Sortir du « formatage » de ses parents
Tuesday 17 January 2006
Madame,
Je viens de démarrer la lecture de votre dernier livre « notre corps ne ment jamais », dont le titre m’interpelle au plus profond de moi car je suis en quête depuis plusieurs années de la compréhension des sensations envoyées par ce corps. Ce corps qui m’envoie des angoisses et malaises incoercibles quand je suis en face de mon père ce » bon père de famille » bien sous tout rapport, qui ne boit pas, ne fume plus et ne m’a pas battu (juste quelques fessée » justifiées « )et est donc forcément parfait selon maman. C’est donc un père qu’il m’a fallu aimer contre les messages de mon corps.
Malaises et symptômes plus que vraies maladies heureusement m’ont mise face a mon premier thérapeute il y a 10 ans. C’était une sciatique à répétition très invalidante à 32 ans avec deux enfants… il a bien fallu trouver une solution.
Mes parents m’avaient pourtant toujours soigneusement mise en garde contre tout ce qui tourne autour de la » psy » vécu par eux comme de la manipulation mentale assimilable à la pire des sectes (quel amalgame !) et je ne m’étais donc jamais autorisée à regarder de ce côté là.
Autorisée, oui c’est le mot. Cet acte fut le premier pas de l’affranchissement de leur emprise.
Je suis l’enfant unique d’un couple pour le moins étonnant : une mère déjà âgée (38 ans au moment de ma naissance) ayant perdu sa sœur jumelle à la naissance, et un père de toute évidence traumatisé par ses expériences de guerre au Vietnam et ailleurs.
Ils m’ont tous les deux éduquée pour » mon bien » selon la pédagogie noire que vous décrivez si bien dans vos livre! s. Dans un premier temps, et lors de ma première thérapie j’ai découvert vos écrits qui m’ont donné alors la force d’aller plus loin, et l’impression de comprendre -un peu- l’intense détresse et solitude que je ressentait face à ce couple unis et soudé m’ayant littéralement dressée à penser comme ils voulaient que je pense, opposant leur chantage affectif à toute tentative de rébellion de ma part.
Mais l’édifice de mon enfance a continué de se lézarder. J’ai petit à petit rassemblé les pièces du puzzle de ma mémoire. J’ai choisi » le droit de savoir » en opposition au » formatage » mental de mes parents, et j’ai continué ma route longue et difficile. Et c’est vrai qu’il est extrêmement difficile de remettre ouvertement en cause ses parents dans notre société. Que de jugements, depuis quelques années, n’ais je pas senti à mon égard quand je fais part de mes désaccords avec mes parents!
Aujourd’hui je suis en analyse depuis 3 ans et je fais le bilan suivant : sur un plan physique à 42 ans, je jouis en apparence d’une excellente santé, néanmoins, j’ai subit à 6 ans l’opération d’une hernie (une boule à l’aine gauche) pour le peu surprenante à cet âge ce d’autant plus que j’étais comme dit ma mère une enfant qui pleurait peu…C’est paraît-il quand on crie beaucoup que l’on a une hernie, j’ai donc dû hurler intérieurement…
Au même âge, je suis devenue considérablement myope. Une fatalité puisque ma mère l’était… mais j’ai appris le contraire depuis.
A 12 ans , les boutons ont fleurit sur mon visage pour me couper encore un peu plus de mes relations avec mes petites camarades : lunettes loupe et acnée ne donnent pas une bonne image de soi et n’aident pas à s’ouvrir au autres…qui sont souvent moqueurs.
Puis à 16 ans n’étant toujours pas réglée il a fallu déclencher mon premier cycle de femme par traitement médical. Tout s’est bien passé sauf bien sûr l’aspect douloureux du cycle mais tout cela était normal, et toute femme le subit c’est connu…
Femme oui, mais percluse aussi de symptômes génitaux bizarres, énorme acnée (encore) sur les parties génitales (pas courant), pertes et affections en tout genre ont laissé ma féminité en jachère.
