La force de survie d’un enfant

La force de survie d’un enfant
Thursday 14 February 2008

J’avais huit ans lorsque la psy dit à ma mère « Je vais vous proposer une solution car deux Laura vous ne voulez pas, hein? ». Par cette phrase elle me condamna à deux ans d’enfermement dans un institut. C’est vrai je n’étais pas un enfant « sage », ou du moins je ne correspondais pas à ce que ma mère aurait voulu que je sois. J’avais des troubles du comportement alimentaire et personne n’a jamais su pourquoi, je répondais, j’étais jalouse de ma petite soeur. Ma petite soeur, c’était donc pour la protéger de moi qu’on allait m’abandonner dans ce sale institut, il ne fallait pas qu’elle suive mon exemple, j’étais coupable, j’allais détruire ma famille. Ce sont ces arguments qui ont poussé mes parents à m’inscrire à l’institut à 110 Km de chez moi. J’aurais voulu tout faire pour me racheter mais ma mère me fit comprendre que de toute façon c’était trop tard, dans quelques mois je partirais là bas, loin de ma famille, loin de mes amis avec pour m’éduquer des gens qui avaient « des méthodes ».

Mes derniers mois de liberté, d’enfance ne furent qu’un long couloir au bout duquel j’entrevoyais l’Institut, la prison. Les larmes, les prières, les menaces de me laisser mourir de faim ni firent rien, ce jour de Juillet 1997, mes parents m’amenèrent à l’Institut ou j’allais rester au moins deux ans. Deux ans c’est long, surtout quand on a huit ans. Durant ce mois de Juillet, nous n’avions pas de cours, juste des jeux et des siestes, je n’avais aucune envie de jouer à leurs jeux, la seule chose qu’on avait essayer de faire rentrer dans mon cerveau c’était l’idée que j’étais un monstre, qu’il fallait que je m’ »améliore », et que si je pleurais c’était parce que je faisais « un gros caprice ». Etait ce pour nous faire oublier tout ce que nous disait le directeur qu’on nous faisait courir après des je-ne-sais-quoi , sans but? Sur moi, en tout cas leurs méthodes ne marchaient pas, des jeux, des siestes, des averses de punitions, j’étais bien décidée à rester moi même, je ne dormais paou en tout cas pas autant que les autres, je repensais à tout ça, pourquoi m’avait on envoyée ici, pourquoi sur mes habits on avait pas écrit mes noms mais le numéro 28, pourquoi un éducateur voulait corriger les fautes sur ma lettre et qu’il ne m’avait même pas dit que « bonjour » ne prenait pas de « d » à la fin? Je deavais vraiment être un monstre pour vivre ça. Je profitais de ces insomnies pour parler au veilleur de nuit, il était gentil, il ne connaissait rien de moi, il ne me jugeait pas. Cependant je compris bien vite qu’il fallait faire attention au moindre mot qui allait sortir de ma bouche, de me méfier de tout le monde, Marie aimait parler au veilleur de nuit, ces camarades la dénoncèrent et elle fut punie. Je ne pouvais faire confiance à personne.

J’ai bien vite oublié que cet institut avait un but pédagogique, pourquoi les éducateurs prenaient ils du plaisir à nous rabaisser? Pourquoi voulait on nous éduquer par la violence, les coups, les punitions, le piquet ? Le directeur avait transformé l’etablissement en maison de redressement, elles n’étaient plus sensées exister alors il fallait les cacher derrière autre chose, des choses comme la psychiatrie, l’idée de venir en aide à des enfants en difficulté. le commune punition était de tourner autour du terrain de foot en courant, devant tout le monde. Il n’y avait jamais de dialogue, juste des punitions, pour un oui, pour un non, nous n’avons appris que ça: respecte le reglement sinon punition oubliant meme à quoi pouvait servir un reglement.

Je rentrais chez mes parents pendant les vacances et un week-end sur deux, je quitter l’enfer de l’institut pour me retrouver avec ceux qui m’y avaient envoyer, eux qui ne trouvaient rien d’autre à dire que « arrete de bouder ça me fout en rogne », ils n’ont jamais rien vu ou rien voulu voir.

En septembre je repartais pour cet institut, on allait surement me forcer à manger, ils étaient sensés avoir des méthodes pour cela. Heuresement, il n’y avait plus de sieste, il y avait les cours, j’étais une élève brillante et je pus faire le cours moyen en une seule année, mon livret scolaire n’a d’ailleurs jamais été rempli pour ces deus année là, mes parents ne virent jamais un cahier ni quoi que ce soit, étrange cet institut !

