Souffrir de répétition
Monday 06 April 2009
J’ai déjà écrit une première fois en 2007, et vous m’avez répondu, puis de nouveau quelques mois plus tard, et ce deuxième e-mail est resté sans réponse de votre part.
Depuis que ma fille est née, mon seul guide est votre site et vos idées. Ma fille va avoir 3 ans et je continue à me débattre avec une « difficulté maternelle » paralysante. Après avoir plus ou moins rejeté ma fille, même si je faisais tout mon possible pour ne pas lui transmettre mes difficultés (mais ce serait me leurrer que de penser qu’elle n’y a vu que du feu), je lutte depuis à peu près 1 an pour rétablir une vraie relation avec elle, pour retrouver ne serait-ce qu’un peu de toute l’évidence de l’amour que j’ai éprouvé pour elle jusqu’à ses 7 mois de gestation. Parfois je crois y arriver, d’autres non. Je fais tout ce que je peux pour respecter ses sentiments, pour être à son écoute, pour qu’elle se sente aimée. Je sais pourtant que c’est difficilement possible vu que je continue horriblement mal dans ma peau, et donc tous mes contacts avec elle sont forcés dans le sens où même quand je me sens plutôt bien, je me surveille constamment par peur de mal faire. Quand je me sens mal, j’ai l’impression de jouer un rôle car j’aurais plutôt envie de rester seule, mais je fais vraiment tout ce que je peux pour être près d’elle dans tous les sens du terme.
C’est épuisant, et surtout je crois que je n’arrive à rien car elle continue de me rejeter systématiquement et de demander son père, qui a une relation bien plus facile avec elle bien que souvent teintée, même légèrement, de cette « pédagogie noire » que vous dénoncez (mais j’essaye d’attirer son attention le plus possible sur les dangers de cette « pédagogie »). Mais évidemment, c’est l’hôpital qui se fout de la charité comme on dit car franchement, comment donner des leçons à mon mari alors qu’aujourd’hui encore je ne peux m’empêcher de penser que jamais je n’aurais du avoir cette petite fille. Ça devient un cercle vicieux car je me bats pour me rapprocher d’elle mais elle continue de s’éloigner de moi, et donc je commence à perdre espoir. Souvent je veux m’approcher d’elle pour la consoler quand elle est contrariée ou même simplement pour lui laver les dents ou que sais-je et elle réclame son papa à corps et à cris ; parfois en le faisant elle est très énervée et visiblement en souffrance, d’autres fois elle demande son papa en me regardant droit dans les yeux et en faisant une moue comme pour me provoquer, pour me dire quelque chose, mais quoi exactement ?? « Tiens, je te rends la monnaie de ta pièce » ? Ou est-ce que je projette en pensant que c’est ceci qu’elle veut me dire ? Et moi que dois-je faire, insister avec elle ou appeler son papa ?? Je suis perdue. C’est très dur et je suis épuisée. C’est une enfant qui exprime sa souffrance avec son corps (elle est très souvent malade), qui continue de se réveiller plusieurs fois pendant la nuit, et je ne sais plus que faire, ni pour elle, ni pour moi.
Avec son papa tout s’est dégradé depuis que nous avons eu ma fille et notre amour est fini. Alors une pensée me hante : si je ne sers plus à rien ni comme épouse, ni comme maman, alors qu’est-ce que je fais ici ? À quoi mon existence sert-elle ? Et les idées de suicide reviennent en force. Et tout le monde veut que je prenne des médicaments, et moi je les refuse, je sais qu’ils ne serviront à rien. Je suis allée jusqu’à prendre du lithium quand elle est née et ça ne m’a pas empêchée de faire une tentative de suicide…
Et mes parents dans tout ça ? Et bien, je sais que mes problèmes viennent de là. Je sais que je dois me libérer d’eux. Je sais que je n’ai jamais été respectée en tant que personne, et que j’étais la chose de mes parents. Je le sais dans ma tête, mais mon cœur est glacé. Je continue sans y arriver. Je me rends compte qu’aujourd’hui encore j’ai peur de ma mère. Je n’arrive à ressentir aucune rage, juste un énorme, énorme vide. Je voudrais lui demander : Est-ce que tu m’as rejetée quand je suis née ? Est-ce qu’il s’est passé quelque chose que tu me caches ? Comment a été mon enfance ? (car je ne me souviens de pratiquement rien). Et pourtant je n’y arrive pas. Je n’arrive pas à lui parler ni à la regarder dans les yeux quand nous allons chez mes parents, mais je n’arrive pas non plus à lui dire ce que je ressens ni à lui poser des questions. Je suis paralysée, prise au piège.
