Acharnement thérapeutique
Tuesday 16 October 2007
Chère Alice,
Je voudrais vous parler d’une forme un peu particulière de violence envers les enfants.
Il s’agit de la violence assistée médicalement. Peut-être plus encore qu’une autre, elle est perpétrée “pour le bien de l’enfant”.
J’ai vécu dans mon enfance beaucoup de mauvais traitements médicaux douloureux et/ou dégradants sans véritable justification thérapeutique et cela dès ma naissance : essais de nutrition alternative à la lait maternel provoquant des diarrhées, port de lourdes semelles orthopédiques en inox, électromyographie (quel souvenir horrible!) pour rechercher une
myopathie hypothétique, électroencéphalogramme, injections multiples de gammaglobulines (pour ne pas être malade pendant l’hiver!), ingestion de médications repoussantes, survitaminose, recherche d’une fistule dans le palais à grand renfort de bleu de méthylène, freinectomie dentaire,… et surtout des années de kinésithérapie avec des brutes ou des sadiques.
Au-delà des douleurs physiques évidentes, je voudrais insister sur la douleur psychique d’être ainsi exposé par ma mère, en l’absence lâche de mon père, aux regards de tous ces médecins, de me sentir amoindri, d’être convaincu à tort d’un handicap physique, et de renoncer dès lors à jouer avec d’autres enfants de mon âge.
Cet aspect médical a dominé toute la vie de ma mère et de sa famille. Elle a développé toutes sortes de symptômes nécessitant de nombreuses opérations chirurgicales et de traitements parfois impressionnants. J’étais par ailleurs son confident parentalisé dans une sorte d’inceste affectif et je devais à tout prix ressembler à son père. Ses épisodes maladifs à répétition m’ont fait craindre de la perdre pendant toute mon enfance .
A l’âge adulte, il m’a fallu des années de thérapie pour avoir confiance en moi physiquement, pour ne plus rechercher compulsivement de la reconnaissance auprès d’un patron (qui en a bien profité), pour ne plus me tuer au travail afin de prouver que j’étais à la hauteur d’exigences démesurées et pour vivre enfin une relation de couple et une vie de famille équilibrées et respectueuses.
Je pense qu’il était et qu’il est encore toujours très facile de trouver un pédiatre, un kinésithérapeute, un dentiste ou un autre professionnel de la santé qui torturera un enfant pour le compte de ses parents en lui donnant bonne conscience. Et cet enfant, pendant des années, jouera le jeu pour être conforme aux attentes de ses parents jusqu’à être intimement convaincu de sa maladie.
A côté de mon métier d’ingénieur, j’étudie actuellement la psychanalyse. J’en lis les textes fondateurs : Freud, Jung, Lacan… . Ils sont passionnants intellectuellement mais seuls vos livres m’ont fait pleurer de tristesse et de rage parce qu’ils sont “vrais”. Ils ont participé substantiellement à ma thérapie et je vous en remercie très chaleureusement.
Bien cordialement,
Réponse de Brigitte:
Votre mère était terriblement perturbée pour vous offrir ainsi au sadisme médical, elle avait vraiment besoin de vous rendre malade pour vous voir souffrir, c’est un acharnement sadique et totalement terrifiant!!
Alice Miller ne parle pas spécifiquement des mauvais traitements pratiqués par la médecine mais tout est absolument lié. Les effets de la maltraitance ont toujours pour conséquence de se venger ensuite sur des plus faibles et on trouvera toujours le lieu idéal où l’on pourra brutaliser, nier ou humilier un individu dans sa souffrance ou sa faiblesse.
Vous avez entièrement raison que tout particulièrement dans le milieu médical on a tout intérêt à être conscient des traitements reçus dans l’enfance pour éviter justement de traiter les malades avec la même brutalité, mépris et malveillance que l’on a reçus et c’est malheureusement très souvent le cas.
C’est un miracle de vous en être aussi bien sorti, Bravo. BO