Mes camarades ne m’appéciaient guère, au début je n’étais pas forcée à manger, à finir mon assiette, j’avais une sorte de régime de faveur., de plus j’étais la plus jeune, je me fis taper, insulter…personne n’écoutait mes plaintes, pour les adultes j’étais coupable, coupable de ne pas manger, coupable d’être malade, ce n’étais qu’une juste punition… tous ces coups, tous ces mots ce n’était que justice à leurs yeux, et moi je n’étais qu’une enfant gatée et capricieuse. La justice d’ailleurs, un drole de concept à l’institut, j’y ai appris la presomption de culpabilité comme dans « l’affaire des marteaux ». Lorsque des marteaux destinés à declencher l’alarme incendie furent volés, le directeur nous réunit tous dans le refectoire afin de trouver et punir les coupables, personne ne dit rien, personne ne se denonça alors petit à petit il fit sortir ceux qui avaient le moins l’air d’être coupable, jusqu’ à en trouver autant que le nombre de marteaux volés. Dites moi ce sont eux les exemples que l’on doit suivre pour notre vie future? Avec des méthodes éducatives pareilles on comprend vite comment on inculque assez de violence à des enfants pour qu’ils deviennent des adultes qui resonneront de la même façon.

Pour ce qui est du forçage à manger, ça a commencé par des pressions, si je ne mangeais pas personne n’allait empecher mes camarades de me battre, une forme de violence indirecte. Puis il y a eu vraiment un forçage pour manger une soupe et ensuite j’ai mangé mais pas avec bonne volonté, simplement parce que je savais de quoi ils étaient capables. J’ai cédé, j’ai mangé mais je suis toujours (et meme encore plus) dégoutée par la nourriture, maintenant il y a un grand nombre d’aliments que je ne mange pas tant ils me degoutent (produits laitiers, viandes, crudités…). On ne peut pas soigner pas la violence.

Au bout de deux longues années je suis sortie, je suis retournée chez mes parents, c’était mieux que l’institut mais j’en voulais à mes parents et j’ai eu beaucoup de mal à retrouver ma place dans ma famille. Et puis, j’avais 10 ans et demi, je rentrais en 5ième dans une classe d’ados et moi je ne connaissais que les murs de l’institut. Quand les filles de mon ages discutaient, je ne comprenais pas, je passais au mieux pour une idiote, alors je me suis isolée. J’avais honte, honte d’avoir mérité ça, honte d’avoir été traitée comme cela, je me sentais depersonnalisée, et on me jugeais coupable, j’avais « bien fait des choses pour le mériter », j’avais envie de me suicider mais je regrettais surtout de ne pas l’avoir fait avant.

Ce mal-etre a duré jusqu’à ce que j’ai mon bac et que j’aille en prépa, j’ai rencontré de nouvelles personnes, petit à petit je leur ai raconté mon histoire, je n’ai pas été jugée coupable mais victime, j’ai essayé de discuter avec des anciens de l’institut, certains pensent comme moi. Comment peut on laisser des adultes traiter des enfants comme ça dans des institutions, je vous parle de 1998, pas du debut du siècle. Je ne suis pas encore remise, le plus étrange, c’est ma peau qui me démange, des plaques rouges à l’entejambe, sur les cuisses, le bas du dos sous les bras, les médecins ont essayé de me soigner mais rien ne marche, je sais bien que tout ça c’est du à l’institut meme si ma mère ne veut pas l’admettre, ça a commencé la bas. Ma mère ne m’écoute toujours pas, elle croit ancore qu’elle a bien fait de m’envoyer la bas, on me prend pour une menteuse, personne ne veut croire tout le mal que ça m’a fait. D’ailleurs meme si elle ne m’a jamais ou presque frappé elle m’en a envoyé des insultes: “méchante, machiavélique, connasse, moins que rien, va te faire soigner, barjo, salope, mais on s’en fiche de toi Laura, tu n’aimes personne…”

Je ne sais pas ce que vous pensez de mon histoire, pour plus de détails contactez moi.

Cordialement
Réponse de Brigitte:
Votre histoire est terrible et bouleversante de sincérité et de souffrance, il n’est pas étonnant que votre corps garde les stigmates des coups sur votre peau. Vos parents sont de la pire espèce et votre volonté à garder la mémoire d’une telle tragédie vous a sans doute sauvé la vie. Vos ressources d’enfant sont surprenantes, elles vous ont permis d’identifier à un si jeune âge les traitements que vous subissiez comme atroces et totalement injustes. L’institut représente deux ans de votre jeune vie, le pire vous le connaissiez sans aucun doute avant cette terrible épreuve. Votre corps n’a pas fini de vous raconter vos meurtrissures, heureusement que vous osez témoigner aujourd’hui de ce passé qui est scandaleusement si récent dans un pays qui se dit civilisé. BO