Le chemin pour naître à la vie
Friday 28 December 2007
Bonjour,
que c’est long le chemin vers la vérité….en tout cas pour moi ! J’ai 40 ans aujourd’hui et j’ai deux garçons de 14 et 17 ans. Quand j’avais 28 ans, au moment de la séparation d’avec mon ex-mari, mon corps a déclenché une polyarthritre rhumatoïde .
J’étais soignée pendant 4 ans, mais cela ne changeait rien du tout. Puis un jour de chance, je suis tombée sur un bouquin, où l’auteure affirmait que toutes les inflammations ,dont la polyarthrite fait partie ,sont des signaux de notre corps. C’est le feu à l’intérieur, mais qui ne peut pas sortir….des colères rentrées. J’ai tout de suite sentie comme cette phrase était juste. Cela faisait résonner quelque chose en moi .
Alors j’ai décidé à 32 ans d’arrêter mon traitement et de prendre ma vie en main.
Mais il m’a fallu longtemps pour vraiment comprendre à qui était adressé cette colère à l’intérieure de moi, cette rage immense et cela me faisait peur. J’ai toujours été une personne très calme, très gentille, très « zen » . J’avais l’impression de ne pas avoir été battue , à part peut-être 1 ou 2 fois……même si les relations avec mes parents et surtout ma mère ont toujours été très difficiles . Je ne comprennais pas, car je n’étais jamais en colère…….ah si, à 3 ou 4 reprises, ce sont mes garçons qui vers l’âge de 4 et 7 ans ont payé les frais de ma « gentillesse ». Excédée, je rentrais dans un état second, hors de moi, comme une furie, j’ai frappé mes garçons, j’ai enfermé l’aînée sur le balcon et là, j’ai eu un déclic. J’ai vu sa détresse….il était terrorisé, deséspéré…….C’était insoutenable pour moi de voir sa détresse et son incompréhension, alors que j’ai toujours été une « gentille maman » , qui était contre les fessées, les tappes et toute forme de violence.
Je me suis excusée auprès d’eux et je leur ai fait la promesse de ne plus jamais les frapper …..et j’ai tenu ma promesse .
Et j’ai compris que j’ai souvent été à la place de mon petit garçon, toute mon enfance et même pendant mon adolescence, j’ai du supporter les crises d’hystérie de ma mère . C’est vrai, que ce n’était pas tous les jours, mais c’est presque pire, car les autres jours, je devais montrer à ma mère que je l’aimais…..et elle m’a souvent reproché de ne pas l’aimer……et mon père ne faisait rien pour nous protèger, ma soeur et moi . Pendant toute mon enfance j’ai entendu des critiques, des humiliations, des cris, des hurlements, je n’ai vu que torture et violence….j’étais dans une souffrance insoutenable . Je suis devenue insensible à la douleur , j’ai renoncé à la colère et je me suis efforcée à devenir quelqu’un de gentil, qui ne fait de mal à personne. Aussitôt le bac en poche, je suis partie de la maison . J’ai même quitté mon pays , l’Allemagne, mes amis, pour ne plus jamais entendre ces cris et ces hurlements……..mais ça ne marche pas . Même si la tête veut oublier, le corps n’oublie jamais toutes cette souffrance endurée .
Après ma prise de conscience et la lecture de vos livres, j’ai eu le courage d’écrire une lettre à ma mère. La réponse n’était que incompréhension et reproches………j’étais » ingrate, égoîste, fainéante, tête de mule……Pendant toute mon enfance j’aurais tyrannisé toute la famille et piétinner sur les émotions des autres… »
A l’époque je me sentais encore très fragile et surtout très coupable. J’avais des doutes………Mais les inflammations ont peu à peu disparu. J’étais contente…..et j’ai commencé à suivre une thérapie.
