Ne pas pardonner

Ne pas pardonner
Thursday 07 August 2008

Bonjour Alice,
Je viens de lire sur votre site : “comment pardonner l’Eglise”.
Aujourd’hui je trouve ça pénible cette exigence du pardon. Moi-même je l’entends partout. J’ai eu une enfance désatreuse, je ne puis aujourd’hui aimer ma mère (comme vous le dites dans un de vos livres, il m’est impossible de me contraindre à aimer quelqu’un, même ma mère) qui ne me prête pas plus d’attention qu’il y a 40 ans et pourtant quand j’ose en parler, pour la majorité, la réponse qui m’est apportée c’est : “Il faut pardonner à ta mère ! Elle aussi à eu une enfance difficile, tu n’as pas le droit de la juger. Il faut te souvenir du meilleur, oublier le reste. Tu l’aime au fond de toi…etc…” Et bien non, désolée ! Moi je me sens mieux quand je regarde les choses telles qu’elles sont, quand je ne fais pas semblant de croire que j’ai eu une enfance heureuse, quand je cesse d’espérer qu’un jour cette femme s’intéresse à moi, quand je cesse de croire qu’elle m’aime “à sa façon” et moi à la mienne. Je me sens mieux quand je cesse de culpabiliser parce que, la pauvre a eu une enfance difficile !
Comme vous le dites très justement – notamment sur ce site – cesser de fréquenter ma mère si toxique pour moi (et ceux qui lui ressemblent), cesser de lui donner du pouvoir sur ma vie, cesser de supporter son regard jaloux et haineux sur moi qu’elle cache sous un masque de pseudo-bienveillance, cesser de devoir réprimer mes émotions violentes en sa présence (et m’en sentir coupable comme si j’étais mauvaise d’oser ressentir de telles émotions “négatives” pour ma mère) me permet justement de me libérer de la haine qui semble faire si peur à certains.Et oui, mille fois oui, je me sens bcp mieux quand je cesse de vouloir lui pardonner, parce que, en essayant à tout prix de lui pardonner, je ne fais qu’entretenir un peu plus le lien toxique, ma propre culpabilité et l’illusion qu’un jour, peut-être, elle sera capable d’avoir de vraies relations avec moi si j’adapte mon comportement, si je suis plus gentille, etc…. Mon dieu, que d’énergie et de temps “gâchés” avec ce pardon sensé me libérer !
Je ne la hais plus quand je la maintiens à distance. Juste je ne l’aime pas, et je l’assume Cette notion du pardon n’est pour moi qu’une vaste hypocrisie érigée par ceux qui maltraitent les autres ! Celui qui sait donner de l’amour et de l’attention n’a pas besoin d’exiger le pardon. Merci à vous Alice, vous m’avez été d’une aide précieuse. Vous, Brigitte et ma thérapeute m’avez permis de “voir” enfin les gens qui savent m’aimer telle que je suis, sans que j’ai à faire d’effort particulier. C’est un cadeau inestimable que je transmet à mon tour à mon fils et que je partage avec mes nouveaux ami(e)s. Amicalement

Réponse de Brigitte:

Votre lettre est tellement pleine de bon sens et tellement honnête en même temps.
Nous avons pris l’habitude depuis si petit de nous résigner au pouvoir abusif des parents, qu’aujourd’hui il reste encore inconcevable de mettre fin à cette soumission pour se choisir soi-même. Cette notion est caractérisée par de l’égoïsme ou par de l’absence de coeur, nous apprenons à aimer nos bourreaux quoiqu’il en soit au risque d’y laisser notre vie toute entière. Vous avez raison, votre vie n’a pas de prix, vous être choisie a été un long parcours que rare sont capables de faire n’en déplaise à ceux qui veulent sacrifier leur santé et leur dignité pour plaire à des idéologies religieuses, spirituelles ou à leur entourage. BO