Etre témoin de maltraitances

Etre témoin de maltraitances
Sunday 25 February 2007

Bonjour,

Tout d’abord, merci à vous pour la richesse des informations que je trouve sur votre site internet. Elles me sont d’une grande aide.
Je viens vers vous avec l’espoir de trouver un interlocuteur qui va pouvoir m’éclairer et me guider. Le harcèlement moral, la violence verbale et physique sont des comportements que je connais pour les avoir vécus dans mon enfance. J’ai maintenant 44 ans. J’ai passé une grande partie de ma vie à tenter de comprendre qui je suis et à dépasser ces comportements négatifs. J”ai même fait de ma “maison” un lieu de partage et d’expression, où chacun est libre d’exprimer ce qu’il a envie d’exprimer, sans être jugé, dans le respect de chacun. Le dialogue est ouvert en permanence.

Je me retrouve aujourd’hui dans une situation vraiment difficile. Je vis avec mon fils de 17 ans au rez-de-chaussée d’une copropriété. Au 1e étage habite une famille composée d’une femme d’une cinquantaine d’années et ses deux enfants, adoptés, de nationalité srilankaise : Céline (16 ans) et Thomas (19 ans). Je vis dans cet immeuble depuis 3,5 ans.
Dès le début, Céline s’est prise d’amitié pour moi et j’ai fini par devenir sa confidente. Depuis, le ton est monté entre sa maman et elle. J’ai mis cela sur le compte de la sacro-sainte crise d’adolescence au début mais au fil du temps, Céline est devenue plus bavarde et aussi je la voyais aller de plus en plus mal : elle a tendance aux TOC, elle a structure obsessionnelle, elle regarde sa montre sans arrêt en me disant qu’elle ne doit pas rentrer en retard alors qu’elle habite au-dessus de chez moi. Elle ne veut jamais rentrer chez elle.

En l’écoutant, j’ai fini par comprendre qu’elle fait l’objet d’un véritable harcèlement, de brimades et d’humiliations. J’ai tenté de parler avec elle et de lui ouvrir les yeux sur le harcèlement. Ses amis les plus proches ont eu l’occasion d’en parler avec moi également et nous tentons tous de la soutenir et d’en parler.
La maman a fini par m’interdire de voir sa fille et d’avoir tout contact avec elle, ce que je dois légalement respecter mais je suis très inquiète pour Céline au vu de la rage (véritablement) avec laquelle sa maman dirige la vie de sa fille : elle se mêle de tout, pense à sa place, lui impose (plutôt tente de le faire parce que Céline prend de l’assurance) un mode de pensée, dirige sa vie affective avec une agressivité insupportable (culpabilité, manipulation, et j’en passe)… Elle a modifié ses horaires de travail pour pouvoir surveiller Céline.
Je ne suis évidemment jamais témoin des relations qu’elles entretiennent mais j’ai pu assister à ce que je viens de décrire cet après-midi, alors que la maman est venue à ma demande me voir pour tenter de discuter. J’ai eu droit au même comportement. Elle m’accuse de ne pas lui parler de ma relation avec Céline, de “faire des trucs derrière son dos”, de prendre trop de place, elle a tenté de me culpabiliser en me disant que je prenais Céline pour un médicament afin de guérir mon manque puisque je n’ai pas de fille, de m’humilier devant Céline (qui est restée quelques minutes et qu’elle a ensuite renvoyée chez elle). J’aurais aimé pouvoir permettre à Céline de s’exprimer mais là encore, rien à faire.Elle dirige et contrôle tout.

Que puis-je faire ? Est-il raisonnable d’en parler avec des services sociaux ? J’ai très peur que ce soit pire… il semble que Céline ait déjà tenté de parler de la situation avec des membres de sa famille ou des amis mais la maman nie tout en bloc, accuse Céline de manipulation et Céline se retrouve prise dans un déni de sa souffrance qui doit être insupportable.
Je manque de recul et je bute évidemment sur mes propres blessures… je vis très mal cette situation, comme un sentiment d’impuissance !

Pourriez-vous me donner votre avis ? Est-ce moi qui usurpe les droits de cette maman ou suis-je devant une forme de harcèlement parental ? Je ne sais plus quoi faire ni quoi penser. Il m’arrive même de penser que Céline pourrait me manipuler …

Un grand merci pour l’aide que vous voudrez bien m’apporter.

Réponse de Brigitte:
Malheureusement le harcèlement, les brimades, l’humiliation ne sont absolument pas reconnus comme des maltraitances auprès des services sociaux et la justice ne peut ouvrir une enquête qu’en cas de blessures apparentes sur un enfant. Par conséquent il y a peu d’espoir que le cas de Céline soit pris au sérieux par des administrations qui considèrent ces attitudes seulement “éducatives”.
Il est certainement très douloureux pour une personne qui a le sens du respect comme vous, d’assister à autant d’injustice et de souffrance sans pouvoir rien y faire car vous n’aurez le soutien d’aucune autorité.
Vous dites que vous “butez sur vos propres blessures” et c’est juste parce que vous avez connu la violence dans votre enfance sans que personne vienne à votre secours et vous savez combien il est douloureux d’être seule, sans compréhension et compassion.
Votre complicité avec Céline lui a déjà permis de rencontrer un témoin lucide en vous et c’est un grand cadeau qui lui permettra sans doute de ne pas sombrer dans la dépression, même si vous ne pouvez plus l’approcher aujourd’hui. Vous avez eu du courage pour aider cette adolescente, maintenant vous pouvez aussi utiliser ce courage pour écouter et sentir la douleur de la jeune fille que vous étiez et qui a beaucoup souffert des violences répétées de ses parents. BO