Depuis je voyais mes parents tous les deux ans……..mais à chaque fois, cela me rendait malade. Je les ai vu cet été pendant une semaine et j’ai demandé à ma mère de me raconter ma naissance, mon enfance….car je ne sais rien , et elle n’a jamais voulu m’en parler……..alors elle m’a raconté une petite anecdote sympa avec un petit sourire….. »…..quand j’était petite, vers mes 5 ans, ma soeur Katja avait du mal à apprendre à lire et quand me mère la frappait, j’arrivais en courant et je criais : » Nein Mutti, nicht schlagen…..Du hast mir doch versprochen nie mehr zu schlagen….. » » Non maman, pas battre, pas battre, tu m’as promis de ne plus battre » Je n’ai rien dit sur le moment, comme d’habitude, j’ai pris sur moi, j’ai fait semblant d’être la » nette Tochter » « fille gentille » pour que ma mère puisse garder son image de » nette , gute Mutter » « mère gentille » ….Depuis je suis rentrée chez moi et j’ai de nouveau une crise de polyarthrite, alors que je n’avais plus de symptômes depuis plus de 6 ans . Je sais aujourd’hui de quoi mon corps me parle, j’essaie de l’écouter du mieux que je peux……..et j’essaie d’être honnête avec moi-même. Il m’est devenu évident que je n’avais plus du tout envie de faire semblant . J’en ai marre de toute cette hypocrisie . Je me suis dit que je serai heureuse une fois que ma mère sera morte, que je n’ai plus envie de les voir, que je n’ai plus envie de leur parler au téléphone…..Alors je me suis fait un très beau cadeau de Noêl à moi-même . Encore une fois j’ai écrit une lettre à mes parents.Et dans la lettre j’ai glissé les billets, mon cadeau de Noêl de la part de mes parents . Mais cette fois-ci , je suis décidée de ne plus jamais trahir la petite fille que j’étais….J’ai enfin compris tout le mal que ça me fait. Je leur ai dit que j’en ai marre de faire semblant, et que je ne souhaite plus avoir de contacts avec eux, à moins qu’ils
reconnaissent enfin tout ce qu’ils ont fait et toutes les souffrances que j’ai endurées pendant mon enfance .
Je me sens soulagée, un gros poids est tombé…..et je me sens enfin disposée à vraiment m’occuper de la petite fille que j’étais sans me sentir coupable. J’ai trouvé une thérapeute qui n’a pas peur d’entendre cette petite fille, qui n’a pas besoin d’ excuser mes parents…..mais il reste encore beaucoup de chemin à faire.
Mon grand garçon de 17 ans a eu dans son enfances des crises d’asthme…..et depuis 2 ans, il a des maux de tête . J’ai décidé de lui écrire aussi et je lui ai raconté les mauvais traitements qu’il a subi de ma part quand il était un petit garçon …….J’éspère sincèrement que cela puisse l’aider à retrouver ses émotions et souvenirs refoulés et à retrouver sa santé . En tout cas c’est un premier pas pour renouer un lien et pour nous parler sincèrement.
Le cadet va plutôt bien, mais j’ai décidé de lui en parler aussi, et que je regrette de ne pas toujours avoir été une maman aimante et respectueuse .
Mes inflammations diminuent….mais n’ont pas encore disparu comlpètement . Je fais confiance à mon corps et je lui demande de m’aider, de me montrer……
Et quand je sens un petit bout de culpabilité monter ( …mes pauvres parents, ils n’ont pas mérité cela, ils ont fait tellement de choses pour moi etc.), je prends un de vos bouquin et je sens cette colère qui monte enfin. Je leur en veux vraiment , non seulement d’avoir gâché une grande partie de ma vie, mais aussi à travers moi une partie de la vie de mes garçons . J’éspère que ce sera plus facile pour eux ….
Je regrette de ne pas avoir vu plus clair avant d’avoir mes garçons . Tout est resté refoulé pendant des années.
Je vous en suis très reconnaissante,
AM: Il est vrai qu’il est peut être très long ce chemin vers la vérité mais une fois que vous y êtes, vous pouvez en constater les avantages, alors il n’y a plus de danger de les perdre. Il est formidable que la petite fillette, toujours calme, gentille, Zen, ait trouvé sa vraie voie, sa rage, plus que justifiée, et le courage de regarder la vérité en face, malgré une mère sans pitié et même dangereuse. Votre maladie grave était votre sauveur, votre corps vous informe chaque fois quand vous êtes en danger de vous trahir. Merci beaucoup de nous avoir écrit, c’est exactement comme ça que la thérapie marche.
Réponse de Brigitte:
Votre témoignage est le reflet même de tous les écrits d’Alice Miller que vous avez su mettre à profit pour sauver votre vie des douleurs atroces de votre maladie. Je suis admirative de votre courage et de la conviction dont vous avez fait preuve pour écouter et croire aux capacités de votre corps qui vous ont enfin libérée de tant de souffrance.
Heureusement que vous avez osé regarder la détresse de vos enfants que vous terrorisiez et que dans ce regard vous avez pu rencontrer la petite fille battue de jadis que vous étiez. Je vous félicite d’avoir dit la vérité à vos enfants, maintenant ils sont libres de vivre leurs vraies émotions vis à vis de vous et de ne plus rester dans le mensonge et la confusion des sentiments.
Avec tout le respect, la compréhension, la compassion et la fidélité que vous portez à cette ex petite fille que vous étiez, vous continuerez sans aucun doute votre route avec l’allégresse d’un corps apaisé. BO