inconsciente a été réveillée. Il n’est pas rare de commencer un livre d’Alice Miller et de le poser quelque temps avant de le reprendre parce que nous ne sommes pas habitués à lire autant de vérité avec tant de limpidité.
Tout le monde peut se retrouver dans ces récits parce que c’est l’histoire de chacun d’entre nous que l’on a refoulé ou pas et c’est pourquoi notre inconscient peut faire fortement barrage à ne pas lire ces ouvrages pour maintenir le déni et ne pas sentir les souffrances du passé.
Votre persévérance à voir la vérité de votre enfance malgré toutes les douleurs que vous traversez pour y accéder, vous amènera pas à pas vers cette petite fille que vous recherchez. C’est vrai qu’il est douloureux de voir et de sentir combien nous avons été abusé, manipulé, utilisé mais cette douleur ne dure pas à partir du moment où on l’exprime et l’accepte, elle nous permet aussi de retrouver de la compassion envers nous même qui va énormément nous servir pour ne plus se laisser maltraiter.
Retrouver sa capacité à désirer un enfant et à l’aimer se fait au prix d’ouvrir les yeux sur la réalité de son enfance pour s’approprier de nouveaux repères et donner un vrai sens au mot amour. Il est tout à fait compréhensible de ne pas désirer d’enfant quand nous avons grandi nous même aux côtés de parents totalement incompétents.
C’est pourquoi en vous approchant toujours plus de vous même, le lien mère enfant sera inévitablement plus naturel parce que vous connaîtrez vos émotions sans les craindre, votre compréhension et votre compassion créera un beau lien de confiance avec votre future progéniture.
Votre témoignage est plein d’espoir pour tout ceux qui sont sur le chemin de la vérité.
Bonne continuation, Brigitte