Maltraitance et alcool

Maltraitance et alcool.
Saturday 03 September 2005

Chère Madame,

J’ai lu vos livres au fur et à mesure de leur parution. Le premier m’avait été conseillé par ma thérapeute. Il m’a aidé à reconnaître les graves abus dont j’ai souffert dans l’enfance.

Je suis mariée et nous avons adopté trois enfants.

Mon mari souffre actuellement d’une grave dépression et d’alcoolisme.

Sa dépression et son alcoolisme date plus ou moins du début des conflits très violents que nous avons eu avec mon fils aîné (20 ans).

Nous avons adopté mon fils à l’àge de 6 ans. Il a souffert de l’alcoolisme et de la violence de son père biologique. Il en veut à son père adoptif et a peur qu’il ne nous quitte. Or, mon mari est actuellement en cure. Il désire aller mieux et devenir sombre.

Je soutiens comme je peux mon fils. Mais je ne peux accepter certains comportements. En particulier lorsqu’il est violent (avec son frère, son père ou moi). Il ne supporte pas que je quitte la maison lorsqu’il m’agresse verbalement. Je pense que c’est la seule possibilité pour moi. Lorsque mon père me hurlait dessus, je le provoquais jusqu’à ce qu’il me batte.

Mais la question qui me tracasse aujourd’hui touche plus à mon mari. Il est en cure et les médecins ont décidé que sa dépression était endogène. Il lui ont donc prescrit un antidépresseur et un régulateur d’humeur qu’il devra prendre toute sa vie.

Je ne suis absolument pas d’accord avec ce diagnostic. J’estime qu’ils ne cherchent pas à comprendre les raisons du mal-être de mon mari.

A la lumière de vos livres, à celle de mon expérience personnelle et selon les témoignages de personnes proches qui connaissaient mon mari depuis son enfance, on peut dire qu’il a été maltraité. Il ne s’agissait pas de coups, ou d’abus sexuels, mais de manque d’affection, du mépris, de la méconnaissance la plus totale de ses besoins. Sa mère est une personne extrèmement égocentrique. Elle n’est pas authentique. Alors que son fils va mal, elle nie le problème,fait comme si de rien n’était. Tout ce que mon mari peut dire, c’est “Elle m’énerve” et il essaie de la voir le moins possible. Il est à noter que c’est chez elle qu’il s’est le plus alcoolisé (et son commentaire à elle a été “Mais cela lui fait du bien) .

Je suis mal à l’aise vis-à-vis d’elle. Tout ce qu’elle dit paraît faux. Une belle image. Mes enfants ont la même impression que moi.

Or mon mari vit actuellement une relation vraiment difficile avec notre fils. Et il lui reproche d’être faux, hypocrite. De n’être gentil avec nous que lorsqu’il désire obtenir quelque chose. J’avoue que moi aussi j’éprouve pas mal de difficultés avec mon fils. Mais je ne ressens pas du tout les choses comme mon mari.

Je pense que mon mari reproche à son fils ce qu’il n’ose reprocher à sa mère.

La question que je me pose est la suivante. Ai-je droit, alors que je ne suis pas thérapeute et que je suis son épouse à aborder ce sujet avec lui. A essayer de le faire réfléchir là-dessus. N’y a-t-il pas un risque de le voir souffrir encore plus si je lui ouvre les yeux.

Je pense à la possibilité de lui faire lire l’un ou l’autre de vos textes et de lui demander ce que la évoque pour lui. J’ai peur d’être un peu trop “intrusive” et de lui calquer ma façon de penser.

L’idéal évidemment serait de trouver un bon thérapeute mais il est en cure pour encore un bon bout de temps.

Merci de me donner votre avis.

Sincères salutations.

Vous pouvez publier ma lettre mais en respectant mon anonymat.

AM: Si on ne se permet pas de sentir et d’exprimer ce qu’on ressent vraiment on s’abandonne et la dépression s’installe. L’alcool et les médicaments peuvent affaiblir la douleur et la colère qui accompagne logiquement cet abandon de soi. Mais ces moyens de soulagement bloquent aussi l’accès à nos vraies émotions et à la compréhension de leurs causes qui sont toujours logiques pour une personne qui ne ferme pas les yeux très fort. (Lisez mon article sur la dépression et les autres articles sur ce site.)