Un processus de guérison

Un processus de guérison
Saturday 22 March 2008

Chère Brigitte,

Je viens de lire la réponse intéressante que vous avez donnée à “l’enfermement en 3 leçons”.
Depuis le 4 septembre je vous écris régulièrement et vous m’avez aidée à trouver une sérénité que je n’avais jamais connue.
Je suis d’accord avec vous quand vous dites que nous n’avons jamais fini une thérapie et qu’un évènement
peut déclencher des émotions enfouies.
Je n’ai pas eu l’occasion de vous parler du point de départ de mes émotions violentes:
En mai,j’ai appris que mon fils unique allait être papa ,jusqu’en juillet nous pensions,confortés par le gynéco que ce serait un garçon. J’étais heureuse, je m’imaginais le serrant dans mes bras. Ce bonheur m’aidait à supporter mes douleurs invalidantes du dos. Le 17 Juillet nous apprenons que ce serait une fille. Et là mes angoisses ont commencé,il m’était impossible de m’imaginer la prendre dans mes bras. Je me réveillais la nuit tourmentée,je disais à mon mari en pleurant: “je ne pourrai pas la prendre dans mes bras, j’ai peur de lui faire du mal”. De là tout le mal que ma mère m’a fait est remonté à la surface avec violence. J’ai lutté au départ, j’essayais de me raisonner mais c’était si fort que j’ai été obligée , guidée “par mon instinct de survie” de rompre complètement avec ma mère en aout ,rupture qui a pu se faire grace à vous. Je pense que pendant ma toute petite enfance, ma mère a eu un comportement ambigu et dangereux pour que la naissance de ma petite fille m’ait mis dans un tel état de souffrance.
Je ne connais qu’un seul évènement, le reste doit être inconscient,: à l’âge de deux ans une petite barrière que mon père avait installée devant la porte d’entrée qui donnait directement sur des escaliers raides ,trés dangereux n’avait pas été verrouillée .J’avais un jeu qui consistait à courir du fond du couloir et à venir taper contre la barrière. Ce jour là j’ai donc fait un vol plané au dessus des escaliers:Je me serais écrasée ,mais mon père miraculeusement a compris ce qui se passait et du fond du jardin a couru sans avoir eu le temps de lâcher l’arrosoir et m’a sauvé la vie.Il n’a jamais pu expliquer comment en si peu de temps il avait parcouru une distance aussi longue. Ma mère qui était dans la maison à ce moment là et qui aurait du me surveiller a toujours dit que le responsable de cet incident était mon cousin de 7 ans qui avait oublié de fermer la petite barrière.
Jusqu’en Aout je croyais à sa version : mais maintenant je sais qu’elle était, elle seule ,responsable de ce qui s’était passé. Une autre ambivalence de sa part: en tunisie mon père avait été muté dans une petite ville où il y avait peu de français.J’avais 7 ans et demi , elle m’avait punie et fait surveiller dans la cour de récré par mon père parceque j’avais dit qu’un petit garçon me trouvait belle . Mais à côté de cette attitude soit disant protectrice, elle m’envoyait le jeudi faire des courses toute seule dans un quartier dangereux où il n’y avait que des hommes qui avaient la haine des français .Mon père l’ayant appris m’avait interdit d’y retourner…..A l’adolescence, elle me faisait vivre le calvaire , s’enrageant lorsque je parlais à un garçon de mon âge, mais quand j’ai été violée à l’âge de 15 ans, elle n’ a pas réagi contre mon agresseur.Elle a osé me dire qu’elle n’a rien fait contre lui parce que je lui avais demandé de ne rien faire et qu’elle avait voulu respecter ma décision. Je dois en plus entendre que c’est par respect qu’elle n’a rien dit. Comment peut on laisser décider une adolescente de 15 ans ,détruite par ce qui lui est arrivé.?
Je crois que la naissance de ma petite fille m’a permis de prendre conscience des désirs de mort inconscients
de ma mère à mon égard. Je me suis toujours sentie en danger quand j’étais seule avec elle.
Mes tourments du mois de juillet m’ont petit à petit amenée à cette prise de conscience .
La découverte des livres d’Alice Miller , vos réponses à mes courriers m’ont permis de supporter ce douloureux
surgissement brutal de la réalité de ma mère.
Oui, vous avez raison, on n’a jamais fini sa thérapie…
Merci pour tout.
Je vous embrasse toutes les deux.
PS:ma petite fille a trois mois ,elle est superbe et j’ai beaucoup de bonheur à la serrer dans mes bras.
Les tourments sont un lointain souvenir.

Réponse de Brigitte:

Oui c’est exactement ça, les situations du présent réveillent la mémoire de ce que nous avons vécu dans le passé.
A la découverte du sexe de votre petite fille, vos paroles ont été: “je ne pourrai pas la prendre dans mes bras, j’ai peur de lui faire du mal”. Vous pouvez tout à fait voir dans cette angoisse, combien vous avez eu mal vous aussi par les gestes maladroits de votre mère à votre propre naissance qui ont dû vous mettre dans l’angoisse d’être touchée ensuite par elle.
La mémoire du bébé que vous étiez jadis, s’est réveillée à cet instant par cette idée de devoir prendre votre petite fille dans vos bras. Et si vous osez mettre votre angoisse au service de votre mémoire dès qu’elle apparaît, alors elle n’aura plus lieu de vous parasiter dans votre relation avec votre petite fille. Bravo à vous. BO