Les deux mondes (2)

Les deux mondes (2)
Friday 09 November 2007

Bonjour,

Merci pour votre réponse, qui m’a beaucoup touchée par sa justesse ! Oui, je suis heureuse de ma relation avec mon fils. Ce fut très difficile pour moi de m’autoriser à être mère. Je pensais que j’étais un “monstre”, que j’allais forcément faire du mal à mon fils. J’ai repris très tôt le travail parce que j’étais persuadée que c’était mieux pour mon fils que d’autres personnes s’occupent de lui plutôt que moi, sa mère. Je sentais tellement de violence en moi, j’avais tellement peur de lui faire du mal. C’était terrible cette période ! Je me sentais seule, je ne pouvais en parler à personne. J’avais tellement honte de moi, honte de cette violence que je devais contenir et que je ne comprenais pas. Et peur aussi un jour de ne plus pouvoir me contrôler et frapper mon enfant. Je lui avais déjà hurlé dessus une fois et son regard terrorisé m’avait rendu malade pendant plusieurs jours. Je voulais mourir. Même ma chienne savait donner de l’amour et des bons soins à ses petits. Je l’avais bien observé avec ses chiots (jétais enceinte) pour savoir ce qu’était le fameux “instinct maternel”. Ma chienne l’avait. J’ai souvent pleuré en la voyant s’occuper de ses petits avec tant d’amour : elle était si douce. Alors j’ai essayé de faire comme elle. Je me disais : “si ta chienne y est parvenu, tu dois y arriver toi aussi. C’est quelque part en toi”

Je me suis donc décidée à aller voir un psychiatre pour me faire aider. Il m’a donné du Prozac. Je ne voulais pas de médicament, mais je me suis laissée “endormir” par son discours. Je ne ressentais plus rien, j’étais comme anesthésiée et j’ai perdu confiance en lui. En même temps, je ne regrette pas, peut-être n’étais-je pas prête à rencontrer la “bonne” personne ? Et ma relation avec mon fils était devenu quand même plus sereine.

Puis un jour, par “hasard” j’ai lu un livre d’Alice Miller “C’est pour ton bien”. Je me suis dit : “non, pas moi. Ca n’a pas pu m’arriver à moi”. Pourtant, si je ne ressentais plus de violence en moi “grace” au Prozac, je n’allais pas très bien pour autant : j’avais une sensation de vide terrible en moi, un vide que je ne comprenais pas et que même mon fils ne pouvait combler (fort heureusement pour lui d’ailleurs !)
Je me suis donc décidée à tenter une rencontre avec une autre thérapeute. Quelqu’un de bien, qui me soutient et m’accompagne toujours. Et là j’ai vu la réalité de mon enfance. J’ai compris pourquoi je ressentais autant de violence et de colère, et surtout envers qui ! J’ai pu cesser d’avoir honte et surtout, surtout, j’ai pu librement aimer mon fils. Et cesser de faire semblant d’être ce que je n’étais pas. Cesser d’être celle que ma mère voulait que je sois, à n’importe quel prix, parce que c’était plus “confortable” pour elle.

Je n’ai pas aujourd’hui vocation à être une mère toujours sereine, j’ai mon passé et je ne peux l’occulter. Seulement, je suis honnête. Sans donner de détail, j’ai expliqué à mon fils que j’avais eu une enfance douloureuse et que mes réactions pouvaient parfois être mal appropriées et qu’il était en droit de me le dire. Je me suis par ailleurs séparée de mon conjoint et j’ai tout fait pour préserver la relation entre mon fils et son père et j’ai aussi accepté la colère de mon fils contre moi durant près de deux ans : je l’ai même encouragé à l’exprimer, à y mettre ses mots. Je l’ai aussi rassuré. J’ai aussi été honnête avec mon ex-conjoint, ce que ma mère n’a jamais été avec personne. Donc nous avons des relations saines. C’est ma manière d’être mère aujourd’hui. J’invente, je crée, j’improvise et surtout je nous fais confiance à mon fils et à moi-même pour trouver le ton juste. Parfois je tatonne, et puis au détour d’une phrase, d’un geste, je vois le visage de mon fils s’illuminer et je ressens un grand bonheur. Il me fait confiance et notre relation est pleine de respect. Je n’aurais pu rêver mieux. Parfois même je ressens de la fierté : tout ça, c’est moi qui l’ai construit.

Quant à moi, je continue ma thérapie pour apprendre à mon tour à faire confiance aux gens qui le méritent (ça m’est difficile, je suis très méfiante), et pour vivre ma vie. C’est dur, très dur de faire le deuil de la famille idéale, dur de m’autoriser à faire mes propres choix, mais quand je me retourne et que je vois le chemin que j’ai déjà parcouru, je me dis que j’y arriverai…. juste être encore patiente.

Merci encore pour votre écoute.

Réponse de Brigitte:

Vous avez parcouru un grand chemin pour arriver jusqu’à vous-même et votre méfiance est justifiée. Quand on a vécu les premières années de sa vie dans la crainte des parents, au moment même où un vrai lien de confiance aurait dû être tissé, on continue sa vie durant à vivre dans la méfiance de la sanction, de la rupture, de l’abandon….. Pas à pas l’adulte que vous êtes rassurera toujours plus l’enfant meurtri pour vous épanouir librement dans vos relations sans perdre votre discernement. Bonne continuation et bravo pour votre courage. BO