Comment y arriver ? Que faire ? Comment me sauver ?? Ça fait 3 ans que je ne vis pas, je survis. Ma vie ne sert à rien et je bousille celle de ma fille. J’ai besoin d’aide. D’une petite lueur d’espoir. D’une piste.
Vous ne m’avez pas répondu la dernière fois. Je ne sais si vous le ferez aujourd’hui. Je lance, de toute façon, ma bouteille à la mer. Parce que je veux mourir, et pourtant il y a cette petite fille : c’est sa venue au monde qui m’a lancée dans ce désespoir, et pourtant c’est elle qui me retient encore de partir. Bizarre non ?
Bien à vous.
AM : Vous n’êtes pas une exception.
Des millions de femmes survivantes des maltraitances subies dans leur enfance, utilisent leur enfant comme bouc émissaire parce qu’elles n’osent pas sentir leur rage contre leurs propres parents. Elles ne souffrent pas aussi longtemps qu’elles sont convaincues que ces traitements sont dans un but éducatif et laissent souffrir leur enfant, de cette façon elles protègent leur parent cruel dont elles ont toujours peur.
Par contre vous souffrez énormément et il est bien que vous ayez cherché de l’aide mais cette rubrique courrier ne vous aidera pas si vous ne connaissez pas les livres d’Alice Miller. Essayez de lire « C’est pour ton bien », cela vous aidera peut être à ouvrir les yeux sur votre enfance et grâce à ça vous pourrez sauver votre fille et vous-même sans vous supprimer.
Merci de votre message.
C’est ce que ma mère a fait, nous maltraiter pour protéger ses parents.
Et lorsque j’ai essayé de lui montrer sa responsabilité dans mes problèmes de dépression, elle a toujours nié en bloc (et je sais aujourd’hui que jamais elle ne se remettra en cause).
Par contre moi je ne me leurre pas… et c’est exactement pour ça que je souffre. Je sais le mal qu’elle m’a fait, je sais le mal que je fais à mon tour, alors que je rêve de pouvoir aimer ma fille comme elle le mérite!!! Je sens que tous mes sentiments sont bloqués, coincés à l’intérieur, et rien ne sort: ni rage contre mes parents, ni amour pour ma fille… Je ne demande rien de mieux que de détester mes parents et me rapprocher de moi-même et de ma fille, mais je n’y arrive pas!! Lorsque ma fille est malade par exemple, qu’elle a des crises de toux, j’ai peur pour elle, je panique, et dans ces moments-là je me rends compte que si, je l’aime, que j’ai si peur qu’elle souffre, mais ce n’est q dans ces moments extrêmes que je ressens ces sentiments spontanés, qui restent bloqués dans la vie de tous les jours. Alors je me censure, je me surveille constamment de peur d’avoir un geste de travers, un mot de travers envers ma fille, j’essaye de faire “ce qui est bien” pour elle. Mais ce n’est pas ça une relation, et elle le ressent parfaitement.
Je prens ma fille comme bouc émissaire, mais complètement à rebours de ma volonté.
La seule bonne chose que je peux faire: être honnête avec elle, lui dire qu’elle est une merveilleuse petite fille qui mérite tout l’amour du monde et que c’est sa maman qui a un problème, et pas elle. Au moins là je serai différente de ma mère.
Je note tout de même, parce que c’est grave, que c’est mon psy qui m’avait dit qu’être mère me ferait le plus grand bien, et que je comprendrais mieux la mienne après avoir un enfant… à l’époque ce commentaire m’avait gênée sans que je comprenne exactement pourquoi, aujourd’hui je comprends sa terrible logique… Et ce psy me suivait depuis 4 ans! J’ai perdu 4 ans de ma vie et je ne sais combien d’argent en une thérapie inutile et peut-être même nuisible. C’est lamentable et c’est pourquoi votre travail est si important.
AM: On vous a presque tué votre capacité de sentir votre émotion authentique de rage et votre psy vous a tenu dans une confusion scandaleuse pendant 4 ans. Maintenant, c’est à vous de récupérer votre capacité de sentir et de penser logiquement. Il semble que vous commencez de le faire.