Si jeune et déjà si lucide
Tuesday 25 December 2007
Bonjour,
Voilà un peu plus d’un an que j’ai découvert votre site internet et j’ai aussi lu « Notre corps ne ment jamais ». Vos travaux m’ont beaucoup aidée.
J’ai 22 ans, j’ai un grand frère de 1 an et demi de plus que moi et une petite sœur de 5 ans de moins que moi. J’ai été élevée par une mère qui me paraissait aimante et par un père (militaire de profession) violent, méchant, tyrannique, égocentrique et incapable de se remettre en question. Les seuls souvenirs que j’ai de mon père durant mon enfance sont des souvenirs où il nous grondés en nous hurlant dessus ou en nous frappant (tapes, fessées) mon frère et moi. J’ai un souvenir clair, que j’ai toujours eu en mémoire, où on s’amusait mon frère et moi en se bagarrant et on riait. Mon père est venu dans notre chambre et a tabassé mon frère à coups de poing en lui disant : « Tu vas arrêter de frapper ta sœur? », mon frère lui demandait d’arrêter mais il continuait. Moi j’étais terrifiée et j’avais envie d’expliquer à mon père qu’on était en train de s’amuser et que mon frère n’était pas plus « coupable » que moi, mais j’avais trop peur qu’il me frappe aussi et je n’ai rien dit, il ne m’a pas tapé. Je sais que mon frère a été frappé très violemment d’autres fois. Ma grand-mère a dit qu’elle avait vu mon père donner un coup de pied à mon frère qui l’a fait valser à travers la pièce. Mon frère était hyperactif. A la maternelle il tapait sur les autres enfants, une fois mes parents ont été convoqués par la maîtresse qui leur a dit que mon frère devrait consulter un psy parce qu’il était violent. Je suis quasiment sûre qu’après mes parents ont été encore plus sévère avec lui parce que mes parents sont persuadés, encore aujourd’hui, que les enfants violents il faut les dresser.
Ma mère m’a dit que j’avais beaucoup souffert à ma naissance parce que j’avais fait un nœud autour de mon cou avec le cordon ombilical et que j’étais de couleur violette parce que je ne pouvais pas respirer. D’après elle c’est la seule raison pour laquelle je suis hypersensible. Elle m’a dit que je pleurais toutes les nuits pendant mes 3 premiers mois et qu’après j’ai arrêté, je ne sais pas si c’est normal?
J’étais une enfant sage et ma mère m’a dit que parfois je faisais des crises. J’ai quelques souvenirs de ma première année de maternelle. J’avais une maîtresse méchante et brutale. Je me rappelle que je regardais en pleurant ma mère partir. Ma mère ne me prenait jamais contre elle pour me faire un câlin, elle me tapait elle aussi. Je pense que si j’avais reçu l’amour qu’elle me devait je n’aurais pas autant souffert de cette séparation. La maîtresse punissait ses élèves en les envoyant dans un dortoir. Je me sentais très seule dans cette grande salle sombre mais à l’abri d’une autre punition. Ma maîtresse de CP aussi était sévère. Elle nous punissait en nous envoyant au coin et nous récompensait par un système de bons points (10 bons points = une image à coller sur un cahier). On pouvait perdre des bons points et si on n’avait plus de bons points on devait arracher une image du cahier et la redonner à la maîtresse. Je me souviens d’une fois où on devait croiser les bras sur la table et mettre la tête dans les bras sans faire de bruit parce que la maîtresse s’était absentée quelques instants. Au bout d’un moment tous les élèves ont commencé à faire du bruit et à s’agiter, il n’y a que moi qui suis restée sans bouger, ça montre bien à quel point j’ai été bien dressée à l’obéissance par mes parents. Je suis la seule à ne pas avoir été punie ça m’avait fait très plaisir. Parfois je faisais des crises en classe, je ne m’en souviens plus mais je me rappelle être allée plusieurs fois au coin, ça devait être pour cette raison. En CE1 j’ai eu un maître très gentil, souriant et qui ne me jugeait pas, il me prenait comme j’étais. Il a été un témoin secourable pour moi comme ma grand-mère maternelle qui était très gentille et compréhensible avec mon frère, ma sœur et moi.
De 8 à 10 ans mon frère et moi avons reçus des coups de martinet par ma mère. Et j’ai un souvenir flou où mon père rentre dans la chambre de ma sœur pour lui donner des coups de martinet, elle devait être âgée de 3 à 5 ans seulement. Ma mère décidait tout pour moi, je ne pouvais quasiment jamais faire de choix ou donner mon avis. Elle m’obligeait à faire du sport alors que je n’aimais pas ça surtout que j’avais des difficultés pour me faire des amis alors j’étais souvent rejetée par les autres et donc esseulée. J’ai eu le droit de choisir les sports que je voulais faire à partir de 8 ans mais j’étais obligée d’en faire 3, 2 ou 1 suivant les années. Vu que je ne me sentais jamais bien je changeais souvent de sport. Il y a un sport qu’elle m’a imposait c’est la gymnastique. A 9 ans je me suis fracturée les os de l’avant bras en tombant des barres asymétriques, j’ai eu très peur, j’ai cru que j’allais mourir. J’ai eu deux opérations pour la pose et le retrait des broches dans les deux os de l’avant bras. Après cet accident ma mère m’a autorisée à arrêter la gym, j’étais contente car je n’aimais pas du tout ce sport.
