Le gouvernement

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Thursday 07 September 2006

Madame Miller,

J’ai pris connaissance de vos livres il y a quelques mois qui m’ont, avec l’accompagnement de mon thérapeute, permis d’ouvrir les yeux sur mon enfance maltraitée.

Aujourd’hui, une discussion avec des collègues de travail concernait les punitions corporelles sur les enfants. Je défends votre idée, devenue mienne, que tout acte de violence d’un parent sur son enfant ne peut qu’engendrer chez l’enfant battu un drame corporel que cet enfant est dans l’incapacité d’exprimer à ce moment, mais qui est et reste bien présent en lui. J’essais d’illustrer mes propos avec une image, je crois d’Olivier Maurel, comparant notre réaction commune face à quelqu’un qui frappe son chien, ce qui nous choque, et face à un parent qui donne une fessée à son enfant, ce que nous trouvons normal en prétextant l’éducation, voire la ‘bonne ‘éducation. Et j’ajoute qu’il y a, par cet exemple, une incohérence évidente.

L’une de mes collègues qui a une fille je crois d’environ 6 ans, me soutient, que quand l’enfant ne fait pas ce qu’on lui demande, par exemple aller se brosser les dents avant d’aller se coucher, c’est agaçant et que forcément on ne peut que punir en frappant ‘parce qu’on en peut plus’.

Je continue à soutenir qu’une telle puntion est traumatisante pour l’enfant. Et cette personne se met brutalement et de façon quelque peu agressive à me dire : ‘c’est facile ces théories quand on a pas d’enfant comme toi, tu verras que tu seras obligé d’y venir et on en reparlera’. Je lui réponds que bien sur, je n’ai pas encore l’expérience des enfants mais que je suis bien certaine que je ne frapperai pas mes enfants. Je n’insiste pas, je n’ai pas besoin de la convaincre, je le sais.

J’ajoute qu’au moment de cet épisode, une jeune collègue parlant d’une vois basse, peu écoutée des autres, disait que le peu de fois où sa mère l’avait frappé en lui demandant de se mettre à genoux, elle s’en souvenait encore…

Je vais parler de cette conversation avec un collègue qui me dit que ni lui, ni sa femme n’ont jamais levé la main sur leur fille. Ce collègue est quasiment sourd suite à un choc physique qu’il a subi à l’école. On lui a toujours affirmé qu’il n’avait rien de ‘médical’ aux oreilles et pourtant il n’entend quasiment pas. Même s’il ne peut accepter que cette surdité n’est que psychologique, i l a néanmoins retenu que le corps a une mémoire.

Et il me raconte qu’une fois, il a failli frapper sa fille, a levé la main sur elle et a retenu son geste qui s’est achevé par une légère touche presque une caresse. Mais sa fille, pas habituée à un tel comportement s’est mise à hurler.Mon collègue a pris peur et est immédiatement allée vers elle craignant qu’elle ne garde des séquelles de son acte manqué. Il me dit aussi que sa fille disait souvent à ses parents, même jeune, que s’ils la frappaient, elle irait ‘porter plainte auprès des droits de l’homme’.

Si beaucoup, telle que la collègue dont j’ai parlé plus haut, prendraient certainement ces propos comme une agression, mon collègue en était plutôt content. Sa fille avait appris tôt à se défendre et à respecter sa personne.

Il y a tellement peu de personne comme mon collègue que je tenais à en parler, et il y a tellement de parents comme ma collègue qui frappe sa fille parce qu’elle ne veut pas aller se brosser les dents ….

J’ai gardé de cet épisode une grande tristesse d’où j’espère tirer l’espoir qu’un jour, en France, et partout ailleurs, l’interdiction de frapper son enfant sera enfin légalement reconnue.

Mais les élections présidentielles approchent , et je n’entends aucune promesse dans ce sens…

Comment faire avancer les choses ?????

Merci pour vos livres, votre site, vos réponses à ces courriers ainsi qu’aux réponses de Brigitte.

Respectueusement, SD

AM: Je vous remercie de votre témoignage. Peut-être qu’il faudra poser votre question aux candidats qui se proposent pour diriger le pays dans l’avenir et qui promettent de lutter contre la violence sans vouloir s’informer comment nous produisons cette violence. Qu’en pensez-vous? Vous êtes libre d’utiliser mes tracts.

Réponse de Brigitte:

Il n’est pas nécessaire d’avoir des enfants pour savoir et sentir que d’être battu est très douloureux tant physiquement que psychiquement. Vous connaissez la souffrance de tels abus et cela est suffisant pour répondre à l’ignorance de votre collègue, d’ailleurs votre courage en témoigne très bien.
Ce genre de discours est malheureusement entretenu absolument dans tous les milieux, il est plébiscité dans toutes les campagnes électorales et l’on recommande les brimades le plus tôt possible pour ne pas que l’enfant prenne “le dessus” autrement dit le pouvoir sur les parents.
On dépense des sommes d’argent colossales pour canaliser la violence des jeunes et on continue d’ignorer d’où prend racine cette violence, personne ne veut remettre en question le comportement toxique des parents, cela affecterait les plus grands de ce monde ainsi que tous ceux qui prônent l’efficacité “des bons coups de pieds au cul” qui leur ont fait le plus grand bien.
Cordialement Brigitte