Une vie de souffrance

Une vie de souffrance
Monday 07 August 2006

Bonjour,

Je viens de terminer – pour la seconde fois – le livre d’Alice Miller « Notre corps de ment jamais ».
J’ai réalisé à quel point j’ai souffert de maltraitance dans mon enfance et même au-delà.
Pas spécialement des gestes violents, mais tout le reste…

Voici mon histoire :
Je suis le 3ème garçon d’une fratrie de 3 enfants. Mes frères ont 6 et 8 ans de plus que moi.
Avant ma naissance, ma mère racontait à tout le monde : « si c’est encore un garçon je lui mettrai une robe »
Et je me suis entendu appeler « Catherine » ou « Justine ».
Je le vivais très mal, mais jamais je ne me suis rebiffé !
Donc dès avant ma naissance, et a fortiori après, il y a eu la négation de ma virilité.
J’étais un enfant vivant une immense solitude, dépressif, m’enfermant dans les silences, ayant peur de tout.
L’école était un cauchemar. La scolarité fut mauvaise. Et j’abrège car il y a tant de choses à dire.

Mais ce n’est pas tout.
A 10 ans je fus mis à l’internat chez les pères. Je voulais y aller.
A 18 ans je suis entré au couvent.
J’ai donc mis la robe que ma mère voulait me mettre, mais surtout j’ai continué dans la négation de ma virilité.
La mère de substitution, l’Eglise, a simplement continué le travail de destruction commencé par ma mère naturelle.
Je suis resté au couvent 13 ans.
Ceci me ramène à 32 ans.
Autour de la trentaine, j’ai encore une fois entendu ma mère m’appeler « Catherine ».
Et c’est là que j’ai su répondre pour la 1ère fois : « Si j’entends ce mot encore une fois, tu ne me reverras plus jamais ! »

A 32 ans donc, je me suis laissé aller à un simple flirt. (Je suis obligé d’abréger, car il y a un livre à écrire !)
J’étais amoureux mais très vite (au bout de quelques jours) il y a eu rupture de la part de la fille. J’étais brisé.
La plus grande douleur de ma vie. Je porte encore aujourd’hui cela en moi. Je ne souffre plus de cette douleur-là, mais son souvenir me fait encore trembler !
La négation de ma virilité continue.
J’ai quitté le couvent à ce moment-là et j’ai entrepris une analyse. Que je n’ai malheureusement pas su pousser assez loin. Les peurs….
Une 2ème fille est arrivée. Encore platonique. Elle m’a humilié. La négation de ma virilité continue.

A 34 ans j’ai rencontré celle qui est ma femme aujourd’hui.
Elle fut la 1ère à mettre fin à cette spirale infernale.
J’ai vécu avec elle une année fantastique et puis les difficultés « de couple » comme on dit commencèrent.
25 ans de vie sans dialogue et les 10 dernières années d’abstinence sexuelle totale… Je suis encore dans la négation de ma virilité.
Je suis toujours avec elle, car son amour est prodigieux. Nous avons vécu pleine de choses, de découvertes. Nous avons tant de choses à partager.
Et bien sûr, pour tout le monde nous sommes un couple exemplaire….

J’ai craqué.
Il y a 18 mois j’ai entrepris une nouvelle analyse.
Mais cette fois-ci j’ai su parler comme jamais.
Ne connaissant pas la destination de ce témoignage, vous me permettrez de ne pas parler du facteur déclanchant.
Ce n’est que maintenant, il y a 10 jours, que j’ai réussi à parler à ma femme de tout ce qui se passe en moi.
Elle avait déjà ressenti tout cela. Mais n’avait rien de concret.
J’aurai 60 ans dans 3 mois. Ce n’est que maintenant que cela se débloque.
Mais nous vivons dans une incertitude totale.
Nous ne savons pas de quoi demain sera fait.

Ma mère, aujourd’hui, je la hais. Paix à son âme.
Pourquoi m’a-t-elle fait cela ? Elle avait les difficultés de sa vie.
Je peux comprendre plein de choses : les refus à cause du manque d’argent, les préoccupations de toutes sortes qui l’ont rendue moins disponible, etc…
Mais çà non. C’est une faute impardonnable.
Ma vie fut une vie de souffrances à cause de cela. J’ai été en permanence en quête d’amour.
Je n’ai pas réussi à être pleinement heureux. Des petits bonheurs, oui. Mais franchement heureux, non.

Un mot sur mes 2 frères : Ils ont été cassés eux aussi. Différemment. Mais je préfère encore ma vie à la leur.
Quant à mon père, chétif, malingre et inexistant, il a sombré dans l’alcool et est mort il y a 34 ans d’un cancer du foie….

Quelque chose de positif tout de même : j’ai eu beaucoup de satisfactions professionnelles.
Je travaille dans le monde du spectacle vivant et cela m’a aidé à vivre. Mais quel prix j’ai dû payer !
J’ai fait un beau parcours quand on sait que je n’ai commencé qu’à 35 ans !

Voilà.
Ce témoignage ne peut qu’illustrer le livre que je viens de terminer.
Vous pouvez en faire ce que vous estimez être utile.
Mais évidemment, l’anonymat doit être une règle absolue….
Peut-être que même les initiales pourraient être de trop. On peut en mettre d’autres.

Merci de m’avoir lu jusqu’au bout !
Au revoir

AM: Je vous remercie beaucoup pour votre témoignage très important. Il montre comme il est facile d’avoir l’accord d’un enfant, même s’il s’agit de la destruction de son identité. Nous apprenons à dire « OUI », à être gentil(le), pour plaire à nos parents et à Dieu et c’est beaucoup plus tard que nous réalisons le prix que l’on nous a fait payer. Heureusement, vous l’avez compris!