Quand la mémoire du corps se réveille
Friday 15 December 2006
J’ai lu presque tout le site internet pendant plusieurs heures il y a une dizaine de jours, un immense bravo au courage (car il en faut !) et à la force d’Alice Miller qui a finalement brisé le tabou du silence sur les enfants maltraités et en meme temps briser la solitude de tant de personnes …
depuis j’ai eu malheureusement un cauchemar où mon père me pénétrer par sodomie, vers la fin du reve, je devais partir loin de sa ville, mais au fond je savais que cette experience je l’emporterais avec moi quand meme, elle était dans mon corps. Voila je pleurs en l’écrivant car je n’ai aucun souvenir d’abus sexuels de ce genre. Par contre depuis quelques semaines je souffre d’hémorroides que je ne m’explique pas, ces derniers jours ca me fait mal tout le temps. je sais et me souviens que mes parents m’ont maltraitée (violences physiques régulières de la part de chacun d’eux) mais je ne me souviens pas d’abus sexuel.
J’ai des souvenirs où mon père à un regard bizarre sur moi. (j’etais petite, et après voir fait caca, mon père ou ma mère venaient pour m’essuyer, une fois mon père est entrer dans les toilettes, j’étais à 4 pattes, et il s’est arreté net pendant quelques secondes, son regard etait très lointoin, bizarre et puis j’ai commencé à me sentir trop grande dans mon corps.)
J’ai honte d’en parler et meme de l’écrire sous anonymat, ca n’est pas facile. J’ai eu un petit ami (j’ai 29 ans) avec qui on « jouait » pendant l’acte sexuel, lui à etre un adulte, et moi une enfant, et il abusait de moi « doucement ». J’ai tellement honte de l’ecrire, j’ai l’impression d’etre un monstre, que je ne suis pas normale, que je ne peut pas etre normale.
j’ai peur de moi meme. Depuis hier j’ai une image qui me hante, et à chaque fois qui me fait venir les larmes aux yeux: ce sont les jambes d’un enfant.
J’ai eu une therapeute avec qui j’ai reussi à me débarasser de ma culpabilité envers ma mère, mais aujourd’hui j’ai peur et honte de le dire à cette thérapeute, et puis j’ai tellement peur qu’elle ne me croit pas, ca serait pire encore.
J’altèrne des fortes crises de pleurs, puis plus rien, comme si rien ne s’était passé. Quand je pleurs j’ai des spasmes, mes poumons font le mouvement pour respirer mais l’air n’entre ni ne sort, et je ne ressent pas de soulagement après.
Mon père est mort il y a 3 ans.
J’ai depuis quelques temps aussi des problèmes avec la nourriture, je n’arrive pas à manger, je n’ai aucun appetit, et quand j’y arrive je me force. J’ai l’impression qu’on veut me « gaver », comme un ogre qui gave des enfants pour mieux les manger après. Alors si je mange moins ou pas, c’est mieux.
J’ai maintenant une nouvelle relation avec mon ami qui se passe très bien, mais j’ai peur que « tout ca » vienne tout gacher et tout détruire. Je me sens déchirée entre lui raconter et me taire car sinon il va comprendre qui je suis vraiment et il ne pourra plus m’aimer. J’ai peur qu’il me considère d’une autre facon, et qu’il soit dégouté par moi.
J’ai peur de moi, et je ne sais pas comment me « débarasser » de mon père si je n’ai pas de souvenirs, et si en plus il est mort (je ne peut pas couper les ponts comme j’ai fait avec ma mère, ce qui m’a procuré un grand soulagement après avoir reconnu qu’elle était perverse et destructrice).
Je vous remercie mille fois pour tous vos écrits (j’ai lu presque tous vos livres) et encore pour votre courage.
Chaleureuses salutations.
R.
Réponse de Brigitte:
Vous ne vous souvenez pas d’avoir été abusée sexuellement et c’est après avoir lu les articles du site que vous avez vous-même brisé le silence de votre enfance et permis enfin à cet enfant jadis de vous raconter que votre père vous a violé. La mémoire du corps reste intacte quand on n’a pas peur de la réveiller comme vous l’avez fait et vos hémorroïdes vous donnent la confirmation de ce que vous avez vécu. Inconsciemment vous avez rejoué le scénario de votre enfance dans vos « jeux » sexuels avec votre petit ami comme si vous aviez besoin de lui montrer ce qui vous était arrivé. C’est très courageux d’écrire cela, c’est le crime de votre père qui est monstrueux et honteux, en plus d’être un violeur d’enfant il vous a laissé croire que vous étiez responsable de ce qu’il vous faisait, que c’était vous le monstre, l’anormale et la dégoûtante. Par cet acte si destructeur votre père a anéanti l’innocence de cet enfant que vous étiez pour vous mettre dans la confusion la plus totale et vous n’aviez pas le choix alors que de vous trouver immonde pour le protéger, lui qui était censé vous aimer. Aujourd’hui vous pouvez écouter tout ce que votre corps vous raconte sans crainte d’être rejetée ou accusée parce que lui ne vous trahira pas et ne vous laissera pas tomber. BO