Les attentes de l’enfant jadis et la dépression
Tuesday 11 November 2008
Bonjour à vous, toute l’équipe!
Je suis un ex enfant battu, fille d’un pasteur protestant alcoolique et violent et d’une mère soumise et bigotte. Nous avons vécu mon frère et moi, dans la terreur des coups, des punitions, dans la terreur du jugement de Jésus, dans la terreur qu’il ne tue la mère (la nôtre, mais je n’arrive pas à dire « ma mère »), dans la terreur que sa main ne s’égare là où elle ne devrait pas.
Je viens de découvrir votre existence, votre site, j’ai acheté « ta vie sauvée enfin » parce qu’il me semblait que c’était le plus urgent à lire.
Curieusement, j’ai pour ma part toujours été consciente que ce que nous vivions n’était pas normal. J’ai toujours été en colère envers mes parents. Depuis l’âge de 12 ans, j’ai toujours dit haut et fort que je ne resterais pas sous le toit familial une minute de plus que nécessaire légalement. A 18 ans, je n’étais plus là et je n’y suis jamais retournée. Je suis passée par l’alcool, la drogue et la prostitution. J’en suis sortie je ne sais pas trop comment. Mon père est mort maintenant, et son décès en 2004 a ouvert pour moi un gouffre immense. Je ne lui parlais plus depuis des années, et je pensais qu’avec lui tout était réglé, que sa mort ne serait qu’une formalité. A ma grande surprise, je me suis aperçue que sa mort faisait place à une immense tristesse. Ce n’est pas lui que je pleure, ce n’est pas la personne qu’il a été qui me manque ou que je regrette, non pas du tout. Je pleure sur moi qui n’aurai jamais de véritable papa. En mourant, il m’a enlevé l’espoir que je nourrissais à mon insu qu’un jour il changerait et deviendrait, même tardivement, un père aimant. Je me sens souvent orpheline, n’ayant même pas de beaux souvenirs à chérir, et je voudrais tant qu’on me prenne dans les bras, qu’on me couvre de baisers et d’attentions.
Mon frère s’est muré dans le silence, il refuse de parler « du passé », et a décidé de ne jamais avoir d’enfant pour ne pas reproduire. J’ai deux filles pour ma part, séparée de leur père depuis peu après la mort du mien. La coïncidence n’est sûrement pas innocente. Je m’étais jurée de ne jamais reprouidre sur mes filles ce que mon père avait fait. Force m’a été de constater que ma main « partait » malgré moi. Comme si une force interne échappant à mon contrôle conscient dirigeait ma main et mes mots à ma place. J’abrite un monstre en mon sein. J’ai fait ce constat en 2005. Consciente que cet état de chose n’est pas acceptable, je me suis mise en route, à la recherche de moi-même. Par rapport à ma relation à mes filles, je pense que le monstre est très affaibli au fond de moi, la communication douce a pris le dessus, tout va bien.
Tout le problème est là d’ailleurs: tout va bien, et pourtant, je traine une tristesse infinie, apparemment sans raison, dont je n’arrive pas à me défaire.
Je sais pourtant ce qui s’est passé dans mon enfance (pour sûr, je ne me souviens pas de tout, il ya encore de larges pans d’amnésie, mais est-ce vraiment nécessaire de se souvenir de chaque fait pour aller mieux?). Je suis consciente que je n’ai pas été aimée, mon père est mor, affaire classée.
Quant à la mère, elle est dépressive depuis 2002. J’ignore ce qui s’est passé dans son enfance à elle. Mais sûrement pas rien. Surtout que sa sœur qui resta muette jusqu’à l’âge de 11 ans pour des raisons jamais élucidées, répète à qui veut l’entendre que « leurs parents étaient formidables, et tout ce qu’ils ont fait pour nous »… Refrain connu, trop poli pour être honnête. Mais je pars du principe que c’est leur problème à elles, les deux sœurs. J’ai déjà bien assez de mal avec mes fantômes sans me charger de réveiller les leurs. Je n’attends pas d’amour de ma mère, je suis en colère contre elle, même si ça s’atténue avec le temps, son cas m’intéresse peu, je ne vais jamais la voir à l’hôpital, et ne l’appelle pas. C’est elle qui le fait quand elle va bien. Ce n’est pas que je me retienne de le faire, non, je n’y pense même pas, ça ne m’intéresse pas. Pour moi ma mère est une sorte d’accident dans ma vie, mais elle ne fait pas réellement partie de ma vie de maintenant, si vous me comprenez.
Et pourtant, je suis dépressive. J’ai bien envie de vous demander « qu’est-ce que je dois faire maintenant? »
Réponse de Brigitte:
Entre ce qui semble très clair dans votre tête et ce que raconte votre corps dans cette immense tristesse qui vous colle à la peau et qui vous maintient dans la dépression il y a l’illusion de la petite fille qui attend un père aimant qui vous prendrait dans ses bras en vous couvrant de bisous. Quand vous pourrez consoler la petite fille de jadis torturée et négligée en la prenant dans VOS BRAS vous vous débarrasserez de cette attente, vous satisferez ses besoins et la libèrerez d’un père dont elle ne doit rien attendre. BO