J’ai peur de reproduire
Friday 22 August 2008
Madame,
J’ai 36 ans, maman de 2 enfants (7 et 10 ans). Mon père était alcoolique (ma mère à la limite) et je suis sûre qu’il m’aimait mais maladroitement (il a appris très tard que celui qui l’avait élevé et donné son nom n’était pas son père : dur à digérer). Il s’est suicidé 15 jours avant ses 30 ans (quelques jours avant mon entrée en CP). Avant d’en arriver là, il y eu beaucoup de déchirements et de souffrance pour tout le monde. Jusqu’à ce que je fête mes 30 ans je pensai que je n’y arriverai pas. Une part infime (émotionnelle) de moi croit encore que le suicide est une maladie héréditaire !
Ma mère s’est remariée très rapidement et a eu un enfant avec ce nouvel homme. Il nous a adopté (mon petit frère et moi). Il n’a pas été mieux ! Il nous a élevé dans l’humiliation et les coups (surtout pour mon frère). Dès qu’il le pouvait j’avais le droit à « t’es nulle, t’es con, t’es moche, t’arriveras à rien dans la vie » (dans le désordre). Alors moi avec mes enfants, je les porte autant que je peux. J’essaie d’être présente. Certains disent que je suis une mère poule (je ne le crois pas). J’essaie de les valoriser de mon mieux tout en étant exigeante et essayant d’être le plus juste possible. Je suis à l’affût du moindre signe qui pourrait laisser transparaître un mal être. Je commence à leur faire prendre conscience qu’un simple mal de ventre ou de tête est un message de leur corps pour leur signifier que quelque chose ne va pas. Etc.
Il y a presque 15 ans que j’ai coupé les ponts avec ma mère et son mari. Dès le départ, j’ai dit que c’était pour me réparer, que je verrai ensuite. Je les ai aperçu au mariage de mon petit frère. Rien. Quelques mois après, je me suis rendue avec ma fille (âgée de 1 an) au travail de ma mère pour aller manger avec elle. J’avais besoin d’une piqûre de rappel ! Constater que rien n’avait changé. Effectivement, cela n’a rien changé. Pas plus de nouvelle alors que nous avions passé un moment agréable, comme si de rien n’était. Depuis, il y a eu plusieurs lettres laissées sans réponse, même pas de la révolte, de la colère, de l’incompréhension, non. RIEN. Comment est-ce possible. Si je devais en arriver là avec l’un de mes enfants, j’en mourrai !
Je vie dans le passé, dans le futur mais ne parviens pas à être dans le présent.
Durant mes grossesses, et quelques coups durs dus à la vie, j’ai ressenti le besoin d’avoir une maman : mais pas la mienne !!!
Pendant des années j’ai pris des anti dépresseurs. (Par période car mon mal être était trop insupportable). Tout en étant contre. Alors dès que le mieux apparaissait : j’arrêtai ! ERREUR. C’était pire après !
Il y a 3 ans, j’ai constaté que mes périodes de mal être, voir d’hystérie correspondait à un certain endroit de ma plaquette de pilule contraceptive. J’en ai parlé à ma gynécologue qui m’a dit que cela s’appelait le syndrome prémenstruel. Que je ne devais pas culpabiliser. Sauf que dans ces moments là, il m’était difficile de me contrôler. Je criais beaucoup. J’étais consciente de ce que pouvait ressentir mes enfants sans rien pouvoir y faire. J’étais en détresse.
Il y a 1 ½ an, ma gynécologue m’a prescrit un nouveau traitement hormonal : le dosage est le même tout les jours du mois : JE REVIS ! Le soulagement !
Les médecins, plus ou moins au courant de mon histoire, ne tenaient pas compte de mon organisme et de ma détresse (ils ne faisaient que constater). Pour eux, j’étais névrosée ! Ils n’ont pas cherché plus loin.
Je viens de terminer la lecture de votre ouvrage « Ta vie enfin sauvée » (conseillé par ma psychothérapeute) ainsi que « Libre de savoir ».
Je suis quelque peu perturbée. Je ne sais que penser. En effet, j’ai très tôt pris conscience de la maltraitance dont j’ai été victime. Mon leitmotiv est, depuis très jeune (j’ai entamé une psychothérapie vers l’âge de 21 ans, je savais que le décès prochain de ma grand-mère serait la goutte d’eau. La souffrance de trop. Je devais prendre les choses en main pour ne pas me perdre) « NE PAS REPRODUIRE ». Pour rien au monde je ne voulais faire subir à mes futurs enfants ce que j’ai subi. Je désirai (et le désire toujours) : Ne pas les perdre, les armer pour affronter la vie, être une bonne mère. Pourtant à la lecture de vos livres, j’ai l’impression que malgré mes efforts, ma conscience des évènements je ne pourrai parvenir à mes fins. Ce qui me perturbe ainsi ce sont les extraits du journal d’une mère à la fin de « TA VIE ENFIN SAUVEE ». Cette maman, consciente de son fardeau, de son histoire, qui veut être tellement à l’opposé de la mère qu’elle a eu, perd sa fille. Depuis toujours, j’ai le sentiment que ma présence sur terre n’a pour autre but que de donner la vie à mes enfants et de les préparer pour la VIE. Qu’ils soient heureux et équilibrés. Mon ambition, mon but dans la vie est celui-ci. Comme si c’était ma mission : avoir ces enfants là et les aimer car ils ont quelque chose à accomplir. Je suis dans le doute. Je me dis que tout ce travail que je fais sur moi pour me réparer (qui est souvent douloureux) ne va peut-être servir à rien et j’ai du mal à l’accepter.
Je vous remercie d’avoir pris le temps de me lire.
Je vous souhaite de recevoir beaucoup d’amour.
Réponse de Brigitte:
Vous n’avez pas de raison de reproduire si vous avez senti que les traitements qui vous ont été infligés par vos parents et votre beau-père ensuite vous ont cruellement fait souffrir. Si votre rage refoulée de jadis contre vos bourreaux est exprimée, CONTRE EUX, quand vous vous retrouvez en situation d’impuissance aujourd’hui, vos enfants ne risquent pas de recevoir ce qui appartient à vos bourreaux. Étant donné que vous êtes consciente des conséquences des mauvais traitements, vous pourrez toujours réparer avec honnêteté les moments où vous n’avez pas été juste avec vos enfants. BO