Détermination

Détermination
Thursday 19 March 2009

Madame Miller,

Je tiens tout d’abord à vous remercier pour le soutien que vous m’apportez.
Grâce à votre site et vos écrits j’arrive peu à peu à être en paix avec
moi-même.

Je ne peux pas dire que j’ai été maltraitée physiquement (même si j’ai tout de
même pris quelques gifles !), je n’ai jamais manqué de rien matériellement mais
je peux aujourd’hui affirmer que mes parents n’ont pas subvenus à mes besoins
psychologiques, il y a même eu maltraitance à tel point que j’ai très souvent
pensé que si j’avais été battue au moins j’aurai su pourquoi j’avais mal.

Mes parents ont eu tous les deux des enfances difficiles qui ont eu des
répercussions non seulement sur leur vie mais aussi sur la mienne. J’ai
longtemps excusé leurs comportements déviants à cause de cela mais aujourd’hui
c’est terminé, je ne veux plus me nier.

J’ai coupé les ponts avec ma mère il y a un peu plus d’un mois maintenant après
un énième « pétage de plomb » (vous comprenez sa « méchante » fille n’a pas été
la voir à l’hôpital alors que j’y allais très régulièrement et qu’elle était
quasiment guérie !).
Ce n’est pas la première tentative de séparation mais cette fois c’est la bonne
car j’ai aujourd’hui compris, en partie grâce à vous, que je ne pourrai jamais
la changer, qu’elle fera toujours de moi son souffre douleur et son valet (comme
si elle cherchait à se venger sur moi d’avoir eu une mère alcoolique et
négligente) ce que je refuse de tolérer une minute de plus. Je ne peux pas la
sauver. Et je ne peux ni ne veut pardonner car ils avaient tous les 2 conscience
d’avoir eu des parents déficients, ils ne sont pas responsables de leur enfance
mais ils sont responsables de s’en être vengés sur moi !

Même si elle m’a sans cesse répété que moi je ne pouvais pas être malheureuse
comparativement à ce qu’elle avait vécu elle, je sais aujourd’hui que j’ai
grandi dans une profonde détresse psychologique qui a encore aujourd’hui (et qui
je pense en aura toujours) des répercussions importantes sur ma vie même si j’ai
la chance d’avoir auprès de moi un homme merveilleux qui m’aide depuis 8 ans à
me débarrasser de ce fardeau trop lourd pour mes épaules de jeune femme de 30
ans.

Ces 30 années, je les ai vécues avec une enclume de culpabilité sur les épaules,
je me sentais responsable de son bonheur et donc, de son malheur. C’est ce
qu’elle m’a conditionné à croire pendant toutes ces années. Je n’ai jamais eu le
droit de ressentir quoi que ce soit de négatif par rapport à elle, j’étais une «
comédienne » (c’était facile vu que je suis passionnée de théâtre !) qui prenait
« tout de travers », celle à qui « on ne peut rien dire ». Mes sentiments ont
été bafoués, niés, annihilés pendant 30 ans. A l’âge de 14 ans, j’ai tenté de le
leur dire en faisant une tentative de suicide comme une bouée qu’on jette à la
mer. Au lieu du soutien et de l’écoute attendue, je n’ai eu droit qu’à un «
pourquoi m’as-tu fait ça à Moi ? » de la part de ma mère et à une montagne de
reproches à mon retour de l’hôpital. Je me souviens, comme si c’était hier, de
mes parents tous les 2 collés l’un à l’autre (alors qu’il n’y avait jamais
aucune marque d’affection habituellement), une table nous séparant, comme dans
un tribunal …

Mon père a quitté ma mère quand j’ai eu 15 ans (car avant c’était lui qui
subissait le plus souvent ses humeurs même si j’en prenais pour mon grade
aussi). Je ne le blâme pas pour cela mais je le blâme pour l’avoir laissée me
traiter comme son laquais pendant toutes ces années, je le blâme pour son
indifférence, pour son manque de courage face à elle, pour m’avoir abandonnée
quand il est parti (je ne l’ai quasiment pas vu depuis 2 ans et encore
aujourd’hui, la relation, même si elle s’est améliorée, est souvent à sens
unique), pour ne m’avoir toujours considérée que comme un faire valoir … encore
aujourd’hui, lorsqu’il me fait un cadeau, c’est pour lui qu’il le fait ou pour
ce que les autres vont en dire. Moi dans tout cela, je n’existe pas.

Heureusement, j’ai dans mon entourage une tante qui me soutient et qui m’aide à
accepter et à assumer ma colère et ma révolte contre eux et surtout contre elle.
Je me suis longtemps empêchée de la haïr car il est commun de dire que la haine
est proche de l’amour … et je ne voulais pas l’aimer même si je me disais sans
cesse « c’est ta mère, c’est comme ça, tu as une dette envers elle, tout le
monde a une croix à porter »…

Aujourd’hui, je me suis donné le droit de la haïr, tout ce qu’elle m’a fait
subir durant toutes ces années n’est pas digne d’une mère et même si elle m’a
dit à l’envie qu’elle m’aimait et que j’étais sa seule raison de vivre, je sais
aujourd’hui que ce n’est pas ça aimer son enfant. Aimer pour mieux dominer,
aimer pour mieux manipuler, aimer pour mieux culpabiliser … non ce n’est pas ça
aimer un enfant.

Je ne suis pas encore mère mais aujourd’hui, j’espère le devenir. Je dis «
aujourd’hui » car j’ai pendant des années été terrorisée par le fait d’avoir un
enfant (une fille surtout) et de ne pas réussir à briser ce cycle familial
infernal. Si c’est pour le rendre malheureux comme les pierres autant ne pas en
avoir …

Même si aujourd’hui je me sens mieux, j’ai toujours cette crainte, tapie au fond
de moi, de reproduire le même schéma. Et puis, j’ai peur d’être faible, de ne
pas avoir la force de garder cette rage en moi qui me permet de la laisser hors
de ma vie et de me respecter. J’ai peur de lui reparler un jour et qu’une
nouvelle fois tout cela recommence … C’est pour cela que je veux garder cette
colère intacte, car c’est elle qui me sauve. Il ne faut pas tenter de pardonner
comme on nous le dit trop souvent : « il ne faut pas vivre dans le passé, passe
à autre chose » … Il faut la dépasser, apprendre à l’apprivoiser et à vivre
avec, mais jamais l’oublier.

La maltraitance psychologique, dont on parle peu, existe bel et bien. Il me
semble nécessaire de la dénoncer comme telle.

Merci d’avoir pris le temps de me lire.

Bien cordialement,

Réponse de Brigitte :

Votre témoignage transpire la force de vivre et la détermination de ne plus laisser une seule chance à cette femme de vous embobiner par sa manipulation. C’est en vous respectant ainsi que vous ne risquerez pas de manquer de respect à votre future progéniture. Vous pouvez vous féliciter d’être restée fidèle à la petite fille de jadis en la sortant de l’impuissance et du désespoir de la violence psychique de votre mère. BO