Nos parents ne savaient pas

Nos parents ne savaient pas
Monday 15 May 2006

Bonjour,

Je viens de découvir vos livres et le site et déjà ça
bouillonne…

J’ai 42 ans et je suis mère de trois enfants de 14, 10 et
2 ans. Mon mari a été élevé selon ce que vous appelez la
“pédagogie noire”, à coup de ceinture et d’humiliations
diverses, mais il a rompu avec ça et ne cesse de se
remettre en question car il pensait encore il n’y a pas si
longtemps qu’une petite fessée ne peut pas faire de mal
(jusqu’à ce que notre fils de 2 ans se mette à taper !)

Pour ma part, je ne me souviens pas avoir jamais été tapée
par mes parents, et pourtant je sens une grande violence
en moi. Mon père n’a jamais exercé de violence physique à
mon égard ni à celui de ma mère, c’est même plutôt un
homme pacifique, mais il a toujours fait preuve d’une
grande violence verbale, de crises de colère et de
bouderies qui éclataient sans prévenir, et je pense que je
reproduis cette violence vis-à-vis de mes enfants à des
moments qui me prennent totalement au dépourvu. C’est plus
fort que moi.

Le reste du temps, je suis une mère relativement bonne qui
essaie de respecter ses enfants, de ne les humilier ni
verbalement ni d’aucune autre manière, de ne pas les
stresser, et de les éduquer par l’exemple, comme on
parlerait d’autorité de compétence.

Mais quand une crise me prend, je me transforme
littéralement, ce n’est plus moi. Je lutte contre ça (les
crises se sont bien espacées depuis ma première née
jusqu’au petit dernier), et bien sûr je présente mes
excuses quand je perds le contôle (ce que mon père n’a
jamais fait) car j’ai terriblement honte.

Je ne pense pas être dans le déni, je ne pense pas
idéaliser mes parents, mais je reste persuadée que tous
les deux m’ont toujours aimée et ont essayé de me
respecter et de répondre à mes besoins d’enfant, tout en
comprenant, maintenant que je suis adulte, qu’ils étaient
des adultes de leur époque : “propreté” le plus tôt
possible, on trimbale l’enfant comme un paquet sans lui
expliquer où l’on va, on ne répond pas aux questions ou
bien on raconte des mensonges… bref ce genre
d’éducation, pas par sadisme, mais parce que c’était comme
ça à l’époque.

Ce qui me trouble, c’est qu’on a fait du chemin depuis,
personnellement je ne connais personne qui ose avouer
taper son enfant ou l’humilier, et pourtant force m’est de
constater que les enfants autour de moi ne sont pas
respectés et sont manipulés par les adultes. Le discours
(école, collège) est un discours de respect, mais dans les
faits les enfants sont pris en troupeau et traités en
troupeau. Il me semble donc que le non à la fessée n’est
qu’un début, car on peut faire beaucoup de mal aussi avec
des paroles et une attitude soit disant éducative mais qui
vise surtout à faire taire l’enfant, à le faire se
conformer à ce que les adultes attendent de lui.

Et ce qui m’attriste, c’est que pourtant ces adultes
croient aimer et respecter les enfants, ils croient
sincèrement que “c’est pour leur bien”.

Vous avez raison, la violence a été inscrite dans notre
corps, et même dans celui de ceux qui essaient d’élever
leurs enfants sans violence. C’est un long chemin que nous
entreprenons là.

Merci pour votre site et pour vos livres.

Nathalie
Réponse de Brigitte.
Nathalie
Vous dites ne pas vous souvenir avoir été tapé mais que vous avez subi la violence verbale, les colères et les bouderies de votre père et qu’à votre tour vous manifestez des élans de violences avec vos enfants.
Votre compréhension pour l’époque dans laquelle vous avez vécu vous permet seulement de protéger vos parents pour ne pas vous approcher de l’insécurité, la peur et la douleur que vous avez vécu jadis et c’est pourquoi vous devez lutter pour ne pas vous transformer en “méchante sorcière” de la même façon que vous luttez pour rester dans le déni.
Cette lutte cessera sans doute quand vous écouterez le langage de votre corps qui crie si fort dans vos moments d’excès avec les enfants en vous montrant la vérité de votre histoire et que vous cesserez de négocier avec “oui mais à l’époque, mes parents….!” .
Bonne continuation. Brigitte