Les besoins primaires d’un enfant

Les besoins primaires d’un enfant
Wednesday 18 October 2006

Mme Miller,

J’ai lu le livre que vous me recommandiez. En effet, plusieurs aspects m’intéressent en rapport avec mon travail d’accompagnement.
On pourrait parler longuement des premiers mois de la vie du bébé !
Cet aspect fait partie de la formation que je donne aux parents pour le post-natal : l’importance du peau-à-peau, le respect des besoins du bébé, y aller selon son rythme, et reconnaître que la gestation du petit se poursuit durant les mois suivant sa naissance.

Des organismes comme l’OMS et l’UNICEF se prononcent en faveur de l’allaitement maternel exclusif et du sommeil partagé (bébé dort dans la même pièce que ses parents) jusqu’à 6 mois : c’est encourageant ! Toutefois, je constate qu’il y a encore des professionnels de la santé et des grands-parents qui conseillent de laisser pleurer le bébé sans le réconforter pour qu’il « apprenne » à faire ses nuits dès 4 mois ! Et d’autres qui gavent les bébés de céréales à 3-4 mois pour la même raison : faire dormir bébé toute la nuit pour que les parents, eux, puissent enfin se reposer !
Une maman me demandait si le fait de porter son bébé (3 mois) dans un porte-bébé n’allait pas créer de la dépendance chez lui plus tard dans la vie… Plusieurs jeunes parents se posent cette question, car bien souvent l’entourage immédiat commente négativement ces marques d’attention.

Au Québec, il existe une ligne téléphonique sans frais ouverte tous les jours, 24hrs/24 (La ligne parents) où on peut parler avec un intervenant lorsqu’on se sent fatigué, dépassé, à bout de souffle. Je dis aux parents qu’ils vivront au moins une fois une situation où ils se sentiront épuisés et impuissants face aux pleurs de l’enfant, malgré l’amour qu’ils lui portent et que ce bébé était ardemment désiré.

Dans la cadre de ma pratique, je fais aussi de la prévention pour ce qui concerne la dépression post-partum. Une femme sur en huit en souffre durant la première année de vie du bébé, c’est beaucoup. Certaines sont plus à risque que d’autres, mais les risques ne sont pas une fatalité. Une maman que j’ai accompagnée récemment a pu, dans nos conversations, identifier des risques et prendre des mesures pour éviter de vivre une dépression suite à la naissance de son bébé (comme sa propre mère). Son bébé a maintenant 5 mois et, malgré la fatigue attendue, elle ne souffre pas de dépression jusqu’à maintenant et elle est heureuse.

J’ai le privilège de rencontrer les parents chez eux pour la formation prénatale – ce que le personnel hospitalier n’a pas.
Saviez-vous que les enfants ont la mémoire consciente de leur naissance jusque vers 3 ans ? Ils peuvent nous la raconter, généralement à partir de 2 ans alors qu’ils verbalisent davantage. C’est fascinant ! Je l’ai expérimenté avec mon fils, et j’ai reçu des témoignages éloquents de parents et grands-parents qui ont questionné leurs enfants et petits-enfants.

Je demande toujours aux parents, en prénatal, si on leur a raconté leur naissance. La plupart savent l’heure de leur naissance et s’ils sont nés par voie vaginale et césarienne, mais sur le vécu et le ressenti de leurs parents…pas grand chose. Cela ne vous surprendra pas. 🙂

Une dame de 62 ans que je connais bien, déjà grand-maman, me parlais de sa fille qui avait vécu des difficultés depuis sa 1ere grossesse : alors que sa petite avait 2 ans, elle fut diagostiquée pour un post-partum sévère. Je me demandais pourquoi cette dame, pourtant si gentille, informée et cultivée, n’avait rien vu … Eh bien cette dame me confia souffrir de dépression de façon intermittente depuis plusieurs années. Elle vécut de la violence dans son enfance, et je soupçonne même de l’abus sexuel. Elle n’a rien vu de la souffrance de sa propre fille, ou n’a voulu rien voir – le déni- ce qui l’aurait amené à une sorte d’échec personnel, car elle a toujours voulu éviter à ses enfants ce qu’elle a vécu.
Cette dame, correctrice-réviseure et écrivaine, « pardonne » encore à ses parents dans son dernier recueil de nouvelles…

Je tiens à préciser que je ne suis pas psychothérapeute. Si je soupçonne des difficultés dans le cadre de mes suivis, je réfère toujours à des gens formés et compétents.

Merci beaucoup de me lire. Je suis privilégiée que vous ayiez répondu à mon 1er courriel, vous devez être très occupée.
Bien à vous,
D.G.

Réponse de Brigitte:
Vous faites un travail formidable et très important compte tenu des carences affectives que l’on a vécues enfant et qui nous entraînent dans l’incapacité de devenir un parent compréhensif, attentionné et compatissant avec nos propres enfants.
Le sens des affects ne peut s’acquérir qu’en l’ayant reçu depuis notre existence dans le ventre d’une mère chaleureuse, dans le cas inverse on peut aussi se l’approprier en sentant que nous avons souffert de pas avoir reçu cette nourriture essentielle à notre vie.
C’est seulement en touchant à ses manques que nous pouvons offrir sainement à nos enfants ce dont ils ont besoin pour qu’ils puissent être libres d’appréhender la vie. Sinon, nous répétons inlassablement ce que l’on nous a donné en étant persuadé que nous avons reçu le meilleur. Cet affrontement entre ce que nous avons reçu et les informations que nous diffusons sur l’importance de la proximité avec l’enfant créent énormément de doutes et de peurs.
En reconnaissant qu’il est indispensable pour le bon développement de l’enfant d’être un parent conscient de la nécessité des affects, nous devons nous confronter à la réalité de notre enfance carencée. Plutôt que de sentir cette terrible douleur, nous préférons rester dans le déni de notre passé tourmenté pour continuer à protéger nos parents.
En restant lucide sur les besoins primaires d’un enfant comme vous le faites, vous valez mieux que des thérapeutes qui sont encore dans le déni de leur propre enfance.
Felicitations pour votre courage.
Cordialement, BO