J’ai fait pipi au lit jusqu’à 10 ans, j’en ai beaucoup souffert psychologiquement parce que je trouvais cela injuste, j’avais honte de devoir porter des couches. On m’a fait faire des tests d’urine pour vérifier qu’il n’y avait pas de problèmes et la pédiatre disait que ça passerait avec le temps sans chercher d’autres raisons. J’avais des croûtes dans les cheveux qui me grattaient et là pareil j’ai attendu que ça passe. J’ai eu de l’eczéma et j’en ai eu un peu vers 18 ans maintenant j’ai quelques démangeaisons. J’ai une forte myopie depuis mes 8 ans.
A l’adolescence j’étais très mal dans ma peau, j’étais très timide, taciturne, solitaire, j’ai eu peu d’amis et je n’avais aucune confiance en moi. A 15 ans c’était le pire, les élèves de ma classe se moquaient de moi et j’étais incapable de me défendre, je n’essayais même pas je pensais que ça servirait à rien, je me sentais impuissante comme quand ma mère me fouettait et que je ne pouvais rien faire pour me défendre parce qu’elle était plus forte que moi. Même quand je lui disais « non, non pas ça ! » elle se désistait très rarement. Mais à 15 ans je ne faisais pas le lien entre le présent et mon enfance. Vers 16 ans je ne pensais qu’à me suicider, je pense qu’on peut appeler ça une dépression lorsque notre seul but est de mourir, pourtant personne ne s’en est rendu compte, ni ma famille ni mes copines ni mes professeurs. C’est vrai que j’essayais de le cacher mais je pense que mes parents faisaient semblant de ne pas voir mon mal-être, c’est plus facile de faire comme si tout aller bien ! J’ai redoublé ma classe de première, j’avais déjà commencé à avoir des difficultés en seconde alors que j’avais toujours bien travaillé. Je n’étais plus motivée, je me trouvais trop nulle pour y arriver et j’avais d’autres choses en tête. Je suis phobique sociale depuis mon adolescence, j’ai très peur des gens qui me connaissent parce qu’ils connaissent aussi mes faiblesses, j’ai moins peur des gens qui ne me connaissent pas. J’ai beaucoup de mal à m’ouvrir au gens parce que je ne fais pas confiance aux autres j’ai trop peur qu’on me fasse du mal. Pas du mal en me frappant mais en se moquant, en me critiquant ou en me rejetant. Mon père s’est beaucoup moqué de moi (critiques sur mon physique et sur mon attitude) lorsque j’étais adolescente. C’est très dur d’entendre des critiques de son père à cette période de la vie où le regard des autres est très important. Mes parents sont encore ensemble même s’ils ne s’entendent pas bien. Ma mère a voulu divorcer il y a quelques années mais finalement elle ne l’a pas fait car elle ne travaillait pas et elle aurait eu du mal à retrouver un travail. Moi j’étais contente quand elle m’a dit qu’elle voulait divorcer parce que je pensais que j’allais enfin être débarrassée de mon père. Je n’ai jamais aimé mon père j’ai reporté tout mon amour sur ma mère et je pense que c’est la cause de ma dépression à 16 ans. Je me suis sortie de la dépression en ressentant la rage, la colère et la tristesse d’avoir était fouettée par ma mère. Je me souviens que les scènes de mon enfance où je me prenais des coups de martinet me revenaient sans cesse à l’esprit et ça me faisait souffrir de ressentir tous ces sentiments, je voulais arrêter d’y penser mais c’était plus fort que tout. Je ne vous connaissais pas à cette époque et je ne me rendais pas compte que j’étais en train de me soigner. J’ai toujours était contre l’idée de frapper sur les enfants sauf les petites tapes (plus maintenant). Cela m’a aidait à m’en sortir et m’a amené vers vous en faisant des recherches sur internet. Maintenant j’adhère totalement à vos idées.
J’avais des règles très douloureuses au point d’en vomir et depuis que j’ai commencé à revivre mes émotions refoulées ça va mieux. Mon frère lui c’est des grosses migraines qu’il faisait, il se tapait la tête contre les murs tellement il avait mal, il en faisait aussi quand il était petit. Mon frère a réussi à se sortir de la manipulation de mes parents mais pas complètement non plus. C’est ma sœur qui reste la plus manipulée aujourd’hui, elle a reçu plus d’amour que nous et mes parents respectent plus ses besoins. Elle se rend moins compte que nous de leur perversité et elle s’efforce de les satisfaire. Elle avait de l’asthme quand elle était petite et au début de l’adolescence. Mes parents eux sont complètements aveuglés et ils sont persuadés d’être des gens bien. Mon père a des problèmes digestifs, des problèmes de dos et des problèmes de peau. Il faisait des grosses migraines comme mon frère lorsqu’il était plus jeune. Ma mère a un diabète de type 2, son diabète s’est déclenché quelques mois après que je sois partie de la maison pour faire ma dernière année d’étude. Elle ne supporte pas que je puisse être autonome et indépendante d’elle.
