La rage dans les migraines
Monday 21 July 2008
je viens de terminer “notre corps ne ment jamais “et “libres de savoir”, je suis à 1000% d’accord avec ce que vous écrivez.
Enfant, j’ai été abusée sexuellement par mon père à l’âge de 13 ans, et mon grand-père paternel à l’âge de 6-7 ans. Mon père est un véritable tyran, pervers, ironique, sarcastique, très autoritaire, qui nous terrorisait moi et ma soeur, et ce jusqu’à l’âge de 40 ans.
j’étais frappée régulièrement, très souvent du revers de la main, (ce qui faisait très mal) quand je faisais une bêtise, quand je riais, quand je pleurais, quand je remuais trop, j’étais tout le temps tapée…mon père avait la particularité de m’obliger à rester debout devant lui, et me demandait de baisser les bras que je mettais devant les yeux pour me protéger… et tant que je ne baissais pas les bras, il me gardait devant lui, comme un chat qui joue avec sa proie, il m’humiliait, çà durait, durait et quand enfin, fatiguée, je capitulais et baissais les bras, il tapait, la giffle était cuisante.
J’ai subi beaucoup de violences verbales aussi, qui ont touché mon âme.
J’ai vécu dans la peur et l’angoisse d’un danger imminent. J’étais dans le contrôle permanent. Ma mère ne m’a jamais protégée. j’ai appris à lire en recevant des giffles sur la tête, parce que je bégayais. J’ai fait pipi au lit jusqu’à 11 ans, avais des difficultés scolaires, et je pense beaucoup d’autres signaux d’alarme que mes parents n’ont pas voulu voir…
Enfant, ma grand-mère m’enfermait dans le cachot à charbon, sous l’escalier, dans le noir, j’étais dans une terreur monstrueuse. je restais là des heures me semblait-il, même si çà durait peut-être un quart d’heure..
on m’a volé mon enfance, et mon adolescence.
J’ai toujours entendu mes parents dire qu’ils faisaient beaucoup de sacrifices pour nous…
Je me suis mariée à 20 ans, sans trop réffléchir, pour, je pense avec le recul, pour fuir le contexte familial. L’année d’après, quand j’ai attendu mon premier fils, que je désirais, j’ai réalisé que je n’aimais plus mon mari, mais que pour moi, c’était trop tard, puisque j’étais enceinte…
Je ne supportais plus les rapports sexuels avec mon mari, et j’ai fini par divorcer, quand mon fils a eu 2 ans. Mes parents m’ont remis le grappin dessus, me renvoyaient à mes responsabilités de mère, me faisaient la morale, et me rendaient dépendante d’eux en payant mon loyer.
4 mois après avoir quitté le domicile conjugal, de violentes migraines sont apparues et n’ont jamais cessées depuis, c’était en juin 75.
cela fait 33 ans que j’ai des migraines quotidiennes.
Après 3 mariages et 3 divorces, je me suis remise en question pour comprendre qu’est ce que je répétais de mon histoire, qu’est ce qui se jouait…
J’ai fait 3 ans de psychothérapie, au cours de laquelle j’avais coupé les ponts avec mon père. Puis j’ai voulu pardonner…je suis donc revenue vers eux.. 3 ans après, ma soeur m’apprenait que mon père avait eu des attouchements sur ma nièce.. j’ai senti la lame d’une épée me transpercer le corps de bas en haut, et arrivée à la tête, j’avais le goût de métal dans la bouche…ma plaie béante venait de s’ouvrir à nouveau…
Le chemin fut long, très long pour me reconstruire..
J’ai repris une thérapie, 6 ans avec la même thérapeute, en individuel et en groupe, puis 2 ans avec une thérapeute en EMDR qui a été véritablement le seul” témoin éclairé”, celle qui m’a encouragée à porter plainte contre mon père. Pour moi, il y avait prescription, mais pas pour ma nièce.
Mon père a été placé en garde à vue, puis a été jugé, reconnu coupable et condamné à 18 mois de prison avec sursis ( il a été jugé en correctionnelle pour attouchements sur mineur, donc pour un déli et non pour un crime ). J’ai pu témoigner et la présidente a été assez attentive, même si j’aurais aimée que ce soit mon procès, cela m’a soulagée.
… mais j’ai toujours des migraines tous les jours, et je ne sais plus vers où chercher, vers quoi…j’avoue que je suis un peu découragée…
Pensez-vous à une piste au vue de mon histoire, vers laquelle je pourrais me diriger ?
merci.
merci aussi pour vos ouvrages qui aident à ouvrir les yeux, et aussi à se déculpabiliser.
Réponse de Brigitte:
Votre tragique récit montre très bien une enfance abominable et pourtant vous pouvez relater tous ces crimes sans la moindre émotion. C’est sans doute dans vos migraines incessantes que se cache une immense rage, pourtant tout à fait justifiée et qui malgré tout vous fait peut-être encore peur. Il était tellement dangereux dans votre famille de se défendre ou se rebeller qu’il est possible que vous craignez encore inconsciemment d’être enragée par peur de mourrir sous les coups de cet homme d’autant que votre mère n’a jamais rien fait pour vous protéger et vous aider.
Sa condamnation vous a sans doute soulagé parce que de sa prison il ne peut plus vous nuire mais ça n’empêche que la petite fille de jadis hurle de toutes ses forces “dans votre tête” toute sa rage d’avoir été à la merci d’un criminel qui vous a battue, humiliée, méprisée et haïe durant toutes ces années sans que personne n’intervienne. En vous autorisant de ressentir tout ce qui se passe en vous, vous libèrerez le cri de votre tête. Bonne continuation. BO