La peur de rompre

La peur de rompre
Thursday 03 September 2009

Bonjour Alice et Brigitte,

La lettre du 31 août m’a interpellée.
Vous décrivez avec précision ce par quoi je suis passée lorsque j’ai pris la décision de rompre irrévocablement avec une personne d’une sadique indifférence, une manipulatrice de sentiments, en un mot une Cruella !!! Ma soeur de 15 ans mon
aînée.

Quand j’ai rompu en lui envoyant une lettre parce que j’avais peur de lui parler en face, j’avais la certitude de faire enfin la bonne chose, de poser le geste qui me libérerait de son emprise mortifère. Mettre enfin un terme à cette relation malsaine
restait pour moi la meilleure chose à faire. Et je me suis senti soulagée… mais pas pour longtemps.

J’ai vite sombré dans une noirceur abyssale, dans des eaux marécageuses jusqu’alors insoupçonnées peut-être oubliées!!!
Mon corps se désartriculait, mon esprit se liquifiait, je me tordais dans des douleurs inconnues.Je me disais de manière panique et compulsive: ” Mon Dieu, j’ai mal fait, j’ai mal agi, c’est grave, je n’aurais pas dû, je suis mauvaise, bonne à rien,
je suis une erreur ambulante..” etc…

La nuit, je rêvais aussi à ce moment-là, qu’elle me donnait du bois mort à manger, qu’elle m’ignorait cruellement enfin qu’elle me maltraitait…Malgré tout je me disais le jour:”Je n’aurais pas dû…je n’aurais pas dû…La culpabilité était énorme.
Je crois que je nourrissais malgré tout à cette époque l’espoir saugrenu qu’elle vienne me sauver , qu’elle daigne bien me faire sortir du cachot dans lequel elle m’avait enfermée et qui grenouillait de choses effroyables. J’attendais la décision de Cruella de mettre fin a la punition…C’était entre ses mains que je vive ou meure émotivement…

J’ai tellement eu peur de ma soeur.!!! Aujourd’hui , je peux dire que c’est un cadeau que je me suis fait. Si je n’avais pas posé ce geste je serais restée dans l’ignorance.

Vous avez fait la bonne chose et ce n’est pas votre mère qui vous sauvera. C’est un deuil à faire,une étape à passer, et cela passera.

Une lectrice assidue.
Réponse de Brigitte :

Votre si grande peur quand vous avez décidé de rompre avec votre sœur est aussi terrifiante que ce que vous avez subi auprès d’elle. Cette démarche de sortir de la dépendance d’une mauvaise personne pour nous-même, réveille toute la mémoire des mauvais traitements inscrits dans notre corps et surtout l’impuissance de s’en défendre. Qu’aurait-il pu nous arriver jadis si nous avions osé dire à nos parents qu’ils exploitaient notre innocence, notre faiblesse d’enfant ou encore si nous leur avions révélé que nous étions lucides de leur cruauté ??? Le risque était bien trop grand, c’est pourquoi nous sommes restés aujourd’hui encore figés dans ces mêmes peurs de dire et de se défendre. Bravo à vous, pour avoir restitué la parole et la force à cette petite fille pour se défendre, alors qu’elle était bâillonnée pendant des années. BO/i>