Faire disparaître un symptôme

Faire disparaître un symptôme
Sunday 08 July 2007

Chère Madame Miller,

J’ai enfin trouvé un thérapeute qui peut être, pour moi, le témoin conscient dont vous parlez vis à vis de ma vie tragique – mon enfance et puis l’incapacité de trouver le bonheur dans ma vie d’adulte. J’ai aujourd’hui 47 ans. Maintenant, après dix mois de thérapie, j’entraperçois l’espoir réel de devenir plus forte, petit à petit,
si je me le permets, et avec l’aide de ce thérapeute. Je ne peux malheureusement pas le voir aussi souvent que j’en aurais besoin. Nos rencontres sont très espacées, pour des raisons indépendantes de sa volonté (ou non !).
Je pensais avoir perdu toute capacité de faire confiance à un être humain. Il semble que ce ne soit pas le cas. Et il semble aussi qu’il y ait quelqu’un qui veuille bien m’accompagner m o i , dans les spécificités de ma
personnalité, de ma culture et de mon histoire pour que reprenne le dialogue en mon moi adulte et cette enfant que j’étais …et que j’ai abandonnée… pour « suivre le mouvement » ! C’est dans ce contexte que je viens aujourd’hui vous dire à quel point les témoignages que je peux lire sur votre site me sont précieux,
m’aident et m’encouragent entre deux rencontres avec mon thérapeute. Ils m’aident à me sentir moins seule avec mes… problèmes, mes peurs, mon impuissance. Tout à l’heure, cet après-midi, alors que je lisais ces lettres de lecteurs : je me suis rendue compte que j’avais moins peur de penser, de réfléchir.
Pour tellement de gens, c’est mal de réfléchir à sa vie, à soi-même, à revenir sur son passé. Mais au vu du nombre de lettres que vous publiez, ce n’est pas l’avis général ! Je comprends que la connaissance de mon
enfance et de ce qui m’est arrivé n’est pas un danger pour moi, au contraire. Et je veux comprendre par moi-même ce qui m’est arrivé, et comment, et pourquoi, je suis devenue celle que je suis.
Il m’est arrivé quelque chose ce week-end que je vais encore explorer. J’ai des attaques d’anxiété qui arrivent – croyais-je – inopinément et sans raison. J’ai une terreur d’être montrée du doigt sur la place publique comme
une personne réellement vile, ne pouvant susciter qu’un total mépris.
J’ai peur d’être bannie de la société des êtres humains. D’être condamnée à mort moralement.
La semaine dernière, j’ai passé toute une soirée à écouter longuement et avec beaucoup d’attention une amie qui va mal me parler de son ambivalence envers les hommes, de ses problèmes auxquels elle n’entrevoit pas de solution. C’est une amie. J’ai réellement de la sympathie pour elle et j’aimerais garder une relation avec elle. Donc je veux bien prendre de mon temps pour l’écouter mais ne veux pas qu’elle croit que j’ai la force de la prendre en charge tout le temps, chaque fois qu’elle se sent un peu seule.
Je ne l’ai pas, cette force. Trop de problèmes de mon côté. Alors, le lendemain de ce long téléphone, j’ai décidé en moi-même que si elle me sollicitait pour passer du temps ensemble pendant le week-end, je
refuserais. Comme je m’y attendais, samedi matin, elle m’a appelée. J’ai dit que j’avais d’autres projets, sans donner de précisions. Elle m’a demandé si j’étais fâchée contre elle. J’ai dit que non. Sans plus.
Environ une heure plus tard, j’ai eu une attaque d’anxiété, que j’ai maîtrisée tant bien que mal, comme d’habitude. Plus tard dans la journée, ça m’a frappée comme une évidence – et je suis certaine d’avoir mis le
doigt sur quelque chose d’important (il faudra que le vérifie à l’avenir) que le facteur déclenchant de mon attaque d’anxiété est le fait de DIRE NON à une demande de prise en charge. « Je refuse de me sacrifier, de sacrifier mon plaisir pour m’occuper d’une personne qui ne va pas. Je veux penser à moi, pas aux autres. », voilà, ce que j’ai dit.
Mon thérapeute m’a dit, il y a quelque temps que, pour lui, j’ai une terreur liée qui a son origine dans ma relation avec ma mère dans ma toute petite enfance. Il voit juste, je crois. Je suis tellement heureuse d’avoir établi ce lien entre quelque chose que JE FAIS, une position que j’adopte, et le déclenchement de la terreur. Ca « fait du sens » (pardonnez-moi cet anglicisme, mais je l’adore). Voici ce que je pense : les anifestations
« d’égoïsme » de ma part quand j’étais enfant étaient combattues par la MENACE d’être mise au ban de la
communauté pour grâve défaut de moralité, la MENACE d’être abandonnée. C’est quelque chose comme ça. Ces menace sont encore totalement vivantes en moi et elles détruisent ma vie parce que, pour les tenir à l’écart, je suis obligée de ne jamais refuser quoi que ce soit à qui que ce soit. A servir, à être esclave, donc. Mais cette fois, j’ai pris MON parti, j’ai tenu bon, tenu pour moi, pour ma vie. Et j’ai l’impression de vous comprendre vraiment, dans le vivant, dans le réel, dans mon âme.
Je vous remercie de m’avoir lue et je vous remercie de la clarté avec laquelle vous expliquez tout ce processus du refoulement, du déni et, donc, pour l’aide réelle que vous apportez, à moi et à tant de gens.
Amitié.MI

AM: Je vous remercie pour votre lettre si claire et convaincante. Elle peut aider les autres lecteurs à voir que le sentiment de la terreur puisse disparaître aussitôt que l’on a réussi à en trouver la raison: ici la peur d’avoir dit NON, est le reflet de ce qui a été dangereux dans votre enfance mais ce danger n’existe plus pour l’adulte que vous êtes. Je vous félicite de vos progrès avec votre thérapeute et pour vous être donnée la chance de le trouvé.

Réponse de Brigitte:

Vous vous êtes courageusement approchée d’une grande blessure de votre enfance qui vous habite encore vivacement aujourd’hui puisque vous pouvez en ressentir la terreur d’une condamnation à mort si vous osez parler. C’est dans cette approche de vous même que vous pourrez en effet lire l’histoire de votre enfance qui semble être une véritable tragédie aux récits de vos fulgurantes angoisses. Quand on a été menacée de se défendre ou de dire quelque chose durant toutes ces années où vous étiez censée être une petite fille libre et vivante, il est évident que vous ne puissiez vous exprimer librement en adulte. L’emprunte de la sanction est telle, que l’apprentissage à dire Non se fera pas à pas et en toute sécurité tant que vous garderez le lien avec cette petite fille que vous avez été et qui a tant souffert. Bonne continuation, BO.