Un jour quand j’avais 19 ans mon père a enguelé ma mère injustement et moi j’ai dit à ma mère devant mon père « laisse tomber de toute façon il est con ce n’est pas de sa faute il est né comme ça » (je ne vous connaissais pas encore), mon père l’a très mal pris et s’est énervé, j’ai vu plein de haine dans ses yeux. Heureusement il y avait la table entre nous deux. Il a pas pu m’atteindre et m’a envoyé dans ma chambre. J’ai eu extrêmement peur, je tremblais et ma mère qui est venu me voir m’a dit que j’étais blanche. Puis je me suis mise à pleurer en disant à ma mère que j’en pouvais plus de lui. Elle m’a dit qu’elle savait, que c’était vrai qu’il était con mais que je n’aurais pas dû lui dire ça parce qu’il allait me détester maintenant. Pour moi ça m’était égal parce que j’avais déjà l’impression qu’il me détestait. Le lendemain elle m’a dit que je devrais mieux aller m’excuser parce que mon père était de mauvaise humeur. J’ai trouvé ça absurde, c’était inconcevable pour moi d’aller m’excuser. D’abord parce que je ne me sentais pas vraiment coupable et parce que j’ai trop peur de lui pour aller m’excuser. J’ai des difficultés pour regarder mon père dans les yeux, on se parle très peu, je ne ressens pas l’envie de lui parler et je ne supporte pas être en sa présence. Malheureusement, lui, il adore me coller pour surveiller tout ce que je fais. Le jour où il faisait la gueule il ne me collait plus, il m’évitait et j’ai trouvé ça agréable ça me faisait une raison de plus pour ne pas m’excuser.
Depuis que j’ai pris connaissance de vos travaux je vais beaucoup mieux, je ne suis plus hypocondriaque, je souris plus souvent, j’ai plus confiance en moi, j’ai moins peur des autres, je prends plus de plaisir à parler avec les gens, je ne me laisse plus manipuler psychologiquement par mes parents même si ça m’arrive encore de culpabiliser et je me sens plus libre qu’avant. Mais j’ai quand même encore des difficultés relationnelles, je ne sais pas m’affirmer dans un groupe et j’ai encore des angoisses et des peurs qui m’empêchent d’aller vers les gens. Je me sens encore faible. Je continue tout les jours à ressentir de la rage et du dégoût envers mes parents qui ont gâché une grande partie de ma vie et je continue aussi à protéger cette petite fille en moi qui ne demandait qu’à être aimée de ses parents. Je sais que j’ai beaucoup de chance d’avoir connu vos travaux si tôt. Je pense que sans vous je serais retombée dans la dépression. J’espère que je vais continuer à aller mieux. Je vous remercie pour tout ce que vous avez fait, pour toute votre générosité et votre courage. Je vous souhaite beaucoup de bonheur.
Sincèrement.
AM: Votre lettre est si logique, si claire et profonde. C’est très rare que l’on puisse voir et décrire sa situation avec une telle précision dans votre âge. Cela vous épargnera beaucoup de confusions dans votre vie, beaucoup d’illusions qui tiennent tellement de gens plus âgés pendant des décennies dans leur souffrance. Pourquoi se forcer d’aimer une mère qui vous a battu avec le martinet et vous demande de vous excuser pour avoir dit la vérité? Elle ne mérite pas votre amour. En essayant de l’aimer vous vous forcez de vous mentir et votre corps va s’en révolter. Avec raison. Je vous félicite d’avoir fait ce travail énorme.
Réponse de Brigitte:
Votre lucidité et votre parcours à un âge si jeune est extrèmement rare et j’en suis vraiment touchée. Vous avez osé vous tourner sur votre passé pour regarder bien en face la cruelle réalité que sont vos parents et ça vous a permis de ne pas rester enfermée dans une étiquette de « phobique sociale ». Vous êtes un exemple même de « REUSSITE Sociale », à vous toute seule vous vous êtes sortie de votre enfermement et de votre dépression rien qu’en voulant SAVOIR et en osant SENTIR ce et ceux qui vous y ont plongé. Peut être qu’un jour viendra où l’hyperactivité, la phobie sociale, l’énurésie ou tous autres troubles de la personnalité seront pris en compte comme le récit des tourments de l’enfance.
Votre façon de vous rencontrer vous même donne l’assurance que vos restes d’angoisses à aller vers les gens ou vos difficultés à être en relation avec eux vont s’estomper pas à pas pour faire toute la place à votre liberté d’exister tant méritée. Bravo pour votre courage. BO