Heureusement un mariage heureux m’a sortie de cette spirale pour me donner deux beaux enfants, mais a quel prix puisque, pas prête à être mère, j’ai subit deux césariennes consécutives pour retard de terme et souffrance fœtale, la vie décidément est difficile à donner quand elle ne vous a pas comblée…
Plusieurs fois et par hasard, le problème de l’inceste ou de l’incestuel on été évoqués, envisagés par les différents thérapeutes que j’ai consulté. Comme une ligne directrice dans tout ce que j’entreprend, cette idée revient régulièrement de façon plus ou moins explicite. La première fois, je n’avais pas compris l’allusion faite avec beaucoup de délicatesse et de subtilité, puis c’est revenu 7 ans plus tard de façon beaucoup plus brutale, et là mon corps a réagit, il s’est tendu, il s’est violemment tétanisé comme pour le refus de l’inacceptable.
J’ai jusqu’à présent retourné cette violence contre moi en me frappant (c’est malheureusement souvent arrivé) la tête contre les murs, en me giflant… J’ai aussi usé de mon pouvoir avec mes enfants (petits) jusqu’à ce que la lecture de vos livres m’aide à dépasser ce comportement malsain à l’égard de mes enfants. Maintenant il n’y a plus de fessées depuis longtemps à la maison, et j’essaye de parler avec eux plutôt que de leur crier ma rage et mon mal être ! Et çà c’est grâce à vous. Merci Madame. Vous m’avez aidée dans mon combat quotidien contre mon père et ses démons.
Mes thérapeutes ont continué ce travail (et c’était pour moi une condition sine qua non qu’elles soient » milleriennes « ) . Aujourd’hui je découvre votre nouveau livre à un moment crucial de mon existence, car je suis face à un mur concernant ces souvenirs d’enfance totalement refoulés, et seul mon corps me signifie que je suis sur la voie de la connaissance de ce que je ne peux (veux ?) pas voir.
Ma mère me dit souvent que j’étais une enfant charmante qui souriait à tout le monde. Puis un jour vers 3 ans , brutalement dit-elle, j’ai arrêté de sourire, je n’ai plus accepté ses câlins et je suis devenue difficile et révoltée. C’est l’époque où ma mère, cédant aux préceptes de la société dentaire a voulu m’empêcher de sucer mon pouce, et pour ce faire, a attaché les manches de mon pyjama pour rendre mon pouce inaccessible… C’est aussi l’époque ou échappant à la surveillance de ma mère quelques instants je suis tombée à la renverse dans un bassin. J’ai cru mourir et j’en garde depuis une grande difficulté à immerger ma tête dans l’eau.
Merci encore madame, de me donner votre éclairage sur ces quelques lignes et continuez votre travail qui nous aide et nous soutient si fort.
C.C
AM: Même si les souvenirs sont encore bloqués par la peur des parents et de leurs punitions, votre corps semble d’être votre meilleur témoin lucide et si vos thérapetes ont le courage de vous encompagner vers votre histoire vous n’avez rien à craindre. La douleur de la vérité st inévitable mais pas eternelle, par contre les maladies créés par le denie sont évitables.
Réponse de Brigitte.
C’est incroyable comme votre mère veut que vous gardiez une image parfaite de votre père, en justifiant son comportement comme nécessaire mais en plus irréprochable. Heureusement que votre corps vous montre la réalité de ce qu’est vraiment cet homme, en réagissant aussi fort en sa présence il vous offre beaucoup d’informations, ne serait-ce que d’ouvrir les yeux sur ce « bon père de famille bien sous tous rapports » qui a cautionné les tortures que votre mère vous a fait subir.
En continuant votre travail thérapeutique, vous trouverez sans doute la force de vous rapprocher de la vérité certainement douloureuse, mais sûrement moins que les angoisses et les malaises que vous vivez en ce moment. Vous ne songerez plus à vous faire mal en retournant cette rage contre vous même car vous n’étiez absolument pas coupable des agissements de vos parents.
Vous pouvez également lire l’article sur les sentiments de culpabilité.
Cordialement Brigitte.