On attribue des pouvoirs sans fin à nos enfants!

On attribue des pouvoirs sans fin à nos enfants!
Sunday 28 January 2007

Bonjour madame Miller,
Grace à une psychanalyse et grace à la lecture de certains de vos livres
conseillés par ma thérapeute j’ai pu enfin admettre l’horreur de mon
enfance. Comme beaucoup, j’ai commencé cette analyse en disant : “je
ne peux plus vivre, je ne comprends pas ce qui m’arrive, j’ai pourtant eu
une enfance très heureuse et même enviée…” En fait, mes parents que
j’ai toujours idéalisés et mis sur un pied d’estale ( ma mère est pédiatre et
mon père chercheur-mathématicien) sont des êtres vraiment très
perturbés et destructeurs. Ma mère use de chantages, de tentatives de
suicide,d’hopitalisations: elle a soi-disant tout fait pour nous(nous
sommes 4 enfants)et d’après elle, n’a jamais eu un merci, nous sommes
ses bourreaux, c’est nous qui nous acharnons sur elle… Mon père était
complètement absent,il se réfugiait dans ses théorèmes de maths et
nous obligeait à dire pardon à notre mère. Il y à 3 ans, il a même
été interné en psychiatrie parce qu’il avait perdu les pédales et était
persuadé d’avoir découvert les formules mathématiques des lois de la nature.
D’après les psychiatres, il s’agit d’un accès maniaque d’un trouble
bipolaire de l’humeur, comme ma tante et mon frère aîné qui ont
également été internés à plusieurs reprises. Pour eux, c’est une maladie
génétique, et le seul traitement est médicamenteux. Depuis quelques années,
j’essaye de leur faire comprendre que l’histoire de la famille est au coeur du
problème: découverte de relations incestieuses sur plusieurs générations,
manque affectifs, deuils douloureux…et que leurs troubles n’est qu’une
expression de leurs souffrances.
A présent, je me reconstruit petit à petit, après une adolescence cahotique,
semée d’envies de mourir, de tout casser, d’envies de me faire mal et de faire
mal aux plus faibles. Maintenant, je prends le droit de ne plus aimer ma mère,
sa souffrance fait ricochet sur moi. Je la vois dépérir à petit feu, elle est
anorexique, squeletique, elle est en arrêt maladie depuis 1 an et demi
et rien ne change parce qu’elle ne veux pas ouvrir les yeux sur sa propre enfance.
Ce qui me fait pleurer en ce moment, c’est que j’ai 2 petites soeurs de 17
et 19 ans (j’en ai 33 et mon frère 34, mes parents voulaient 2 autres
enfants 15 ans après pour tout recommencer à zéro : ils avaient
l’impression d’avoir tout raté avec les 2 premiers!!). Mes 2 soeurs sont
très malheureuses, elles sont sur le point d’arrêter leurs études, l’une
est toujours sur son ordinateur, se coupe du monde, ne sort plus, l’autre
s’achète des bouteilles de rhum. Elles vivent seules, chacune dans un
appartement. J’avais tellement peur de les déstabiliser avec mes
découvertes que je n’ai jamais rien dit. Le week-end dernier, ma soeur
de 17 ans est venue garder nos enfants et nous avons discuter des heures.
Je suis bluffée par sa lucidité: elle semble avoir compris pas mal de
choses et m’avoue qu’elle n’aime pas notre mère parcequ’elle l’a trop fait
souffrir. Mais elle me dit qu’elle ne peut pas s’empêcher de cupabiliser
parce qu’elle dépend encore d’elle financièrement… et affectivement. Mon
autre soeur ne comprend pas qu’on enterre encore plus notre mère qu’elle
ne l’est. Mon père et mon frère ne sont d’aucun secours pour elles
puisqu’ils sont à nouveau dans un délire intello du style: quelle est la
différence entre le bon et le beau ?, l’objectivité n’existe pas…
Comment puis-je protéger mes soeurs de la folie de mes parents?
merci de votre écoute

Réponse de Brigitte:

C’est vraiment terrible de grandir auprès d’une mère qui vous laisse croire que vous n’êtes qu’un bourreau qui s’acharne sur elle, en somme elle vous rend totalement responsable de sa dépression. On attribue des pouvoirs sans fin aux enfants!. Et en plus elle réclame des remerciements!! Mais pourquoi ???
Nous ne faisons pas des enfants pour qu’ils nous vénèrent de les avoir mis au monde, nous sommes responsables de la décision de les concevoir ou pas. L’énergie que vous dépensez aujourd’hui à leur faire comprendre que “l’histoire de la famille est au coeur du problème” est sans doute aussi grande que celle que vous avez déployée enfant pour leur montrer que vous n’étiez pas une méchante fille qui n’est née que dans le but de les détruire. N’importe quel enfant se sentirait coupable dans ce contexte, ne serait-ce que d’exister, mais l’adulte que vous êtes peut regarder la réalité de vos parents très perturbés qui n’ont eu de cesse que d’abîmer toutes vos plus belles années où ils auraient dû vous comprendre et vous protéger.
Vous faites déjà le meilleur pour vos soeurs en restant lucide et en osant dire la vérité sans la minimiser. Visiblement la plus jeune seulement ne veut pas se voiler la face, pour l’autre vous ne pouvez pas ouvrir les yeux d’une personne qui souhaite rester aveugle.
Vous avez besoin de tout votre courage pour vous-même maintenant. BO